Reciprok, programme de la maturité
Une mécanique simple et éprouvée par les grands programmes off line, un modèle basé sur des objectifs de rentabilité : avec Reciprok, Tiscali lance le premier plan de fidélisation propriétaire digne de ce nom dans le monde des FAI.
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Grand changement d'image pour profond revirement méthodologique. Liberty
Surf abandonne le programme de fidélisation Jack Dot, son environnement
psychédélique un tantinet "jeuniste", pour lui substituer, depuis fin novembre,
Reciprok, un modèle de facture délibérément austère. Par-delà le contraste
visuel, c'est un véritable repositionnement stratégique en matière de rétention
de clientèle qu'opère le fournisseur d'accès internet. Lancé en septembre
2000, Jack Dot répondait avant tout à un souci de conquête et de volume,
récompensant tous azimuts le surf sur l'ensemble des sites du groupe, ainsi que
sur certains endroits plus spécifiquement et ponctuellement porteurs. Il
s'agissait d'un modèle à forte connotation ludique, basé sur la durée de la
navigation et le nombre de pages vues. Les points accumulés pouvant être
dépensés en temps ou en achat de cadeaux via une boutique on line. Entre temps,
Liberty Surf est tombé dans l'escarcelle de Tiscali. Changement radical de cap,
l'heure n'est plus à la conquête. Le nouveau programme a un objectif central :
fidéliser. Un postulat dicté à la fois par la maturité générale du marché et
par les impératifs stratégiques d'un groupe en recherche de rentabilité et en
phase de constitution de sa propre image. Aujourd'hui, Tiscali/Liberty Surf,
c'est la réunion de quatre marques : Liberty Surf, Freesbee, World on Line et
Infonie. Avec la perspective (« peut-être fin 2002 », dit-on au marketing)
d'une marque unique, Tiscali. « Les potentialités de Jack Dot en termes de
business n'étaient pas bonnes. Notre spécificité sur le marché, ce sont ces
quatre marques. Pour en tirer tout le profit, il faut se donner les moyens de
capitaliser sur l'ensemble de notre clientèle », souligne Caroline
Puechoultres, directrice marketing et communication du pôle "Accès" de
Tiscali.
Un programme pour quatre marques
Le nouveau
programme, directement imbriqué dans le portail, s'applique de manière
indifférente aux quatre marques. Soit à un potentiel total de 1,1 million
d'abonnés actifs à 40 jours. Tiscali revendique une part de marché de 22 %
(loin derrière Wanadoo et au coude à coude avec AOL). Comme l'ensemble de ses
grands concurrents, Liberty Surf a fait le plein d'abonnés "technophiles" et
doit à présent passer à la fidélisation. Reciprok ne vise pas le recrutement à
tout va. L'objectif consiste à récompenser exclusivement le temps de surf via
modems Tiscali. Et à la condition que les abonnés se soient préalablement
inscrits au programme. Avec Reciprok, ils gagneront des points, monnayables
durant un an contre des heures de navigation. Simple et mécanique. Bref,
lisible. « On est très proche de Fréquence Plus », résume Caroline
Puechoultres. Une heure de navigation (en temps cumulé) égale 100 points. Pour
1 000 points gagnés, une heure de navigation offerte (avec quelques dérogations
: 500 points offerts à l'inscription, un doublement des points après six mois).
Ce qui traduit un taux de générosité de 10 %. C'est beaucoup. « Si l'on est
actif régulier, on gagne une heure par mois pour les abonnés forfait et une
heure tous les deux mois pour les accès libres », précise Marine Peersman,
responsable du programme Reciprok. La gestion du programme a été confiée à
Seditel, qui assurait déjà celle de Jack Dot. Pour en arriver à cette
mécanique, Tiscali a exploité les résultats d'un benchmarking sur les grands
programmes de fidélisation en cours et d'une étude quanti (6 000 foyers) et
quali (200 foyers). Deux enseignements majeurs ont pu être tirés : un programme
de fidélisation doit exploiter des rouages légitimes (ce que consomme le
client, en l'occurrence du temps) et déboucher sur des bénéfices tout aussi
légitimes (heures offertes) ; il doit être réservé à ceux qui font une démarche
positive d'adhésion.
Doublement novateur
S'il
emprunte largement au bon sens et au pragmatisme des programmes de fidélité off
line (Fréquence Plus étant fréquemment cité chez Tiscali comme référent),
Reciprok est doublement novateur dans la sphère du on line. Primo, parce qu'il
relègue aux oubliettes le modèle type des programmes on line et sa facture
fourre-tout. Deuxio, parce qu'il est sans doute le premier programme
propriétaire digne de ce nom lancé par un fournisseur d'accès Internet en
France. Reciprok prime la rentabilité sur le ludique, les actifs (à 40 jours)
sur les inscrits, la consommation via modems propriétaires sur le trafic, le
taux de transformation sur le taux de clics. « Nous jouons notre rôle de
challenger face à Wanadoo », note Caroline Puechoultres. En l'occurrence, dans
cet univers concurrentiel assez suiviste, le challenger ne doute pas d'être
vite copié par ses concurrents. « L'important dans le monde d'Internet, c'est
d'être les premiers. C'est aussi là que se joue l'image », affirme la
directrice marketing. Sur les objectifs du programme, en termes de réduction du
taux de churn, les responsables resteront muets. Tout juste comprendra-t-on que
Reciprok vise une participation minimale équivalant à 20 % des abonnés.