L'E-COMMERCE A L'ASSAUT DU MARKETING DIGITAL
Démocratisation des smartphones oblige, le Web suit désormais l'internaute en tout lieu, de son foyer jusque dans les magasins. Pour les e-marchands, c'est une nouvelle ère d'instantanéité qui s'ouvre. Premier défi: apprendre à être présent partout. Deuxième enjeu: cibler les clients à chaque étape de leurs interactions avec le site. Troisième et dernier objectif:s'approprier les technologies les plus récentes permettant de tirer profit de l'ubiquité de l'e-commerce
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L'E-COMMERCE DEMULTIPLIE L'EXPERIENCE EN MAGASIN GUILLAUME DIMITRI/VERTONE
IL FAUT TOUJOURS RASSURER L'INTERNAUTE SUR LA QUALITE DES PRODUITS ET DE LEUR LIVRAISON. CHRISTOPHE PIED / CARRE DE BOEUF
NOUS VOULONS ALLER BEAUCOUP PLUS LOIN QUE LE «J'AIME» HABITUEL. ARNAUD MOLIN / CHAMP'MARKET
NOUS VOULONS ARRIVER A UNE SEGMENTATION TRES FINE DE L'ABONDANTE BASE D'ABONNES A NOS NEWSLETTERS.ANTOINE LELOUP / BRANDALLEY
Les contenus sur mesure dopent le web marchand
« Le marketing digital est en train de disparaître », affirmait en 2011, non sans provocation, l'ancien directeur général de Google France, Mats Carduner, à l'occasion du lancement de sa société de business analytics marketing, Fifty-five. A l'origine de cette épitaphe, il y a pourtant le constat de la toute-puissance du digital. « Tous les canaux convergent et tous se numérisent, précise Mats Carduner, un an plus tard. Il ne faut plus raisonner en termes de commerce off line et on line, mais plus globalement, en partant du constat qu'Internet est partout. » Guillaume Dimitri, directeur associé du cabinet de conseil en marketing et relation client Vertone, tire les mêmes conclusions. Pour cet expert, « la plus grande innovation dans le secteur du e-commerce est, de très loin, l'arrivée du mobile, ce nouveau canal qui permet d'obtenir une simultanéité au moment de l'achat ». Exemple: « Vous rentrez chez Marionnaud, regardez les parfums, puis les commentaires qui ont été écrits sur ce parfum sur le site marchand. L'e-commerce démultiplie votre expérience en magasin », précise-t-il. A charge aux e-commerçants de surfer sur cette tendance.
Force est de constater que nombre de sites s'y emploient activement, d'autant que « la proportion de clients qui achètent par l'intermédiaire d'un terminal mobile (smartphone ou tablette) est de plus en plus importante », comme le souligne Nicolas Catry, le traffic manager du site de vente de montres Tictactime (TV Distrinet). Après avoir investi massivement dans le référencement naturel et le référencement payant sur Google Adwords, ce site du nord de la France se concentre aujourd'hui sur le mobile, avec l'espoir de conquérir des clients supplémentaires. Il n'est pas le seul. Certains de ses concurrents sont même un peu plus avancés dans cette démarche. Selon Marie-Axelle Loustalot-Forest, directrice France du cabinet de conseil en e-commerce Javelin, « ils sont, par exemple, nombreux à s'intéresser aux QR codes, ces codes-barres en deux dimensions qui permettent, une fois «flashés» au moyen d'un téléphone mobile, d'accéder à des contenus spécifiques en ligne (bons de réduction, informations...) », mais aussi parfois d'acheter le produit en quelques clics. Fin 2011, pour acheter l'un des 300 produits exposés par eBay dans l'une de ses premières boutiques «physiques» éphémères à Londres, le chaland devait scanner le QR code avec son mobile, puis finaliser sa commande sur le site d'enchères. En rachetant, dès 2010, l'application RedLaser, eBay a égale ment été parmi les premiers à disposer d'une application de lecture de codes-barres et de flashcodes permettant de scanner le code d'un produit en magasin afin d'en vérifier le prix sur sa plateforme. Amazon l'a rapidement rejoint, mais a ajouté un lecteur de codes-barres à son application pour mobile. Depuis, d'autres distributeurs se sont libérés de la contrainte des codes-barres et des QR codes. Ainsi, pour faciliter la recherche en ligne des produits présentés dans ses catalogues papier, l'enseigne de bricolage Castorama utilise-t-elle une technologie de reconnaissance d'images développée par l'éditeur français Moodstocks.
Le «Carré de blog» propose chaque jour aux gourmets moult conseils culinaires.
« Sur le Web, un marchand ne peut plus non plus se contenter de vendre dans sa propre boutique », affirme Mickael Froger, cofondateur de Lengow. Cette société, créée en 2009 - concurrente d'autres jeunes pousses comme BeezUP ou Iziflux... -, propose ainsi à de grands clients, comme la Fnac, un service facilitant la diffusion et le référencement de catalogues produits sur les comparateurs de prix, places de marchés et réseaux sociaux. Avec l'arrivée du social graph, qui jette des ponts entre les abonnés et leurs liens, Facebook est notamment « devenu important pour développer l'image de marque », relève encore Mickael Froger. Les services de Lengow devraient être bientôt complétés par des technologies permettant d'enrichir les catalogues afin de faciliter leur consultation en ligne. C'est le cas de Calaméo, qui autorise la conversion de tout type de données numériques « en un livret feuilletable et interactif », enrichi de contenus multimédias.
C'est aussi le cas des logiciels de l'américain Activate Media Group, qui ont été conçus pour faciliter la conversion automatique des flux de données d'un site marchand en vidéos marketing: il suffit d'entrer l'adresse d'un flux XML et la plateforme se charge de récupérer les contenus dans la base de données pour les agréger dans une vidéo, censée être plus vendeuse qu'une fiche produit ordinaire. Pour améliorer «l'engagement client», les e-commerçants sont, en outre, nombreux à mettre en oeuvre des solutions de vente assistée par Internet (tchat, click-to-call...), comme celle de TouchCommerce. Expérimentées sans grand succès au début des années 2000, notamment par BlackOrange, ces applications sont revenues en force quelques années plus tard, à l'initiative de spécialistes de l'e-relation client comme G et A Links, Linkeo et TouchCommerce. « Elles entrent aujourd'hui dans les moeurs », selon Olivier Maire, directeur France de TouchCommerce, éditeur expert en «marketing de conversion». L'idée? « Mettre à la disposition des prospects virtuels un accompagnement d'une qualité proche de celle qui est offerte en magasin, en leur proposant de l'aide lorsqu'ils sont perdus ou lorsqu'ils peinent à trouver un produit dans une catégorie donnée... », souligne Olivier Maire. Et la grande innovation du moment consiste, d'après lui, à « cibler les visiteurs en fonction d'une analyse en temps réel de leur navigation et d'une analyse prédictive de leur comportement ».
En ce sens, la démarche se rapproche des stratégies de data mining ou d'analyse des données, explorées depuis plusieurs années par de grands e-marchands, tels BrandAlley et CDiscount. Elle rappelle également les nouveaux outils - très en vogue - de retargeting ou de reciblage publicitaire, commercialisés par des éditeurs comme Criteo, myThings et NextPerformance. Outils dont l'objectif est de personnaliser les publicités en fonction du comportement d'un internaute, de l'intérêt dont il a déjà fait preuve pour tel ou tel service...
Si le retargeting est efficace, les e-marchands peuvent mieux faire. Selon Guillaume Dimitri, « il doit évoluer afin de mieux prendre en compte le contexte de l'internaute, ce qu'il est en train de faire ». L'idéal serait, par exemple, de ne pas attirer systématiquement l'attention d'un internaute sur un jean dont il a un jour consulté la fiche produit, mais de rappeler ce produit à son bon souvenir au bon moment, c'est-à-dire quand il entame une nouvelle recherche pour en acheter un nouveau. Or, pour ce faire, les sites doivent encore monter en compétence sur « l'analyse des données, quelles qu'elles soient - ventes, données comportementales, relation client... », estime Mats Carduner. Un vaste chantier pour les directions marketing.
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Carredeboeuf.com gagne la confiance de ses clients sur la Toile
Se faire connaître. Et en bien! Un enjeu stratégique pour tous les sites marchands. Et certainement plus encore pour la boucherie Carredeboeuf.com. « Le frein évident, quand on cherche à vendre en ligne un produit tel que de la viande, est que le consommateur ne voit pas directement ce qu'il achète, reconnaît Christophe Pied, cofondateur du site. Il faut donc rassurer l'internaute sur la qualité des produits, sur l'efficacité des boxes réfrigérantes utilisées pour leur transport... » Depuis sa création en 2009, Carredeboeuf.com s'emploie ainsi à s'attirer la confiance de ses clients et prospects, puis à les fidéliser. En s'appuyant, tout d'abord, sur des contenus en rapport avec leur passion pour la cuisine. Un exemple: chaque jour, le «Carré de blog» donne aux gourmets moult conseils culinaires tant pour cuisiner un rôti de porc que pour confectionner un tiramisu aux fruits rouges... Depuis 2011, le site fait aussi appel à eKomi, spécialiste de l'évaluation client, afin de recueillir systématiquement l'avis de ses clients. « Dans les quinze jours qui suivent leur achat, tous reçoivent un mail d'évaluation », souligne Christophe Pied. Le deuxième objectif est d'accroître la visibilité de ces commentaires de clients sur le Web. Livia Dubos, responsable marketing Europe d'eKomi, précise que sa société a développé (en partenariat avec Google) un système permettant de faire apparaître les commentaires des clients - et les étoiles qui leur sont associées - dans les ns sponsorisés ainsi dans les résultats naturels du moteur de herche Google.
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Champ'Market fait des bulles sur Facebook
Pour la nouvelle version de son site, mise en service en mai dernier, le français Champ'Market a décidé d'utiliser pleinement les fonctionnalités du social graph - réseau de connexions entre les abonnés Facebook et les objets du monde réel -, afin d'accroître la notoriété de sa boutique en ligne de vins de Champagne. « Nous voulons aller beaucoup plus loin que le ''J'aime' habituel », explique Arnaud Molin. Le fondateur du site souligne que Champ'Market a déjà fédéré plus de 36 000 fans sur sa page Facebook, laquelle est dorénavant associée à une F-boutique, où figure en permanence une sélection de produits des quarante maisons avec lesquelles Champ'Market a noué des partenariats. «Le social graph a permis à l'entreprise de socialiser encore davantage le site », assure Arnaud Molin. Il est ainsi déjà possible de se connecter à Champ'Market avec ses identifiants Facebook. Mieux: le social graph a permis à l'entreprise de pro poser aux internautes un nouveau bouton «Demander l'avis de votre réseau» sur ses pages produits. Il suffit d'un petit clic pour demander à ses contacts ce qu'ils pensent de telle ou telle cuvée du Dom Pérignon et autres Moët & Chandon. « De quoi transposer sur la Toile la puissance du bouche à oreille qui a cours dans le monde réel », affirme Arnaud Molin, qui reste à l'affût des techniques qui lui permettront de générer du buzz qualitatif dans le petit monde des amoureux du champagne.
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BrandAlley choisit le data mining pour personnaliser ses messages
Depuis sa création en 2005, le grand magasin en ligne BrandAlley fait du test and learn sa marque de fabrique. «Nous nous attachons à être parmi les premiers à essayer les nouveaux outils et services web permettant d'acquérir de nouveaux clients ou de les fidéliser », explique Antoine Leloup, son président. BrandAlley s'est notamment montré précurseur en utilisant dès 2009 les techniques de retargeting, qui permettent de cibler les messages publicitaires en fonction du comportement passé des internautes. Plus récemment, le site a aussi été l'un des premiers partenaires de la start-up française YesIBank, qui a lancé un concept de monnaie virtuelle permettant de récompenser les internautes en fonction de leurs actions sur le Web. L'intérêt: les Yes collectés par les internautes se transforment en bons de réduction utilisables sur les sites partenaires, dont BrandAlley, qui espère ainsi gagner des clients. Aujourd'hui, le plus gros chantier technologique de cette plateforme de e-commerce concerne ses procédés de data mining. «Baptisé «Brand Affinity», ce projet, entamé en 2011, doit aider le site à mieux analyser toutes les informations liées à chaque abonné: quels achats a-t-il effectués jusqu'ici? Quelles informations a-t-il recherchées sur le site ou consultées par l'intermédiaire de la newsletter? ... détaille Antoine Leloup. J'espère arriver à une segmentation très fine, selon les goûts et les habitudes, de l'abondante base d'abonnés aux newsletters. » Le site compte, bien sûr, gagner ainsi en efficacité pour la personnalisation des envois publicitaires.