Les couleurs donnent le ton
Aujourd'hui, au-delà de donner du sens, réveiller un concept ou un produit... les couleurs s'inscrivent aussi dans une dynamique éthique.
Je m'abonneDans l'univers de la création, ce n'est souvent qu'après avoir tout défini (la matière, la stratégie et même le packaging) que la question de la teinte se pose. Pourtant, en renversant la problématique, et en optant d'abord pour une couleur, «la marque indique justement la cible adressée, le positionnement...», estime Monique Large, directrice des études de Dezineo (Polygone Group). Apparaît alors la nécessité de s'interroger sur la valeur de la couleur. Et tandis que la mode street-wear n'hésite pas à tester les mélanges, d'autres sont sur la réserve. D'autant que la crise s'invite au débat et rend presque décadents les objets bariolés. Faut-il alors verser dans la morosité? Pas nécessairement. «Il faut redonner un sens aux différents coloris et les utiliser à bon escient», intervient Monique Large.
Tandis que l'oeil humain perçoit quelque 350 000 nuances, de nouvelles couleurs sont sans cesse inventées. L'exercice se veut pointu, si bien qu'un nouveau métier est né: celui de color hunter. Dans ce contexte où le choix est vaste, chaque acteur utilise la palette en fonction du message à délivrer. Pour Monique Large, ce choix dépend fortement du rôle que l'on souhaite faire jouer à la couleur. Cette dernière peut se montrer conceptuelle et signifier une marque. Parfois, elle vient créer la surprise ou structure le produit et le rend plus facile à utiliser, à appréhender. Mais la couleur a aussi une faculté d'activation et peut agir comme révélateur. Plus récemment, elle affirme sa dimension éthique. Certaines couleurs viennent justement signifier les valeurs associées à cet aspect. Le vert reste très prisé. McDonald's a ainsi revisité son logo. Les marrons, rappelant la terre, sont aussi sources d'inspiration. Le stade de Johannesburg entre ainsi dans ce cadre.
Plus surprenant, le rouge devient également porteur de sens grâce notamment à son statut de couleur engagé. Bono, le chanteur du groupe U2, l'a d'ailleurs utilisé pour son initiative baptisée red et destinée à lutter contre le sida en Afrique. Les fonctions traditionnelles de la gamme de coloris se trouvent ainsi renversées. La couleur fait plus qu'agrémenter un objet, elle est porteuse de message.
Couleur réactive
Certaines couleurs ont un impact immédiat, à l'instar de l'orange. D'autres changent dès qu'elles sont en mouvement. Les cosmétiques prennent part à cette réflexion. Ainsi, Dior a innové avec son gloss Dior Addict lip glow qui s'adapte aux taux d'humidité des lèvres et permet à chaque utilisatrice d'obtenir une teinte unique. La couleur devient malléable, personnalisable. Et le goût pour les objets singuliers ne cesse de se développer. Ainsi Le mobilier devient customisable à souhait. Même chose pour le secteur de l'optique.
En effet, Ray-Ban propose à ses clients d'utiliser un kit pour obtenir leur propre paire de Wayfarer. Au fond, les marques invitent le consommateur à expérimenter la couleur, à la fa ire vivre.
Couleur surprise
La couleur ne laisse pas indifférent. Elle favorise un ressenti. Ainsi, il est possible de détourner la signification première d'une couleur pour étonner. Le rose vient ainsi féminiser des univers. Sur les murs des parkings, pour les poubelles et les ordinateurs, il met à mal les codes usuels. Dans les rayons des supermarchés aussi, les habitudes sont révolutionnées. Les produits ménagers, habitués au blanc et au pastel, n'hésitent pas à oser le noir, à l'instar d'Harpie.
Les associations de nuances peuvent aussi dérouter. Les contrastes sont sources de questionnements. Ainsi le jaune et le noir, utilisés en signalétique, inspirent les créateurs; tandis que l'orange et le vert, habitués à l'outdoor, viennent réveiller des packagings de crème solaire (Lancaster Sport).
Couleur éthique
La couleur en elle-même suscite des interrogations. Elle se retrouve accusée d'être trop chimique, trop toxique. Aucun secteur ne se trouve épargné. Pour preuve, dans la mesure où il s'avérait impossible de proposer des Smarties bleus sans ajouter de colorants artificiels, ils n'ont plus été fabriqués. Dans tous les domaines d'activité, des mises en garde vis-à-vis de l'utilisation des pigments chimiques s'élèvent.
En parallèle, la question des teintures naturelles se pose. Le textile se penche particulièrement sur la question. La marque de vêtements Les Racines du ciel, par exemple, a fait le choix de l'éthique et du bio aussi bien pour les matières qu'au niveau des teintes.
Pourtant, des questions sur la qualité des nuances, la stabilité de la couleur et l'appauvrissement de l'écosystème viennent freiner les ardeurs de ceux qui croient véritablement au naturel.
Couleur structurante
Bien souvent, l'oeil perçoit la couleur avant la forme ou même le message. Du coup, elle permet de regrouper des éléments ou même d'établir un classement. Côté merchandising, lorsque les produits sont regroupés par teintes, les linéaires se montrent harmonieux et esthétiques. A ce titre, Uniqlo s'illustre. Autre tendance, la déclinaison de produits en différents coloris comme le papier toilette Renova, Vitaminwater, ou encore les machines Tassimo. Enfin, en signalétique, la couleur vient guider, renseigner et aussi aider à organiser l'espace.
Couleur conceptuelle
Parfois, la couleur fait partie intégrante du processus de réflexion. Au même titre que la forme. Certaines marques choisissent volontairement de mettre en avant une teinte. A l'occasion des«Designer's Days», Baccarat a ainsi mis en scène son célèbre rouge et dévoilé le secret de l'obtention de sa couleur fétiche. De son côté, Blue Bretzel propose des vêtements aux couleurs mythiques: pull vert reprenant la nuance exacte de la 2CV de Citroën, tee-shirt marron reproduisant les pigments de l'iris de Mona Lisa... La parfumerie n'est pas en reste. Début 2009, tandis que Guerlain sort La petite robe noire, Chanel donne à l'une de ses dernières fragrances le nom Beige.