Pour le meilleur et pour le pire 3/3
Ristournes, cadeaux, loteries et autres concours font partie de l'arsenal indispensable pour impulser l'acte d'achat en VAD. Mais la multiplication des offres ou la concurrence exacerbée génèrent un recours croissant aux accélérateurs de retours. A être trop utilisés, ils perdent en efficacité et finissent par devenir le coeur même de la communication. Une dérive que certains professionnels dénoncent comme un "dopage artificiel".
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Limite de la légalité
La Direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) estime
que la tendance en matière d'infractions à l'article L. 121-36 du Code de la
consommation - article qui régit l'organisation des jeux de loteries - va en
diminuant. Une diminution d'ailleurs significative : selon la DGCCRF, 92 % de
loteries sont organisées dans le respect des textes. Ainsi, pour l'année 2001,
sur les 240 contrôles effectués, 16 seulement ont donné lieu à des procès
verbaux transmis au Parquet. Ce qui représente 6,6 % du total des entreprises
contrôlées. Les quelques infractions relevées émanant toujours de trois ou
quatre opérateurs identiques (86,5 % des plaintes). C'est le cas de Maison
française de distribution (MFD) dont la réputation, auprès des tribunaux, n'est
plus à faire. En 1998, le tribunal de grande instance de Strasbourg l'avait
déjà condamné à 55 000 francs (8 385 E) de dommages et intérêts, à verser aux
55 plaignants qui s'étaient regroupés pour l'attaquer (chaque partie s'étant
vue indemnisée à hauteur de 1 000 F par personne.) Aujourd'hui, c'est la
chambre mixte de la Cour de cassation qui se penche sur son cas. Les faits
remontent à 1994. A cette époque, MFD avait organisé une loterie (sweepstake)
avec un pré-tirage sélectionnant les candidats... Certains, comme Laurent
Bossa, avaient cru être les "heureux gagnants" d'un chèque d'un montant de 105
750 francs (15 240 E). Laurent Bossa avait alors renvoyé son bon d'acceptation
pour toucher ce gain... Qui ne lui était, bien sûr, jamais parvenu. D'où sa
décision de porter plainte d'abord auprès du tribunal de grande instance de
Paris pour "publicité trompeuse" avec le soutien de l'UFC Que choisir. M. Bossa
réclame alors le paiement intégral de la somme mentionnée du fait que "vivant
au seuil de la pauvreté, il avait fondé de nombreux projets pour sortir de
cette situation grâce à la somme promise par la société MFD". Le tribunal avait
toutefois rejeté sa plainte au motif qu'une pièce jointe au document principal
stipulait qu'il s'agissait d'un pré-tirage au sort et non d'un gain
irrévocable. Laurent Bossa décide de faire appel devant la cour d'appel de
Paris qui, en 1998, casse le premier jugement, estimant, cette fois, que "la
société avait commis une faute délictuelle constituée par l'illusion d'un gain
important". La cour condamne MFD à verser 5 000 F (760 E) de dommages et
intérêts au plaignant et à payer le franc symbolique à l'UFC Que choisir en
réparation de "l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs".
C'est cette plainte qui est l'objet de l'arrêt de la Cour de cassation. La
haute juridiction a estimé que "l'organisateur d'une loterie qui annonce un
gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa
s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer". Dans sa volonté
d'harmoniser la jurisprudence, la Cour de cassation opte pour la notion de
"quasi-contrat". Elle définit donc la responsabilité des sociétés
organisatrices de loteries publicitaires comme un "engagement unilatéral de
volonté de leur part". Dans son avis, l'avocat général, M. de Goutte, précise
que ces sociétés « ayant fait croire à un engagement ferme et précis, ont
souscrit une obligation au profit du consommateur concerné et doivent donc lui
verser les sommes annoncées. La réponse du destinataire [le bon de
participation renvoyé par le consommateur pour jouer, ndlr] est alors analysée,
non comme une acceptation, au sens contractuelle, mais comme une demande
d'exécution ». Cette décision entend mettre un terme aux pratiques délictueuses
des quelques sociétés de loteries, qui comme MFD, défraient la chronique
judiciaire. Car leur condamnation les exposera désormais à un risque
d'indemnisation réelle. Selon Etienne Drouard, avocat au cabinet Gide Nouel,
ces entreprises pourront se voir réclamer le montant intégral du "gros lot".
Pire encore, chaque personne à qui il aura été promis, sera fondée à réclamer.
« Cet arrêt accompagne un assainissement des pratiques de la profession en
matière de jeux de loterie. Il incite à davantage de prudence car le régime de
responsabilité pénalise plus lourdement. » C'est bien de cela justement que se
félicite Isabelle Faujour, adjointe au responsable juridique de l'UFC Que
choisir qui pense qu'une telle décision « protège mieux les consommateurs et
oblige les sociétés de VPC à mesurer les termes de leurs communications ».
Bruxelles se penche sur les promotions des ventes
Mais
la Cour de cassation n'est pas la seule à s'interroger. L'Union européenne
vient, à son tour, de se pencher sur les disparités législatives en matière de
promotions des ventes des Quinze. « La disparité des réglementations est un
frein évident au commerce transfrontalier. Il est aujourd'hui impossible
d'organiser une loterie dans plusieurs pays. Ainsi les loteries par pré-tirage
sont interdites en Italie, nécessaires en Hollande. Avec le développement du
commerce en ligne, ce problème devient plus pressant », constate le nouveau
délégué général de la Fevad, Marc Lolivier. C'est pourquoi la Commission, dans
un projet de règlement présenté devant le Parlement en septembre 2002, veut
libéraliser l'utilisation des outils de promotion des ventes (voir ci-dessous).
Même si les professionnels de la vente à distance ont su réformer leurs
pratiques, difficile de croire que "l'obligation de transparence", instituée
par le nouveau règlement européen en échange de la libéralisation du marché des
promotions de ventes assure, à elle seule, l'assainissement des pratiques. En
particulier sur Internet où il semble que les sociétés d'e-commerce oublient
vite les règles d'une bonne gestion des accélérateurs de retours.