Comment devenir une marque forte... et le rester
Fort de l'analyse de plus de 15 000 marques dans le monde depuis vingt-cinq ans, Millward Brown fait le point sur les facteurs qui font et défont les marques. Loin des poncifs fatalistes qui voudraient qu'une marque soit irrémédiablement vouée à mourir, l'institut démontre que rien n'est jamais acquis, ni la gloire ni le déclin.
S'il ne fait plus de doute pour personne que la marque est devenue une
valeur immatérielle qui dépasse dans de nombreux cas la valeur des actifs
physiques d'une société, il est tout aussi évident que pour la maintenir dans
une bonne dynamique, il faut déployer une vigilance de plus en plus accrue. Car
les rentes de situation dans le domaine n'existent pas. Au contraire. « Quand
nous analysons 440 des marques sur lesquelles nous avons travaillé entre 1998
et 2000, nous nous apercevons que plus de la moitié d'entre- elles ne suivent
pas le cycle de vie intuitif attendu », explique Jacques Latreille, directeur
des comptes internationaux pour Millward Brown. La valeur d'une marque prend en
compte bien trop de paramètres émotionnels, fonctionnels ou relationnels pour
l'assujettir à un simple cycle de vie qui voudrait qu'elle naisse, croisse,
mûrisse puis meure. C'est pourquoi Millward Brown a commencé par diagnostiquer
toutes les marques avec son outil Brandynamics en fonction de la perception que
s'en font les consommateurs. Et ce, sur un marché donné. Le modèle est
pyramidal et tient compte du pourcentage de personnes qui connaissent la marque
(présence), la trouvent pertinente, performante, lui accordent des avantages
différenciés par rapport à sa concurrence. La brique supérieure de la pyramide
traduit l'attachement des consommateurs. Plus les scores de la marque sont
forts dans les étages supérieurs de la pyramide, plus la puissance émotionnelle
de la marque est forte et les impacts sur ses ventes importants. Plus la
probabilité pour une marque de passer à un niveau supérieur de la pyramide est
forte, plus son potentiel de croissance est important. C'est ce que la société
d'études appelle "voltage". Cette approche permet de positionner chaque marque
sur un mapping de huit catégories en fonction des critères de présence et de
voltage (schéma ci-dessus). Les "petits tigres" aux dents longues, comme Zara,
côtoient les "spécialistes" comme Lancôme ou Apple, pertinents sur leurs cibles
et au fort potentiel, les "défenseurs" comme Leclerc ou Pantène en situation
médiane sur les deux facteurs ou encore les marques "classiques" comme Danone
auxquelles il manque un zeste de notoriété et de voltage pour devenir une
"olympique" comme Coca-Cola ou Air France. Cette analyse étant toujours
relative à un marché concurrentiel donné. L'analyse du mouvement des marques
démontre que, « pour construire et maintenir la valeur d'une marque, il faut
renforcer ce qui l'a rendu puissante et démontrer son leadership », remarque
Jacques Latreille. Une marque "petit tigre", par exemple, doit mettre en avant
sa proposition avec clarté tout en protégeant sa différenciation et en
accélérant sa pénétration. Dans le même temps, elle doit imposer un nouveau
langage pour affaiblir celui des marques plus classiques. Faute de quoi elle
rétrograde dans 9 % des cas au stade de marques "faibles", au niveau de Legal,
Oil of Olaz ou France Soir. Dans 5 %, elle devient une "pages blanche" qui a du
mal à décoller comme Barclays ou Mazda. Dans 3 % des cas, elle décline
carrément. Ce qui n'a rien de dramatique puisqu'elle peut aussi remonter. Cela
a été le cas pour 35 % des "stars en déclin" observées par l'institut. 34 %
sont devenues des marques "défenseurs" et 1 % des marques "classiques". Pour
elles, plus encore que pour les autres, il est important de recomposer ou
composer les éléments fondamentaux qui ont fait la marque. « Trop souvent,
elles se battent contre leur héritage. Alors qu'elles ont tout à gagner à
trouver une nouvelle expression de leur offre. D'une manière générale
d'ailleurs, on se rend compte que toutes les marques qui réussissent optimisent
toujours leurs fondamentaux : bons produits, base commerciale solide, bon
positionnement et esprit de leadership, remarque Jacques Latreille. L'erreur la
plus fréquente et la plus grave pour une marque est de casser sa cohérence en
voulant changer à tout prix. »
MÉTHODOLOGIE
Etude globale réalisée sur la valeur de 15 000 marques observées dans 28 pays entre les années 1998 et 2000.