Les nouveaux lieux d'expérience
«Les nouveaux lieux de consommation sont clairement les héritiers de la grande distribution. Ils en adoptent le langage et les codes », explique Babette Leforestier, directrice des études documentaires de TNS Sofres et auteur du Marketing Book. « On assiste au retour d'un certain bon sens, en sous-traitant un peu moins à la machine. Les banques sont dans l'oeil du cyclone depuis octobre 2008... Perte de légitimité, de confiance. Elles ont été les premières à réagir en changeant les codes.» Cela signifie plus d'humanité dans l'accueil, l'offre et l'architecture. Offrir un «plus» au client, café, wi-fi, journaux, par exemple, alors qu'il ne s'y attend pas, c'est toujours gratifiant pour lui. Et vendeur pour l'enseigne. Ainsi, le 2 Opéra, nouveau laboratoire de BN P Paribas, ne propose pas moins de 10 univers: le libre-service, la boutique bancaire, l'espace pédagogie, la boutique extrabancaire, la banque au quotidien, les salons conseil, l'espace accueil, l'exposition, le lounge et l'espace enfants. Ses horaires d'ouverture ont été étendus de 7h 00 à 23h00. Foncier Home, créé par le designer Olivier Saguez, bouleverse, quant à lui, les codes de l'immobilier et de la banque. Cet «ovni» de 1 500 m2 marie confort, high-tech et événementiel. «Il y a continuité entre le magasin physique et le site marchand. La marque s'y exprime. Le magasin va s'imposer comme un lieu d'expérience par rapport au site marchand qui informe. Le partage des fonctions suit le principe du cerveau droit émotionnel et du cerveau gauche rationnel», précise ce dernier. Pour Thierry Spencer, cofondateur et vice-président marketing de TestnTrust.com, «aujourd'hui, pour les marques, seule l'expérience est différenciante. Le transactionnel et le relationnel sont assez transversaux et innovent. L'expérience est donc le seul territoire qui demeure à explorer. Le client est aujourd'hui assez seul et le vit bien, mais il a toutefois besoin d'être accompagné». C'est la même vision «humaniste» qui anime le concept-store EDF Bleu Ciel. Grâce à celui-ci, inauguré en mai 2010, avenue de l'Opéra à Paris, on passe progressivement d'un service public à un service client.
Thierry Spencer, TestnTrust
C'est en offrant une expérience que la marque peut vraiment se différencier.
Avec son concept-store high-tech de 1 500 m2, Foncier Home bouleverse les codes de l'immobilier et de la banque.
La Poste, nouvelle génération
Corinne Journy, directrice marketing de La Poste ne cesse de le répéter: «Les espaces services clients (ESC) - nom de code interne donné aux bureaux postaux nouvelle génération, (NDLR) - ne sont pas un concept marketing. La Poste est une enseigne, pas un magasin. Elle ne le deviendra pas. Ni les clients ni les postiers ne le souhaitent.» La Poste a d'ailleurs fait machine arrière en matière de diversification de l'offre. Aujourd'hui, il n'est plus possible d'acheter des billets de spectacles. «C'était source de confusion pour les utilisateurs. Nous nous sommes recentrés sur nos trois métiers: le courrier, le colis et la banque», indique cette dernière. Pourtant, les ESC adoptent les codes du commerce organisé. Lorsqu'on entre dans un bureau de poste, on trouve des rayons et des produits, un merchandising précis, des îlots commerciaux. «Nous sommes clairement dans un concept de libre-service assisté. On a mis la relation client au coeur du processus et le marketing en fait partie.» Avec deux millions de clients par jour, il était temps de réagir.
D'autres secteurs vont sans doute suivre cette tendance. Les mutuelles ou les assurances (la Maif ou April en tête) vont probablement s'engouffrer dans la brèche. Ces acteurs ont tout intérêt à «humaniser» leurs rapports avec les clients dans la mesure où la part des dépenses contraintes ne cesse d'augmenter depuis les années soixante-dix. La pharmacie et les hôtels de moyenne catégorie y sont parvenus. Cependant, pour le moment, ces nouvelles adresses concernent uniquement les CSP + urbains. Il faut donc faire attention aux «fractures» internet, sociales et géographiques. Pour les «hors cibles», c'est-à-dire les seniors ou les ruraux, par exemple, Internet ne suffira pas.