Les études en Europe de l'Est et Centrale : un marché dynamique
International Pour un certain nombre de pays de l'Europe de l'Est et Centrale, l'intégration dans l'Union Européenne n'est plus qu'une question de mois. Et pour d'autres, de quelques années. Dans ce cadre, comment se comporte le marché des études marketing et opinion ?
Quinze ans après la fin du Rideau de Fer, le marché des études dans les
pays d'Europe de l'Est et Centrale est dominé par les principaux groupes de
sociétés d'études occidentaux qui ont racheté, au fil des années, les sociétés
locales. Dans la plupart de ces pays, on retrouve, au sein des instituts
leaders, des noms comme NFO, GfK, TNS, Millward Brown, Ipsos, Synovate… Mais il
existe également des sociétés d'études ad hoc indépendantes, quanti et quali.
Et les instituts apparaissent prêts à répondre au défi qui leur est posé :
combiner la connaissance intime de la culture du marché local et les outils
d'études internationaux homogènes. « En ce qui concerne l'offre, la rapidité
avec laquelle s'est constituée et organisée la profession des études d'opinion
et de marketing a été étonnante dans la plupart de ces pays », constate Daniel
Debomy, directeur d'Optem, institut français coordonnateur d'un réseau européen
de sociétés d'études qualitatives, qui réalise, dans 32 pays européens, les
études quali de la Commission Européenne. « Cette profession a pu s'appuyer sur
un tissu riche de compétences universitaires existantes, quoique largement
ignorées à l'Ouest avant la chute du communisme, poursuit-il. La qualité et la
vitalité des facultés de psychologie et de sociologie ont, notamment, permis
l'émergence d'instituts qualitatifs dont l'intelligence des problèmes et la
pratique des méthodes n'ont guère à envier à leurs homologues d'Europe de
l'Ouest. On peut même avancer l'idée que les dirigeants et les collaborateurs
de ces instituts manifestent peut-être plus fortement encore une “soif de
comprendre”, qui rend leurs analyses et leurs conclusions particulièrement
poussées et pertinentes. Face à des entreprises ou des instituts clients
occidentaux souvent initialement enclins à plaquer leurs méthodes sur la
réalité locale, ces instituts jouent un rôle pédagogique important. Il est
patent que le processus d'apprentissage est loin d'être à sens unique. »
Une évolution rapide
Le dernier Congrès Esomar, à
Prague, a été l'occasion d'une réunion des responsables de ce réseau européen
coordonné par Optem. Pour Marketing Magazine, les dirigeants présents -
constituant un échantillon de pays candidats à l'Union Européenne, tels que la
Pologne, la Lituanie, la République tchèque, la Slovénie, la Bulgarie et la
Turquie - ont expliqué comment leur marché des études a évolué au cours de la
dernière décennie et quels sont les facteurs déterminants dans cette
évolution. « Dans les pays candidats à l'adhésion à l'Union Européenne,
rappelle Daniel Debomy, l'évolution du marché des études présente un certain
nombre de traits communs. Depuis la fin du Rideau de Fer, les anciens pays
communistes d'Europe Centrale et Orientale se sont attelés aux deux principaux
défis de l'établissement d'un système politique démocratique, avec l'ensemble
de la construction juridique que cela implique, et la mise en place d'une
économie de marché, défis qui correspondent aux conditions fixées par l'Union
Européenne, depuis son origine, à tout pays qui souhaite y adhérer. La
situation des autres pays candidats, méditerranéens, n'était naturellement pas
la même, mais les deux problématiques de l'approfondissement de la démocratie
et de la pleine instauration d'une économie ouverte n'y étaient pas absentes
non plus. Dans ce contexte général, l'examen des évolutions de la dernière
décennie met cependant en évidence des changements de nature, d'ampleur ou de
rapidité différentes d'un pays à l'autre. »
Pologne : un marché attractif
« Jusqu'en 1989, il n'existait en Pologne que deux
instituts d'opinion gouvernementaux. L'un faisait des études politiques pour le
gouvernement, et l'autre, affilié au centre d'études d'opinion de la télévision
polonaise, se concentrait sur des études médias utilisant des méthodologies
“papier-crayon” », explique Piotr Starzynski, Président directeur général de
l'institut polonais BSM. Le processus de démocratisation et l'ouverture à une
économie de marché qui ont suivi la chute du communisme ont entraîné un
développement des études de marché. Des sociétés d'études privées sont nées,
créées, le plus souvent, par des universitaires. Dès le début des années 90, la
Pologne, par la taille de sa population, est devenue un marché attractif pour
les grandes multinationales agroalimentaires, pharmaceutiques, du tabac, de
l'automobile, des télécommunications. Ces dernières avaient besoin
d'informations sur les consommateurs polonais. Comme il n'existait aucune
information fiable, elles se sont tournées vers les nouvelles sociétés d'études
qui se sont développées très vite, en termes de structures mais aussi en termes
d'applications méthodologiques. En conséquence, le marché est devenu
intéressant pour les grands groupes de sociétés d'études. GfK a commencé à y
travailler en 1990, MEMBR et ACNielsen ont rapidement suivi. A l'époque, les
études les plus demandées étaient des U & A quantitatives puis des tests de
concepts. Dès 1995, des techniques comme le CATI, CAPI, la télémétrie, la
single source étaient disponibles en Pologne. Vers le milieu des années 90, le
pays comptait déjà une trentaine de sociétés d'études dont les clients étaient
majoritairement les multinationales. Peu de sociétés polonaises font encore
appel aux études de marché. Déjà relativement mûr, le marché polonais des
études, après plusieurs années de croissance autour de + 70 %, progresse de
façon plus lente. En 2002, la croissance des 10 premières sociétés d'études
polonaises membres d'OFBOR (Organisation of Opinion and Marketing Research
Firms) n'a été que de 3,1 %, mais ce chiffre recouvre de grandes disparités
selon les instituts.
République tchèque : les études d'opinion explosent
« Le marché des études de marché s'est développé dans
les années 90, avec l'arrivée des marques internationales comme Marlboro,
Adidas… qui sont venues avec une très bonne image et des budgets de
communication très agressifs. Elles ont tout de suite imposé leurs
méthodologies d'études et des études comparatives, souligne Michal Barta, P-dg
de l'institut Mareco. Quand les marques locales ont commencé à perdre des parts
de marché, elles se sont tournées vers les études. Aujourd'hui, les nouveaux
clients des sociétés d'études sont des sociétés tchèques nouvellement créées
qui ont besoin d'informations sur leur marché et leurs consommateurs pour aller
plus loin. Plus récemment, les sociétés pharmaceutiques se sont intéressées au
marché tchèque et, en conséquence, les études santé se sont développées. La
prochaine entrée de la République tchèque dans l'Union Européenne a provoqué
un intérêt certain pour les études d'opinion publique qui ont explosé. Les
entreprises s'interrogent sur l'impact de l'entrée de nouveaux membres dans
l'Union Européenne. »
Bulgarie : la demande locale progresse
« Pays socialiste type, la Bulgarie ne connaissait pas
la segmentation de marché, ni les marques », explique Boriana Dimitrova, P-dg
d'Alpha Research. Au début des années 90, le marché des études s'est
développé autour des études d'opinion ; les premières élections libres, et
donc les premiers sondages d'opinion, ayant eu lieu en 1990. Le processus de
privatisation s'est enclenché tout de suite après, attirant les entreprises
étrangères. « Elles faisaient peu d'études de marché en Bulgarie, estimant que
tous les pays d'Europe de l'Est ou Centrale se ressemblaient et qu'il suffisait
d'avoir testé en Hongrie, par exemple, pour être sûr du marché bulgare,
poursuit Boriana Dimitrova. Il a fallu tout apprendre, ne serait-ce que la
terminologie du marketing. Depuis deux ans, la demande pour des études de
marché locales est nettement plus forte. Les marques locales sont plus
nombreuses, souvent des filiales de grandes marques internationales, et la
Bulgarie sert de point de départ pour un lancement en Russie. Ce qu'il ne faut
surtout pas oublier, c'est que certaines marques de consommation courante, en
France par exemple, ont un positionnement haut de gamme en Bulgarie (Snickers
de Mars, entre autres). Une communication venue d'ailleurs, pas été testée en
Bulgarie, apparaît comme peu adaptée. »
Lituanie : les marques locales émergent
« Comme il n'y avait rien dans ce pays dans les
années 90, les multinationales sont arrivées d'abord, avec leur cortège
d'études d'image de marque et de tests de publicité, explique Elena Liubsiene,
directrice de Baltic Surveys Ltd. Depuis cinq ans, des marques locales sont
apparues qui, à leur tour, ont besoin de connaître leurs consommateurs et les
leviers de fidélisation. Notre prochaine entrée dans l'Union Européenne est
également à l'origine de nombreuses études et enquêtes autour de ce thème. »
Turquie : le secteur public en développement
« Les
études de marché se sont développés dans notre pays, dans les années 80, sous
l'impulsion des multinationales, constate Ayse Mutaf, P-dg d'Alfa Market
Research and Consultancy. Depuis, les sociétés turques s'y sont mises, même
s'il reste encore beaucoup de pédagogie à faire. Les problématiques ont évolué
: nous travaillons toujours sur des tests de publicité ou des U & A, mais nous
sommes davantage sollicités sur des questions de parts de marché ou de
lancement de nouveaux produits. La Turquie est désormais souvent incluse dans
les pays à tester lors d'un lancement de produit. Quant au secteur public, il
s'adresse à nous pour des études sur l'opinion à l'égard des partis
politiques, mais également sur des grands projets touchant à la femme, à
l'enseignement, aux enfants, à la famille. »
Slovénie : parmi les pays tests
« Jusqu'en 1990, la Slovénie faisait partie intégrante
de la Yougoslavie, expliqueBranko Znuderl, P-dg de l'institut RM Plus. Si des
études d'opinion étaient faites, c'était à l'initiative du secteur public qui
faisait alors appel aux universités. Mais le vrai changement est survenu dans
les années 1992-95, au moment des premières élections libres, avec leur cortège
de sondages, et de la mise en place d'une nouvelle législation autorisant la
création d'entreprises privées. C'est alors que les problématiques études ont
évolué vers l'image de marque puisque la concurrence existait. Lorsque les
marques internationales se sont introduites sur le marché, en 1995, elles ont
commencé à faire des études de marché. Elles représentent, par exemple, 80 % de
la clientèle de RM Plus. La Slovénie a l'avantage d'être bien située par
rapport à la Serbie ou à la Croatie, ce qui facilite les études de marché dans
ces pays à partir du nôtre. De plus, comme la Slovénie est un petit pays de 2
millions d'habitants disposant d'un pouvoir d'achat élevé, les entreprises
internationales n'hésitent pas à l'inclure dans les pays à tester. Depuis deux
ans, le gouvernement et les ministères font réaliser des sondages de façon
régulière. »
19 e
c'est la position au niveau mondial occupée par le marché polonais des études en 2002, selon l'étude annuelle d'Esomar.