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La demande pour un modèle alternatif est là

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Mi-mars dernier, TNS lançait TNS Direct, institut basé sur un business model type “low cost”. Une première sur le marché des études. Président de cette nouvelle filiale, Denis Delmas en explique la genèse.

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De quelle analyse du marché êtes-vous partis pour aboutir à la création de TNS Direct ?


Denis Delmas Il y a deux façons de regarder le marché français des études. Du côté de l'offre et du côté des clients. La France est le marché le moins concentré des pays matures. L'offre y est peu lisible, et, selon nous, se répartit en trois tiers. Le premier rassemble les grandes sociétés très drivées par un axe technique, technologique, et généralement spécialisées dans un secteur, sur lequel il y a peu d'acteurs ou un monopole : les panels, la pige, l'audience médias... Là, il existe une logique de glacis concurrentiel. Les positions sont très figées. Les clients connaissent bien ces sociétés, anciennes, bien installées. Le deuxième tiers réunit les sociétés ad hoc, avec les grands instituts internationaux ou les gros acteurs nationaux. Sur ce marché, les facteurs clés de succès sont : une capacité technique importante et une palette large par rapport au recueil de données ; être international, ou avoir un réseau ; un front-office de qualité avec des experts d'une technique, d'un secteur... Il y a une dizaine d'instituts dans ce cas. Le troisième tiers rassemble des sociétés généralement plus petites, souvent indépendantes, dont les managers sont souvent les actionnaires, des sociétés régionales et des sociétés à la frange d'autres métiers comme les call centers... Elles vendent des prestations plus petites en volume, généralement plus simples, moins chères, et elles sont, peut-être, plus réactives. L'offre, là, est pléthorique et peu lisible.

MM Et du côté des clients ?


DD Lorsqu'un client achète une étude ad hoc, il voit très bien la dimension technique : la cible, les quotas, les effectifs... Il comprend bien. En revanche, tout ce qui concerne le service, l'analyse, le conseil, l'accompagnement... est beaucoup moins défini, voire pas du tout. Ce qui est étonnant parce que dans d'autres professions de services B to B, telles que le consulting, les SSII, la communication, les avocats, chasseurs de têtes..., cette partie-là est beaucoup plus valorisée, contractualisée. Notre profession définit très bien tout ce qui est technique et insuffisamment cette deuxième dimension qui, pourtant, coûte plus chère que la première.

MM Quelle démarche a suivi cette analyse ?


DD Nous avons constaté que les clients avaient aussi des questions simples, auxquelles il fallait apporter des réponses simples. Nous avons donc cherché quels étaient les secteurs où l'offre était simple et les prix compétitifs. Réponse : le hard discount, les compagnies aériennes low cost, la restauration rapide… Et nous avons vu que ceux qui fonctionnaient obéissaient à quatre grandes règles : une offre très lisible, avec des produit très simplifiés ; des coûts de commercialisation et de service très réduits ; un processus industriel moins coûteux parce que l'offre est standardisée ; une contractualisation précise de la relation client. On sait ce que l'on a et ce que l'on a pas. Il n'y a pas de surprise, pas d'ambiguïté. Et ceux qui ont réussi, sont ceux qui sont restés dans la pureté du modèle. La question était de savoir si nous étions capables d'appliquer un tel modèle au marché des études.

MM TNS Sofres, par exemple, ne pouvait pas répondre à ces besoins ?


DD Non, pour beaucoup de raisons : de taille, de structure de coût, des raisons humaines parce que nos personnels correspondent à un certain type de demandes, d'études. Là, nous sommes dans un modèle light. Nous sommes repartis d'une page blanche : comment répondre à des besoins plus simples, plus rapides, plus compétitifs ? En fait, comment créer une société d'études aujourd'hui ?

MM Quelles sont les composantes de votre modèle “light” ?


DD Tout d'abord une promesse : nous allons faire des produits très simples. Avec un catalogue de prestations comprenant des études téléphoniques sur la France, des produits packagés couvrant dans différents domaines : satisfaction client, géomarketing, communication, offre produits..., des études syndiquées et des études ad hoc avec prestation limitée et définie dès la vente. Ensuite, nous allons très en aval du produit fini en définissant le traitement et les “délivrables”. Nous contractualisons de manière très précise le niveau de service ; par exemple, l'envoi des résultats on line. Enfin, nous avons un terrain téléphonique en Tunisie avec 50 postes CATI. Tout ceci nous amenant à des prix de 30 % inférieurs à ceux des grands instituts. Et dans un modèle qui gagne de l'argent.

MM Comment s'inscrit TNS Direct dans la stratégie de TNS ?


DD Si l'on veut se développer, il faut couvrir les besoins que l'on ne couvre pas. Nous sommes un groupe bien présent dans le premier tiers du marché avec TNS Media Intelligence et TNS Secodip, et dans le deuxième avec des marques fortes comme TNS Sofres, leader de l'ad hoc, Louis Harris, NFO. Mais pour le troisième tiers, celui des études simples, plus petites, rapides et pas chères, nous ne savions pas bien faire. Les clients nous disaient “Nous ne vous les avons pas données, parce qu'elles ne sont pas pour vous”. C'est sur ce troisième tiers que nous lançons TNS Direct. Notre stratégie est une stratégie de gamme permettant de couvrir tous les besoins.

MM Structurellement, comment se positionne cet institut ?


DD C'est une filiale à 100 % de TNS, basée à Chambourcy pour des raisons logistiques. Avec un Dg, Damien Desport, et une équipe d'une dizaine de personnes. Des gens qui s'inscrivent dans un modèle différent. Nous avons besoin de gardiens du temple de la pureté du modèle. TNS Direct va agir commercialement de façon autonome. Et nous avons prévu un aspect marketing direct important parce que les offres sont simplifiées.

MM Pourquoi TNS “Direct” ?


DD “Direct” parce que direct à l'essentiel, direct dans la relation client. Tout est transparent pour le client. La marque TNS étant le garant de la qualité. Nous avons mis beaucoup de notre savoir-faire dans la qualité technologique, tout à fait comparable aux meilleurs standards de la profession, dans celle des logiciels, dans la formation des enquêteurs, de l'encadrement...

MM A quels types de clients allez-vous vous adresser ?


DD A deux types. Le premier est celui des grands donneurs d'ordres, les clients traditionnels du deuxième tiers, qui ont souvent des besoins simples qui ne nécessitent pas toute l'infrastructure technologique, toute la valeur ajoutée... et auxquels les grands instituts n'apportent pas de réponse. Il ne faut pas croire que les modèles à prix performants sont réservés aux “pauvres”. Easy Jet a les mêmes clients qu'Air France, McDonald's n'est pas le restaurant des pauvres... Il existe encore dans les esprits un côté étanchéité des clientèles : tel produit pour tel segment. C'est le résultat des abus de la segmentation, des typologies... Or, les clients sont logiques : selon leur niveau de besoins, ils adaptent le choix de leur fournisseur. Et ils vont chercher des réponses en fonction de la lisibilité de l'offre. Le deuxième type est celui de clients plus petits : des systèmes en réseau, des franchises, des annonceurs régionaux... souvent sous-marketés, sous-investissant en communication, en études... Qui ont besoin de choses plus simples, de prendre des décisions plus rapides, à des prix plus compétitifs... Ils ne s'adressent pas aux grands instituts et ils ont du mal à appréhender, à approcher, le tissu du troisième groupe. Nous pensons qu'il existe, là, une demande très importante.

MM Le modèle de TNS Direct existe-il ailleurs ?


DD Non. C'est un modèle innovant, dont nous sommes pilote pour le groupe. Le métier des études est un métier qui ne faisait pas vraiment son propre marketing, qui communique peu, où la structure de l'offre, l'organisation de la promesse dans son ensemble, n'est pas ce que l'on sait faire de mieux. Notre métier a évolué dans les modes de recueil, dans le service... mais c'est, quand même, un métier un peu conservateur. Tout le monde a appliqué à peu près le même business model. Nous, nous avons fait notre propre marketing. Nous avons investi beaucoup d'argent, beaucoup de temps, pour structurer une offre adossée à TNS dans un business model pur. Un leader a le devoir d'innover par rapport au marché, aux clients. Nous nous devions de donner notre vision. Nous avons la capacité de proposer des modèles alternatifs. Et nous sommes certains que la demande est là. Mais l'offre doit être radicale pour être lisible.

MM Ne risque-t-on pas d'assister à une cannibalisation de la clientèle des instituts ad hoc de TNS ?


DD Non. Nous ne serions pas ce que nous sommes, je ne dirais peut- être pas cela. Nous sommes très puissants sur nos métiers spécialisés et sur l'ad hoc à valeur ajoutée. Quand nous disons que nous allons vers des besoins plus simples, c'est que nous allons chercher un business qui nous échappe. Lorsque les clients achètent TNS Sofres, c'est parce qu'ils ont de gros besoins, qu'ils ont besoin de toute la palette technologique, du terrain, de gens spécialisés sur leur secteur... En fait, une même demande ne peut pas être transférée de TNS Sofres à TNS Direct. De plus, il s'agit uniquement d'études par téléphone qui sont donc réservées à certains types d'études. C'est un modèle qui ne peut pas tout faire. Mais ce qu'il fait, il le fait avec un rapport qualité/prix imbattable. Si on fait tout, on fait tout mal. Ce n'est pas la “Samaritaine des études”.

MM Le choix de la Tunisie pour implanter le terrain téléphonique explique-t-il les prix bas ?


DD Ce n'est qu'une petite explication du niveau de prix. Le prix est issu d'un mix entre le côté packagé des produits, le mode de commercialisation, le niveau de service délivré, les solutions techniques très high-tech que nous avons développées... Mais, s'il est clair que nous serons moins cher, que nous avons la volonté d'offrir les prix les plus bas possibles, nous avons aussi mis en place tous les moyens possibles dans une logique de qualité.

MM Comment avez-vous monté ce terrain ?


DD Nous avons passé un accord avec une société locale. Nous disposons d'un terrain dédié, avec un niveau de qualification de main d'œuvre très élevé.

MM Quels sont les objectifs fixés pour TNS Direct ?


DD Nous restons discrets sur ce point, mais nous sommes capables de monter en puissance très vite.

MM Courrez-vous un vrai risque ?


DD Ce serait le cas si nous n'avions pas mis en place les standards de qualité nécessaires.

MM Comment voyez-vous l'avenir du marché français des études en termes de structures ?


DD Il restera quelques réseaux internationaux, vraisemblablement trois à terme, et des sociétés avec des modèles alternatifs, soit spécialisées sur un secteur, une technique... Le modèle de l'institut qui fait un peu tout, de taille moyenne, pas ou peu international, ne semble plus très viable. Nous allons voir un tournant dans l'organisation de ce métier que d'autres pays, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, ont vécu plus vite que nous.

MM Craignez-vous une réaction de la concurrence ?


DD Nous avons un temps d'avance. La mise en place de ce modèle, même s'il est simple, ne s'improvise pas. C'est le fruit de 16 mois de travail.

TNS en France


CA 2002 : 174 millions d'euros l 1 500 salariés l Sociétés et marque : TNS Media Intelligence, TNS Secodip, TNS Sofres, TNS Direct, NFO, Louis Harris, Test.

 
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Propos recueillis par François Rouffiac

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