Pour le meilleur et pour le pire 1/3
Ristournes, cadeaux, loteries et autres concours font partie de l'arsenal indispensable pour impulser l'acte d'achat en VAD. Mais la multiplication des offres ou la concurrence exacerbée génèrent un recours croissant aux accélérateurs de retours. A être trop utilisés, ils perdent en efficacité et finissent par devenir le coeur même de la communication. Une dérive que certains professionnels dénoncent comme un "dopage artificiel".
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Il ne s'agit pas du dernier film de science-fiction de Spielberg, ni d'un
programme de physique nucléaire. Non, ce qui se dissimule sous l'énigmatique
appellation "d'accélérateurs de retours", c'est, en fait, l'une des plus
vieilles recettes du marketing. « En marketing direct, nous sommes toujours
face à de l'achat impulsif. C'est une relation qui demande aux consommateurs un
effort en termes de distance physique ou de temps s'il veut accéder au produit
acheté. Le récompenser, c'est tout simplement, l'inciter à commander »,
explique le
fondateur de l'agence BrannCommunider, Henri Kaufman. Rien de bien mystérieux
donc. Il faut stimuler, déclencher, faire réagir le consommateur. Dans son
livre "Science et communication font-elles bon ménage ?" aux éditions Jacques
Marie Laffont, il en précise les principes : « C'est le petit cadeau que tous
les focus groupes du monde vilipendient, mais qui fait cruellement chuter les
rendements quand il manque à l'appel en bas du bon de commande ou mieux, dans
le PS de la lettre. En pratique, ce petit oiseau [l'early bird, ndlr] est un
rapace redoutable qui chasse la procrastination, cette maladie qui vous fait
repousser au lendemain ce qui pourrait être fait aisément aujourd'hui. »
L'accélérateur est alors un moyen de lutter contre l'indifférence du
consommateur dont la boîte aux lettres regorge de sollicitations commerciales
en tout genre. Car l'enjeu est de taille. Une enquête réalisée, courant 2000,
par la Fédération européenne des promotions des ventes, à l'intérieur de neuf
Etats membres (Allemagne, Belgique Danemark, France, Irlande, Pays-Bas, Espagne
et Royaume-Uni) montre que la conception, la réalisation ou la communication
liées aux opérations promotionnelles occupe un million de personnes pour un
volume de dépenses d'un peu plus de 40 milliards d'euros. De son côté, la
Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad) estime que le budget
global des promotions (catalogues compris) occupe entre 20 et 25 % du chiffre
d'affaires des entreprises de la VAD.
La problématique des ristournes
Ces mailings de la "super chance", on les connaît tous.
Depuis le "Répondez vite ! Si vous répondez sous dix jours, vous recevrez ce
superbe poster", en passant par "Pour vous, Monsieur, ce magnifique couteau -
porte-clefs en remerciement de votre commande" jusqu'au "Vous avez gagné, chère
Madame X, la cuisine équipée de vos rêves...". Qu'il s'agisse de ristournes, de
primes ou de cadeaux, de jeux concours ou de loteries, les accélérateurs de
retours font partie de l'arsenal de toute opération de vente à distance. Mais,
si l'accélérateur de retour se posait jusqu'à présent comme un élément
complémentaire de la communication, ne venant ajouter qu'un bonus attractif au
produit, son emploi, désormais, montre d'avantage d'agessivité. « On tape de
plus en plus fort et de plus en plus tôt »,
confie Benoît
Camelot, dirigeant de l'agence Tout-Atout. La majorité des vépécistes disposent
ainsi d'une offre promotionnelle dès la sortie de leur catalogue. Neckermann en
sait quelque chose. Lui qui, pour la première fois, propose, avec l'envoi de
son catalogue, 25 % de ristourne pour une commande de deux articles effectuée
dans les quinze jours. Cyrillus n'est pas en reste. Et propose de la même
manière une offre promotionnelle de - 20 % dès l'envoi du catalogue. Quant à La
Redoute, elle démarre, elle, avec un -10 % immédiat. « C'est un cercle vicieux.
Il y a 20-25 ans, le cycle d'un produit était long et les promotions
intervenaient pour le relancer. Proposer une ristourne en avant du cycle de vie
d'un produit est une hérésie. Non seulement il y a détérioration des marges
mais, en plus, on détruit son image de marque », s'emporte Jean-Louis Ferry,
ex-président-directeur général de Directis (groupe Publicis), aujourd'hui
consultant. La VAD a-t-elle le choix toutefois ? Rien n'est moins sûr. « Oui,
on utilise trop le levier de la réduction de prix, regrette Nathalie Dupas,
directeur général de l'agence Meura. Mais vous ne pouvez pas avoir raison tout
seul. Et si le secteur d'activité dans lequel vous intervenez est fortement
concurrentiel, vous rentrerez, à votre tour, dans le cycle des ristournes. »
D'autant que le principe de la remise est une attente fondamentale du
consommateur qui l'intègre aux avantages de la vente à distance par rapport à
ceux de la grande distribution. C'est alors un problème de mentalité ou, si
l'on veut, d'éducation du consommateur. En Allemagne, la législation
interdisait, jusqu'à l'été 2001, le système des réductions. Du coup, les
entreprises allemandes réalisaient des offres de produits plus récurrentes.
Avec l'envoi de petits catalogues, ciblés en fonction notamment des styles de
vie.
Dopage artificiel ou promotion normale ?
Pour
beaucoup, le recours aux ristournes dissimule une crise du secteur de la vente
à distance. Jean-Louis Ferry n'hésite pas à l'assimiler « au phénomène de
dopage du milieu sportif », tandis que Benoît Camelot parle, lui, « d'un
engrenage où les promotions se substituent à une offre produit ou service de
plus en plus défaillante ». L'analyse est simple. Le secteur n'a pas su
répondre aux métamorphoses de ses concurrents, grande distribution en tête. «
La VAD a subi l'érosion de sa cible traditionnelle, la clientèle rurale, depuis
que se sont développés des commerces de proximité. Le renouvellement quasi
constant des collections dans les boutiques de marques, alors que la VAD fait
toujours face à des problèmes de ruptures de stock, est encore une autre
raison. », poursuit Benoît Camelot. L'ouverture du Carré Sénart est un bon
exemple. Le discours publicitaire transforme ici les clients en "visiteurs", la
corvée des courses en "moment de convivialité et de désir", les boutiques en
"lieux de vie" tandis que Carrefour parie sur le concept anglo-saxon de "fun
shopping" - en proposant différentes façons de faire ses courses en fonction
des profils et des desiderata de ses clients. Face à ce renouvellement, que
font les vépécistes ? « Depuis la création du 24 heures Chrono par La Redoute,
il y a une quinzaine d'années, la vente par correspondance n'a guère innové »,
fait valoir, un brin polémiste, Guillaume Motte, directeur général adjoint
d'Eveil & Jeux. Du coup, faute de pouvoir jouer sur les produits ou les
services, les entreprises de VPC se jettent sur le levier des promotions pour
maintenir - ou gonfler - un chiffre d'affaires défaillant. Sur le segment des
particuliers (7,9 MdE, - 0,1 % en 2001 par rapport à 2000), les catalogues
généralistes ont ainsi enregistré une baisse de 2,1 % de leur chiffre
d'affaires. « Quand il y a hémorragie, la réaction la plus saine, c'est déjà
d'endiguer les flots. Dans ce cas, oui, l'accélérateur est un "pansement."
Parce que, face à l'incertitude, on augmente les cadences du plan de campagne,
admet Stéphane
Guéneau de l'agence 100 % VPC qui, au terme de "crise", préfère celui de
"mutation". Il y a une remise en cause des principes de la VAD. Il faut
retrouver les moyens d'être en adéquation avec ses clients. Les grands
généralistes se cherchent. Mais en même temps, ils ont su étoffer leurs
services. Les consommateurs possèdent de nombreuses garanties aujourd'hui ou
des facilités de paiement. Quant aux "petits" vépécistes, ils sont plus
réactifs et s'en sortent mieux. » Le concept de personnalisation, avec des
catalogues, comme Somewhere, ou le développement des services pourraient être
une solution. « L'une des forces des vépécistes, c'est de posséder des bases
très bien renseignées dont ils pourraient se servir pour vendre autre chose à
des profils donnés : des voyages, des assurances... A eux d'être créatifs ! »,
affirme Yves Riquet, directeur du pôle client de l'agence ETO.