Les sites d'information s'ouvrent au 2.0
Le succès des réseaux sociaux fait de plus en plus d'émules. Les web médias d'information offrent désormais de nouveaux espaces d'expression pour élargir leur audience et fidéliser les internautes.
Je m'abonneC'est un renversement de tendance qui n'est pas passé inaperçu outreAtlantique. D'après une étude publiée en décembre dernier par le Pew Research Center for the People & the Press, le Web aurait la cote. A la question «Quels médias choisissez-vous la plupart du temps pour les informations nationales ou internationales?», les Américains ont, en effet, répondu «Internet» à 40%, devant la presse (35%). La télévision conserve néanmoins son leadership, en rassemblant 70% de réponses en sa faveur.
Cette tendance n'a pas encore traversé l'océan. Dans l'édition de janvier du baromètre TNS Sofres/Logica pour La Croix sur la confiance dans les médias, par exemple, Internet reste loin derrière les médias traditionnels (34%) constitués du trio radio (58%), presse (52%) et télévision (48%). Reste que la crédibilité du Net a augmenté de trois points par rapport à janvier 2008, une progression égale à celle de la presse justement. Des indicateurs de tendance qui donnent du grain à moudre aux partisans du développement des web médias, à commencer par les pure players. En effet, en dépit d'un modèle économique qui est encore loin d'avoir fait ses preuves, le flot des vocations à lancer des sites d'information est loin d'être tari. Après Rue89, Mediapart ou Bakchich, c'est au tour de Slate.fr d'annoncer sa venue prochaine sous la houlette de l'ex-patron de la rédaction du Monde, Jean-Marie Colombani. Les internautes de Rue89 ou de 20minutes.fr connaissent déjà ce magazine politique et culturel américain en ligne, car ces deux sites leur proposent régulièrement la traduction d'un certain nombre d'articles. Edité par le Washington Post, Slate.com est connu pour ses analyses de spécialistes sur l'actualité. Le projet, en cours de lancement, déclinera le concept américain autour de plumes françaises reconnues.
L'arrivée de pure players spécialisés
L'éventail des pure players s'élargit également pour accueillir des thématiques spécifiques, à la manière des médias traditionnels à centre d'intérêt. Evene.fr est l'un de ceux qui ont ouvert la voie en s'attaquant, il y cinq ans, à l'information culturelle. «Nous avons constaté que les médias offline traitaient la culture de manière encore trop élitiste et nous avons fait peu à peu évoluer le concept vers l'entertainment», raconte Christophe Chenebault, cofondateur du site. Un positionnement qui rencontre son public, si l'on en juge par ses chiffres d'audience (2,7 millions de visiteurs uniques, Médiamétrie//NetRatings, novembre 2008), «une visite toutes les secondes», se félicite-t- il. En mai 2007, Evene.fr s'est, par ailleurs, adossé au pôle Nouveaux Médias du Figaro «pour pérenniser le projet», ce qui lui permet de programmer le lancement d'une nouvelle génération du site cet été. Celle-ci inclura «des remaniements technologiques, graphiques et ergonomiques. Il développera aussi un axe sociétal autour de la culture via l'approfondissement de thématiques comme le tourisme culturel», détaille Christophe Chenebault. Dans un registre plus médiatique, car parti d'un fil d'informations professionnelles, Ozap.com (ex-Imédias) a aussi fait évoluer son site vers l'entertainment. «Nous avons élargi notre audience en développant les fils info et les interviews autour du cinéma, des séries, de la musique et, depuis septembre, nous bâtissons nos propres programmes vidéo», indique Julien Mielcarek, fondateur du site.
Benoît Raphaël (Le Post.fr): «Nous sommes une marque à la fois support de buzz et de publicité. Les annonceurs recherchent de plus en plus des moyens pour intégrer les logiques de réseaux.»
Thématiques en vogue
Les pure players savent aussi rebondir sur les centres d'intérêt en vogue dans la presse magazine. L'univers people a ainsi déclenché la vocation du site Purepeople.com lancé en janvier 2008. «Nous sommes partis du constat qu'il existait deux catégories de magazines people: les glamour, comme GdXa. ou VSD, et les plus trash, comme Closer et Voici, qui vivent surtout de la vente au numéro et pour lesquels il n'existe pas véritablement de modèle sur Internet, explique Cédric Sire, fondateur du site. C'est pourquoi nous nous sommes positionnés comme le site de référence sur l'actualité des stars au service des marques qui ont elles-mêmes des people comme égéries.» Boosté par une audience moyenne de près de 2 millions de visiteurs, le site people planche sur «une montée en gamme éditoriale dans la logique des news magazines».
Mais si une partie de ces pure players adopte une segmentation proche de celle des médias «classiques», ils servent aussi, à l'inverse, de modèles pour ces mêmes médias. Les nouvelles séquences participatives que met en ligne Le Monde.fr, par exemple, sont ainsi le fruit de réflexions menées avec Le Post.fr. Egalement édité par Le Monde interactif, ce pure player se présente comme un média d'expérimentation. «Le Post est une bonne source d'inspiration pour tout ce qui est développé autour de la conversation, de la participation des internautes, note son rédacteur en chef et directeur éditorial Benoît Raphaël. Notre positionnement est, en effet, axé sur l'information qui va créer du buzz et engager le dialogue. Nous travaillons dans le cadre d'un journalisme en réseau, un journalisme de rebond, la rédaction ayant un rôle de coach des posteurs.» Pour atteindre son objectif 2009?- «passer le cap des trois millions de visiteurs uniques» -, Le Post compte encore élargir la dimension participative de son contenu éditorial. Participation et communauté sont d'ailleurs les mots-clés du moment. Si Le Post et d'autres pure players de l'information comme Rue89 ou Mediapart, ont là une longueur d'avance, ils sont rejoints par les sites issus du «print». Pas une refonte de site ne se fait désormais sans une large place accordée aux?\ contenus communautaires. I LExpress.fr, par exemple, I qui a joué cette carte lors du lancement de son nouveau site en mai 2008, est allé plus?'loin le mois dernier en associant journalistes et blogueurs autour du concept d'information collaborative, «3001, l'Odyssée de l'info». «Le Figaro a été le premier site média d'information à ouvrir tous ses articles aux commentaires en novembre 2007, rappelle Bertrand Gie, directeur délégué des Nouveaux Médias pour le groupe éponyme. Quand, en octobre dernier, le site a franchi la barre du millionième commentaire d'internaute, nous avons estimé qu'il y avait de la place pour fédérer les quelque 250 000 contributeurs autour d'une plateforme communautaire.» Baptisée Mon Figaro, celle-ci permet à l'internaute de bénéficier d'un espace personnel depuis lequel il peut accéder à des informations liées aux membres de la communauté et, notamment, classer dans ses «favoris» les contributeurs de son choix afin de suivre leur activité. Un système qui n'est pas sans rappeler Faceook et ses réseaux d'amis, modèle du genre en matière de succès communautaire. Si la référence n'est pas ouvertement faite au Figaro, Face- book est en revanche mis en avant chez Libération pour expliquer le service Libé+ mis en ligne fin décembre. «Libé+ est un «Facebook de l'info»», revendique Ludovic Blecher, rédacteur en chef de Libéra- tion.fr. Cet espace permet aux internautes inscrits de disposer d'un espace personnel pour échanger autour des thématiques de l'information de Libération mais aussi créer leur profil, paramétrer des alertes e-mails ou accéder à une messagerie privée. Chacun peut suivre l'actualité de chacun via les favoris, les alertes... «C'est dans notre ADN, depuis les petites annonces, de donner la parole aux lecteurs, rappelle Ludovic Blecher. Aujourd'hui, ce sont des «Libénautes» qui se retrouvent sur une sorte de site de rencontres.» Comme le relève Tristan Jurgensen, directeur général de RTL.Net, «l'aspect communautaire est essentiel pour développer la profondeur de visite sur les sites et fidéliser les internautes, afin qu'ils aient le sentiment qu'on leur dit «bienvenue chez toi».» Mais, en radio, cette donnée est encore essentiellement prise en compte par les stations musicales, dans la foulée de Skyrock et ses Skyblogs. Dans le groupe RTL, Fun Radio est ainsi nettement avancée dans ce domaine que sa grande soeur généraliste.
«La nouvelle version du site, mise en ligne l'an dernier, propose une structure de la navigation et des fonctionnalités qui posent une vraie brique communautaire autour des valeurs de Fun, ce qui n'était pas le cas auparavant», indique Tristan Jurgensen. Pour RTL, la première étape entamée l'an dernier a consisté à refondre son site, qui a été recentré sur les contenus sonores.
«Les marques d'info ont bien compris l'intérêt d'aller sur le Net d'autant qu'elles ont adopté un positionnement qui leur permet d'avoir un faible taux de duplication avec leur média d'origine et d'élargir leur cible», analyse Thierry Jadot, président de Starcom. Au Figaro, par exemple, «un internaute sur quatre est lecteur du quotidien, précise Clément Courvoisier, directeur du marketing des Nouveaux Médias. Le profil des autres internautes est plus jeune, c'est pourquoi il est important que le site embrasse les usages les plus pointus du Web.» Cette démarche est d'autant plus importante que, pour Le Figaro comme pour ses confrères, le modèle économique dépend d'abord, et avant tout, de l'audience.
Une rentabilité quasi-nulle
Gie, sans préjuger de l'évolution d'avenir du site.
Pour l'heure, l'essentiel du modèle économique de ces sites d'info est concentré sur la publicité. Si la conjoncture est plutôt défavorable aux investissements, les acteurs du Web peuvent miser sur un média qui continue à être présenté comme porteur. Une étude menée en décembre dernier par Capgemini Consulting à l'initiative du Syndicat des régies internet parie sur une croissance de la communication publicitaire on line de 14% sur l'année 2009. Ce marché pris dans toutes ses dimensions (display, search, annuaires, affiliation, e-mailing, comparateurs, mobi le) a progressé de 23% en 2008. «Nous devons réfléchir à de nouvelles propositions pour le marché en tirant parti de nos forces, estime Benoît Raphaël. Cette démarche peut passer par une réflexion autour du fait que nous sommes une marque à la fois support de buzz et de publicité. Les annonceurs recherchent de plus en plus de moyens pour intégrer les logiques de réseaux.»
Si l'incertitude générale actuelle ne permet pas les paris hasardeux, des propos comme ceux tenus par Thierry Jadot ont de quoi encourager les médias. Selon lui, ceux-ci «ont su donner libre cours à leur expérience dans leurs contenus et se structurer pour pouvoir recevoir des publicités plus qualitatives que par le passé. Tout est réuni pour qu'on profite à plein de ces supports». A bon entendeur...
Clément Courvoisier (Le Figaro): «Un quart des internautes est lecteur du quotidien. Le profil des autres est plus jeune. Le site doit donc embrasser les usages les plus pointus du Web.»
Philippe Deshons (angence H): «Les sites sont confrontés à la même problématique qu'internet en général, à savoir l-accès gratuit à l'information.»
Sébastien Berten (Backelite): «Le volet communautaire est extrêmement bien mis en avant sur les sites d'information.»