Quand le numérique et l'offset se rejoignent
L'augmentation de la qualité du rendu visuel, additionnée à l'accroissement du rendement des machines d'impression numériques, permettent dorénavant à ces dernières de concurrencer les presses offset, lorsque la campagne de marketing mise sur une forte personnalisation des données.
Je m'abonneÀ LIRE AUSSI
Les technologies de l'offset et du numérique commencent à entrer en
concurrence. Avec la personnalisation, les campagnes de marketing direct
requièrent des impressions en plus petite quantité, les taux de retour étant
bien meilleurs. Il peut donc s'avérer intéressant d'imprimer directement en
numérique le document complet en couleur, la personnalisation étant bien plus
poussée que celle intégrée après coup sur un fond réalisé en offset. Aussi les
annonceurs sont-ils de plus en plus nombreux à tester des campagnes à partir de
documents entièrement imprimés en numérique. Bien sûr, l'offset reste
aujourd'hui le procédé qui domine dans le domaine du marketing direct, qu'il
s'agisse de machines rotatives ou de feuille à feuille, mais les avancées
techniques récemment apportées aux solutions numériques en font une solution
intéressante pour certaines campagnes très ciblées. Avec des coûts globaux qui
réussissent au final à concurrencer l'offset. Avec moins de 400 000 envois
postés sur trois mois, le taux de retour a atteint plus de 5 %. Une belle
performance sachant qu'avec un mailing classique, les taux de retour sont
généralement inférieurs à 1 %. Le surcoût engendré par l'impression numérique
se justifie alors pleinement. Le numérique réussit également à répondre aux
attentes lorsqu'il s'agit de réaliser des catalogues personnalisés à plusieurs
centaines d'exemplaires en B to B. Chaque catalogue reprend les produits les
plus couramment achetés par l'entreprise cliente, celle-ci ayant besoin de
plusieurs dizaines d'exemplaires à redistribuer auprès de ces différentes
unités. C'est ainsi qu'un vépéciste de fournitures de bureau a fait appel à un
imprimeur équipé de machines numériques. Ses catalogues sont individualisés
pour chacun des clients avec lequel il a passé un accord-cadre. Mais c'est bien
parce que d'autres critères de sélection entrent en ligne de compte, outre le
coût de l'impression proprement dit, que le numérique arrive dans ces cas-là à
concurrencer efficacement l'offset.
Compromis entre productivité et personnalisation
« Les qualités visuelles obtenues avec chacun
des deux procédés sont aujourd'hui très proches l'une de l'autre. Ce qui fait
dorénavant la différence tient dans les délais de mise en route, la rapidité
d'exécution et le coût à l'unité », résume Didier Fageole, responsable de la
ligne de produit numérique chez Heidelberg. C'est principalement en comparant
le nombre d'exemplaires et celui de la pagination que le choix s'opère. En
numérique, les coûts d'impression ne baissent pas au fur et mesure que le
nombre de tirages augmente. Chaque feuille, bonne ou non, qui sort de la
machine donne lieu à une redevance versée au constructeur dans le cadre d'un
contrat d'entretien. Il faut savoir qu'une machine issue de la technologie des
copieurs nécessite l'intervention d'un technicien d'entretien au moins une fois
par mois. En revanche, les opérations de maintenance ne se justifient qu'une
seule fois par an sur les presses offset, même pour les grosses de type 50
tonnes. Or, les coûts d'entretien font rapidement monter le prix de revient de
l'impression. En numérique, le montant de cette redevance peut atteindre 7 à 8
% du chiffre d'affaires généré par les travaux de la machine. En offset, en
revanche, les coûts sont dégressifs en fonction du volume de pages traitées,
mais il faut y ajouter des frais fixes de calage qui font considérablement
grimper le coût des premiers tirages. Aussi, lorsqu'il s'agit d'imprimer en
grandes séries un même document, l'impression traditionnelle reste souvent bien
plus avantageuse. Sauf, peut être, lorsque les délais sont très serrés. En
offset, ils sont rarement inférieurs à trois jours, contre moins d'une journée
en numérique, qui fait preuve de davantage de réactivité. Et plus les données
sont variables en termes d'images et de textes, plus la solution des machines
numériques s'impose sachant qu'elles travaillent à la même vitesse quelle que
soit la variété des données appliquée à chaque document. En résumé : la
réactivité et la personnalisation s'imposent comme le propre du numérique
tandis que la productivité reste le point fort de l'offset. Et ceci n'est pas
prêt de changer.
Automatisation toujours plus poussée en offset
« Les dernières évolutions techniques de l'offset ont
encore permis de réduire les coûts d'impression », affirme Olivier Vergnes,
chef de produit presse à feuilles chez Heidelberg. La généralisation du CTP,
qui permet d'obtenir des plaques bien plus précises grâce à un procédé de
fabrication électronique, entraîne des gains de productivité. Il existe même
une presse fabriquée et commercialisée par Heidelberg qui grave elle-même ses
plaques grâce à quatre CTP intégrés. Baptisée Direct Imaging, cette machine
tourne à 10 000 feuilles à l'heure, contre 15 000 en moyenne en offset
classique. Mais elle compense cette cadence moindre par des temps de calage
bien plus réduits. Au niveau de la chaîne graphique, tout est mis en œuvre pour
optimiser la gestion des flux d'informations entre le prépresse et la presse
par une meilleure intégration entre les différents éléments. Les fabricants de
matériels de prépresse, de presses et d'équipements de finition commencent à
adopter le même standard de communication des données. Les échanges ont
désormais tendance à se faire à partir d'un même format de fichier. Le réglage
des zones d'encrage arrive ainsi à être pris en compte directement par la
presse après analyse de l'image en prépresse. « C'est sur cette interconnexion
entre les différentes étapes de l'impression que reposent les vrais gains de
productivité de demain », avance Olivier Vergnes. Reste que l'automatisation
toujours plus accrue des machines offset a également des effets sur les gains
de productivité. Celle de l'accrochage des plaques rend, par exemple, le calage
et le changement de plaques plus rapides, avec à la clef une réduction des
coûts d'impression. De même que la démocratisation des machines qui impriment
recto-verso en un seul passage et donc après une seule opération de calage. Ces
équipements arrivent à travailler à 26 000 feuilles à l'heure. Pour sa part,
l'intégration de systèmes de contrôle embarqués sur la machine, en particulier
pour mesurer la colorimétrie, permet d'intervenir plus vite sur le réglage des
postes de couleur. Réduire au maximum les moments non productifs, telle est la
recherche constante des fabricants de machines offset qu'elles soient feuille à
feuille ou rotative. « On a vu apparaître des systèmes de scannage des plaques
et des dispositifs de préréglage semi-automatiques des encriers qui permettent
au conducteur de travailler plus vite. La maintenance via Internet a pour effet
de diminuer les temps d'intervention du personnel. Les opérations de lavage ont
aussi été optimisées de manière à en réduire la fréquence », indique Christophe
Nouyrigat, directeur commercial du groupe Rault. Le perfectionnement de
l'interface homme/machine fait aussi partie des améliorations qui participent à
l'optimisation de l'offset. Sur les modèles récents, le conducteur dispose d'un
écran et d'un poste de pilotage, qui commande l'ensemble de la presse. Une
seule personne suffit, là où il en fallait deux ou trois. Autant d'adaptations
qui, mises bout à bout, continuent à donner à l'offset un avantage
difficilement contournable lorsqu'il s'agit d'imprimer de gros volumes.
Prix de revient à la baisse en numérique
Les
technologies utilisées pour personnaliser en noir et blanc des documents
couleur préimprimés en offset sont également en constante évolution. « Nous
profitons de la généralisation du standard AFP qui nous permet de synchroniser
toute la chaîne de communication entre nos différentes machines », se félicite
Michel Goutaudier, directeur des opérations éditiques de Koba. Le contrôleur
qui effectue le transfert des données numériques destinées à la
personnalisation des documents travaille selon un langage propriétaire au
constructeur de la machine. A chaque marque de machine son langage propre. D'où
des difficultés d'interopérabilité entre elles. Pour y remédier, il existe une
couche standard AFP qui est dorénavant utilisée par tous. Ce qui rend les
machines compatibles les unes avec les autres sans avoir à passer par des
systèmes d'interface. L'amélioration des flux de communication des données fait
gagner du temps là aussi. Mais pour Michel Goutaudier, l'innovation la plus
marquante porte sur la baisse du coût du prix de revient des machines
d'impression numérique en couleur à haut rendement. Ces dernières permettent
d'imprimer en une seule fois le document en couleur personnalisé à partir d'une
bobine blanche. « Cette évolution du numérique légitime l'intérêt des bases de
données clients en permettant de relier les informations contenues dans la base
directement au contrôleur de pilotage de la machine d'impression », ajoute le
directeur des opérations éditiques de Koba. C'est pourquoi l'entreprise a
décidé à la fin de l'année dernière de s'équiper d'une machine VersaMark munie
de dix têtes d'impression. « Nous allons pouvoir imprimer nos documents
directement de la bobine blanche sur des cadences variant de 100 à 1 200 pages
A4 à la minute. Nous pourrons ainsi répondre dans des délais d'une semaine
contre trois aujourd'hui », se félicite Michel Goutaudier. Et de préciser qu'il
regarde du côté des machines Xerox et Indigo pour des rendus d'impression de
meilleure qualité mais à plus faible rendement. En France, le marché se
teste. Les Français ont tendance à se focaliser sur le coût de l'impression
alors que le numérique est à prendre en compte dans la mesure où il permet de
lancer des campagnes marketing d'un nouveau genre. Or, dorénavant, les
évolutions technologiques ne sont plus à attendre uniquement du côté des
techniques d'impression mais du côté de l'information de gestion associée qui
optimise l'intégration entre la base de données clients, les outils de
composition, le réseau de communication, le serveur d'impression et le
contrôleur des machines.
Témoignage : Miser sur la complémentarité entre l'offset et le numérique
C'est suite à son expérience de dix années au sein de son bureau de fabrication HPC que Philippe Hourdain a pris conscience de l'intérêt de piloter lui-même sa propre imprimerie. Pourtant, la région lilloise où il est implanté n'en manque pas. Mais ses clients se plaignaient de ne pas toujours trouver chaussure à leur pied. Philippe Hourdain se rend régulièrement aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en Espagne. Il y découvre une nouvelle tendance qui n'a pas encore touché la France. « Il y a dix ans, on y sentait déjà un besoin fort en impression à quantité réduite et à forte personnalisation », se souvient le chef d'entreprise. Fort de ce constat, il décide de se lancer dans la production de documents imprimés en numérique. Il rachète une imprimerie du nom d'Adlis et l'équipe de machines Xerox. Aujourd'hui, s'y trouvent une Docutech et trois Docucolor, dont deux impriment à 60 pages minute et une à 20 pages minute. L'iGen3 vient d'y faire son entrée. En mars, elle venait juste de sortir des cartons. Ce qui monte à quatre le nombre d'imprimantes numériques en fonctionnement. C'est la première iGen3 installée au nord de Paris. « Avec cette machine dernier cri, nous allons pouvoir traiter un million de pages par mois en couleur sur une grande variété de supports. Les progrès dans le domaine du numérique sont spectaculaires, tant au niveau de la cadence que de la qualité du rendu », s'enthousiasme Philippe Hourdain. Mais les clients sont encore frileux et se risquent trop rarement dans le lancement de campagnes fortement personnalisées. Aussi, le patron d'Adlis a-t-il décidé de surfer sur la complémentarité du numérique et de l'offset. Un impératif s'il voulait répondre aux besoins actuels du marché. Etre visionnaire et se lancer trop tôt peut être fatal. Il vaut mieux jouer la prudence. Philippe Hourdain fait donc l'acquisition de l'imprimerie Descamps spécialisée dans l'offset. Nous sommes en 2001. Depuis, le P-dg d'HPC joue sur la complémentarité entre les deux procédés. Pour l'instant, les opérations liées au marketing direct sont encore en grande majorité confiées à Descamps. Mais pour les campagnes orientées sur une personnalisation très forte, les travaux sont pris en main par Adlis. « Le marché du numérique dans le Nord ne décollera pas tant que les vépécistes et la grande distribution ne se seront pas lancés dans des opérations de marketing direct de petit volume destinées à un public très ciblé à qui est envoyé un message personnalisé », reconnaît Philippe Hourdain.
Le conditionnement personnalisé au service du MD
Insuffler le développement d'opérations de marketing direct via des emballages personnalisés, tel est l'un des défis que s'est lancée Digital Packaging en faisant l'acquisition d'une presse numérique HP Indigo. Créée en 1999 par Gilles Pingeot, cette société est spécialisée dans la réalisation de préséries de packaging à partir d'impression numérique. Digital Packaging possède deux HP Indigo ws2000 alimentées par bobine et une Turbostream avec alimentation feuille à feuille. « En 2003, je décidais de me lancer dans la réalisation de packaging personnalisé. Qu'une société telle qu'Hewlett Packard décide de racheter Indigo me laissait à penser que le marché de l'impression dite "one-to-one" allait se développer. Appliquer ce concept à du packaging m'apparaît comme une voie très intéressante », explique Gilles Pingeot, le P-dg. L'entreprise achète donc une Indigo HP ws4000. Cette presse numérique couleur a été étudiée pour réaliser des tirages allant jusqu'à 2 000 mètres linéaires à des vitesses d'impression de l'ordre de 16 mètres à la minute. Mais surtout, elle arrive à imprimer sur une large palette de supports dont le plastique et les films métallisés et les films transparents rétractables. C'est sur cette particularité que mise Gilles Pingeot. Des premières expériences sont menées avec succès. Digital Packaging réalise, par exemple, des étuis d'emballage pour des pompes cosmétiques avec, sur chaque étui, imprimé en couleur le nom de la personne à qui il est adressé. Ont également été réalisés des tests sur l'impression de messages personnalisés à l'intérieur d'opercules destinés à la fermeture de flacons ou de bouteilles. Des essais sont en cours pour imprimer des films en PET destinés à habiller des bouteilles. Pourquoi pas envisager ensuite de lancer des campagnes de marketing direct avec envois de bouteilles personnalisées comme cadeaux d'accompagnement ? La technique est aujourd'hui au point, reste aux initiatives à se développer.