Internet au cœur des stratégies de marque
Engagée il y a dix ans, la révolution internet ne fait que commencer. Et avec elle, de nouveaux défis pour les marques. Logique donc, que toutes revoient leurs stratégies marketing et publicitaires, suite à la fragmentation des médias.
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Dix ans après l'introduction en Bourse de Netscape, qui a donné le coup
d'envoi à la démocratisation du Web, Internet s'installe pour durer. Et est en
train de modifier la relation des marques avec leurs consommateurs, tout comme
l'automobile, l'électricité ou le téléphone ont pu changer nos modes de vie par
le passé. Preuves s'il en est, les initiatives des marques qui, peu à peu,
comprennent le caractère interactif du Web et l'utilisent pour installer un
dialogue entre leurs services marketing et le consommateur. « Auparavant,
Internet était un média de complément. C'est devenu un média à part entière,
car il y a une véritable audience calculée en dizaines de millions de foyers,
constate d'emblée Philippe Delière, président de l'agence Wunderman. Il n'y a
qu'à se pencher sur la richesse des contenus. L'image, le son, la créativité…
tout est désormais facilité par le haut débit. »
Rien qu'en France, trois quarts des internautes sont connectés à une liaison
haut débit. Encore une révolution que met en avant une étude réalisée par
TBWA\Corporate pour MSN en novembre dernier. Alors que les Français ont
aujourd'hui le sentiment de voir leur pouvoir d'achat se réduire, les résultats
de cette étude (voir encadré page 26), montrent au contraire que les qualités
du média internet permettent à l'internaute de dépenser mieux et plus. L'idée
est lâchée et semble de plus en plus faire son chemin au sein des services
marketing : Internet est une occasion de réinventer une nouvelle relation
marques/consommateurs que tous les acteurs attendent.
Une nouvelle relation marque/consommateur
« Les marketeurs doivent accepter de
perdre le contrôle.
Les marques doivent impérativement créer du lien social et
se servir d'Internet pour aller au-delà de l'information », confirme Philippe
Delière. Les constructeurs automobiles l'ont bien compris, à commencer par
Volvo et sa campagne Dalarö en 2004. Ce dernier a réalisé un teasing et des
infiltrations sur le Web pour accompagner sa campagne TV.
En misant sur la complémentarité des médias, le constructeur suédois a non
seulement permis à la marque d'augmenter de 585 % le nombre de visiteurs
uniques sur son site, mais aussi de faire progresser de 60 % le trafic en
concessions.
Idem chez Ford où « 70% des acheteurs de la marque se sont au
préalable renseignés sur le site du constructeur », révèle Philippe Delière. Un
constat partagé par Bertrand de la Selle, interactive marketing manager chez
Nissan : « Dans certains pays d'Europe, un visiteur sur quatre achète une
voiture dans les quatre mois dans nos concessions après être passé sur notre
site. »
Il faut dire qu'Internet offre une formidable vitrine aux marques, en
facilitant recherches et comparaisons. D'autant que les passionnés d'automobile
sont souvent aussi des accros du Net. « Le Web est un média de permission. Le
consommateur est vraiment au centre de la démarche. C'est lui, et lui seul, qui
a choisi de créer de la relation. Quand la campagne prend en compte cet aspect,
les retours sont incroyables », résume Matthieu de Lesseux, coprésident de
l'agence interactive Duke. Avant d'ajouter : « Outre l'information, Internet
permet aussi de créer de l'expérience et donc de la relation. Le consommateur
adore donner son avis. Quand une marque gère bien cette relation, elle a tout à
y gagner. Pour le lancement de la PlayStation Portable, nous avons réussi à
récolter un nombre de contacts hallucinant. » Et pour cause, dès les premiers
jours, le site a comptabilisé plus de 400 000 visites en trois semaines avec
deux millions de pages vues.
Campagnes en ligne
Des chiffres encourageants qui poussent les marques à tenter l'expérience. C'est ce
qu'a fait Hasbro.
Le fabricant de jouets a, pour la première fois, accompagné la
commercialisation de son nouveau jeu, Atmosfear, d'un site internet. Au menu,
une présentation du jeu, une reprise de spots diffusés sur les chaînes
nationales et un jeu viral. « Le lancement de ce site a lui-même été accompagné
d'une campagne de communication web via des bannières déployées sur plusieurs
autres sites.
Le Web est devenu incontournable. Les garçons entre 12 et 18 ans sont la cible
du jeu et ces derniers n'utilisent que deux médias : la télévision et
Internet », explique Yves Cognard, directeur marketing d'Hasbro France qui,
séduit par l'expérience, continuera d'investir sur Internet pour d'autres jeux
du groupe. « Il est de notre devoir de davantage communiquer sur Internet,
explique-t-il. Cela représente moins de 5 % des investissements et prend de
plus en plus d'importance. » En outre, ce sont tous les secteurs de l'économie
qui sont désormais concernés par la déferlante Internet.
La grande consommation n'est pas en reste avec Coca-Cola ou Procter & Gamble,
augmentant très largement tous deux leurs dépenses en France sur Internet.
Le lessivier a ainsi lancé l'an dernier une campagne en ligne avec l'agence
Duke pour Pringles afin d'accroître sa visibilité et de générer du trafic. Si
Procter & Gamble n'en est qu'aux étapes de “découverte de l'immense potentiel
de ce média devenu incontournable”, elle compte bien s'installer et toucher de
nouveaux consommateurs.
« Les cibles de nos produits n'étaient, jusque-là, que
peu réceptives à ce média. Mais la pénétration du Web est aujourd'hui devenue
telle que notre objectif est désormais de toucher le consommateur où et quand
il est disponible », souligne le porte-parole de Procter & Gamble France.
Le relais sur Internet de l'opération StarWars/Pringles rentre dans cette
logique : essayer de toucher le consommateur sur d'autres points de
contacts.
Un nouveau support publicitaire
La
présence d'Internet au cœur de la stratégie des marques ne se discute donc plus
et encore moins son utilité en tant que support publicitaire. Il faut dire que
les trois fondamentaux du marketing et de la publicité, à savoir “à qui
parlons-nous, de quoi parlons-nous et comment le faisons-nous ?”, sont
désormais remis en question avec la fragmentation des médias.
« Les marques doivent aller alors vers plus de créativité quel que soit le
média choisi », lance Matthieu de Lesseux. En outre, si ce n'est pas (encore ?)
la fin de la toute-puissante télévision, l'environnement médiatique a changé et
les conséquences pour le monde publicitaire sont réelles.
Un postulat adopté
par Décathlon pour le lancement de sa marque de ski WED'ZE de Quetchua
fin 2005. Une campagne globale et internationale, dont le point d'articulation
est Internet, a en outre été réalisée fin novembre dernier, par Wunderman (en
collaboration avec Young & Rubicam). Le dispositif de lancement, s'articulant
autour d'une plate-forme internet élaborée, explique par l'image, la vidéo et
un jeu 2D, toutes les facettes de l'expérience WED'ZE. Pour accompagner le
lancement de ce site et générer un maximum de trafic, un film de 27 secondes a
été diffusé en fin d'année sur les chaînes nationales ainsi que des annonces
presse et enfin, des bannières e-pub sur plusieurs sites, tels que Yahoo!,
Allociné, Lastminute, etc. « Les ventes ont été exceptionnelles, confie
Frédéric Croccel, directeur de la communication de Décathlon. Le succès est,
certes, dû au produit mais aussi à sa communication innovante. »
Ainsi,
quelle que soit la tranche d'âge concernée, la communication sur le Web permet
de regrouper les individus, de s'inscrire dans des communautés et donc, in
fine, de vendre. En outre, avec de petits films sur la Toile, humoristiques,
décalés et donc innovants, les marques semblent avoir trouvé une nouvelle façon
de capter leurs clients. Le marketing ne dit-il pas qu'il faut être là où sa
cible se promène ? Les marques ciblant les jeunes l'ont, en tout cas, bien
compris. Reste que toutes ces stratégies Internet ne sont qu'une première
étape. Grâce aux progrès technologiques, les sites internet pourront ainsi
rapidement proposer des contenus encore plus sophistiqués en vidéo ou en audio,
voire plus d'interactivité avec leurs clients. Jusqu'au moment, imminent, où
les marques découvriront que le téléphone mobile est une interface aussi
prometteuse que le Web. A bon entendeur…
Internet, stimulateur de l'acte d'achat
Qu'il se contente de s'informer ou qu'il fasse directement des achats sur le Net, l'internaute dépense, en ligne et hors ligne confondus, 1,9 fois plus que le consommateur traditionnel. Telle est, en substance, la synthèse de la dernière étude MSN menée par Opinion Way en novembre 2005, dont l'idée principale est qu'Internet redéfinit le pouvoir d'achat des consommateurs. “Internet joue un rôle grandissant dans la décision d'achat ainsi que dans la relation marque-consommateur, fondée plus que jamais sur la connivence et la proximité”, souligne l'étude.
Cette envie accrue de consommer repose ainsi “sur le pouvoir d'influence d'Internet dans la décision d'achat, car ce média permet de connaître l'offre avec la possibilité de s'informer en amont, de comparer facilement et d'avoir un choix démultiplié”. Si le pouvoir d'achat de l'internaute est supérieur à celui de l'acheteur traditionnel, c'est donc, toujours selon MSN, parce que les liens qui l'unissent aux marques ont évolué.
“Si les années 80 ont célébré la souveraineté des marques, l'époque actuelle voit, grâce à Internet, émerger le contre-pouvoir des consommateurs et la re-définition de leurs rapports aux marques”.
En outre, et toujours selon l'étude, “les internautes semblent avoir noué une relation plus forte avec les marques, puisque près de la moitié des internautes affirment leur attachement, contre 30 % des consommateurs traditionnels”.