Frédérique Agnès (Mediaprisme) L'adresse, c'est du comportement d'achat
Mediaprisme célèbre cette année son dixième anniversaire. L'occasion de retracer avec son fondateur, Frédérique Agnès, le chemin parcouru et d'évoquer sa vision du monde de l'adresse.
Je m'abonneMarketing Direct Vous avez créé Mediaprisme il y a dix ans. Dans quel contexte cela s'est-il passé ?
Frédérique Agnès A
l'époque, je venais de M6 Boutique/Home Shopping Service et de L'Express et
j'avais remarqué que la profession de l'adresse était un des secteurs du
marketing direct qui évoluait assez peu. Il y avait vraiment des choses à
faire, des innovations à lancer, sinon ce secteur ne pourrait survivre en tant
que tel. L'idée était d'apporter un regard neuf aux annonceurs, d'apporter
plus de pédagogie, de les aider à optimiser cette matière première qu'est
l'adresse. L'adresse n'est pas une matière statique, c'est du comportement
d'achat. Pour le lancement de Mediaprisme, j'ai été très soutenue par l'équipe
d'Home Shopping Service, qui avait bien compris ce besoin d'évolution.
D'ailleurs, ils sont toujours à mes côtés dix ans plus tard.
MD Qui étaient les partenaires à l'époque ?
FA BCA (Boucq Cheval et
associés) et moi. Toute l'équipe de BCA partageait cette même vision du métier
de l'adresse. Nous avons fait un très beau parcours ensemble. Ce fut une très
belle association d'un point de vue professionnel et humain. La première année
d'existence, en 1995, fut très dure, en raison du contexte social, notamment du
fait de la grève de La Poste. Le concept était tellement innovant qu'il ne
pouvait séduire que des annonceurs matures ; c'était le grand écart entre le
métier de list broker traditionnel et ce métier nouveau, qui consistait à
observer la matière première qu'était l'adresse comme du comportement. Il
s'agissait d'un métier de calcul et de conseil plus que de broker en tant que
tel.
MD Comment a évolué le marché ?
FA 1995, c'est
aussi l'année de l'arrivée des mégabases (Claritas et Consodata), qui ont
constitué une innovation majeure. Nous sommes dans cette même mouvance, avec
des clients communs. Il faut rendre hommage à ce qu'elles ont fait pour ouvrir
le marché. Autre étape importante : l'arrivée de Wanadoo Data en 1999 et de ses
scores pertinents. Mediaprisme s'installe dans le paysage de façon discrète
mais avec une croissance puissante, accompagnée par des annonceurs matures tels
que M6 Boutique, GLM, Fotolabo Club, IMP, Médiacible/La Redoute. En quatre ans,
nous nous sommes développés avec un positionnement différent, comme conseil en
stratégies adresses. Il fallait donner ses lettres de noblesse à un métier qui
n'en avait pas. Nous avons contribué à ouvrir une porte et à donner de
l'oxygène.
MD Vous avez développé rapidement une présence en Europe.
FA Oui, nous avons tout de suite ouvert la Belgique et
l'Espagne car, dès le départ, nous avons misé sur des services européens. Avec
un choix de se concentrer sur très peu de fichiers. Dix ans après, nous avons
toujours aussi peu de fichiers, une quarantaine sont en exclusivité. Notre
positionnement : que les adresses soient des centres de profit. Car nous avons
toujours le souci de l'euro investi.
MD Quelles ont été ensuite les étapes du développement ?
FA En 1999, nous sommes entrés
dans le groupe Consodata, qui cherchait des partenaires. Ce fut une vraie
rencontre avec Marc Hénon, Alexandre Allard et Patrick Normand. Nous avons
partagé de belles années ensemble, des années d'innovation et d'émulation.
Puis, en 2000, Seat Telecom Italia a racheté une grosse partie du capital. 2002
voit le départ des managers historiques de Consodata, et Seat prend le contrôle
total du groupe. A ce moment-là, nous avons souhaité reprendre notre autonomie
et notre outil de travail. Notre chance a été de rencontrer chez Telecom Italia
des gens respectueux et intelligents, qui ont compris que Mediaprisme n'était
pas fait pour cet univers. Nous nous sommes donc séparés très sobrement en
octobre 2003. Nous avons alors redéveloppé notre réseau européen à partir de la
fin 2003, et ouvert l'Angleterre, les Pays-Bas et l'Allemagne en 2004. Nous
avons étendu notre réseau avec le soutien de nos clients. Nous avons également
dédié un département au data mining, au calcul appliqué, mais nous n'effectuons
pas de traitement informatique de l'adresse. En 2003/2004, nous avons
enregistré une croissance de 39 % sur les six pays. Croissance qui est vraiment
liée aux piliers de l'activité : conserver très peu de fichiers en list
management, développer le conseil en stratégie adresse et l'européanisation (on
retrouve les mêmes services dans tous les pays).
MD Quelles sont vos dernières nouveautés ?
FA 2004 a été une année charnière dans
l'innovation avec le lancement de Concordeo, une base de données de
multiactifs, qui est un programme de partage de l'information. Ce n'est pas une
base de données mutualisée, c'est une base juxtaposée. On ne mélange jamais les
adresses ; c'est un programme transparent. Toutes les adresses sont
“anonymisées” ; ce qui nous intéresse, c'est la richesse des variables. Deux
offres composent Concordeo : Concordeo premium, qui comprend des multiactifs
constatés en achat à distance, tous secteurs, tous canaux, et son complément
Concordeo extend, qui est le fruit d'un partenariat entre Mediaprisme et
Wanadoo Data et qui permet un ciblage quasi exhaustif sur la base France
Télécom pour un type de consommation donné. Avec ce lancement, nous nous sommes
rendu compte que tout le monde réfléchissait à ouvrir le marché, qu'il fallait
l'oxygéner. Plus on optimisait les métiers de l'adresse et mieux fonctionnait
la chaîne du marketing direct. On trouve sur le marché 1 500 fichiers. Sur ce
total, 200 fichiers sont énormément utilisés ; chaque foyer se retrouve dans
300 à 400 fichiers différents. Autre donnée : trois foyers sur quatre achètent
à distance.
MD Quel est le bilan de Concordeo, un an après son lancement ?
FA Plus d'une centaine de fichiers sont partenaires
du programme. Au total, nous avons 18 millions d'adresses en entrée. Plus de 80
annonceurs ont déjà testé la base. Avec Concordeo, nous connaissons les
véritables acheteurs à distance, qui figurent en moyenne dans cinq fichiers
différents. Avec ce programme, nous avons réussi à construire le premier
référentiel des acheteurs à distance. Il constitue une grosse base d'études sur
l'achat à distance, un domaine qui évolue, car la vie des gens n'est pas figée.
En fait, l'enseignement que nous tirons est que les gens achètent huit à neuf
fois par an dans des enseignes différentes. Avec Wegener, Axciom, Wanadoo Data
et maintenant Abacus, nous avons l'intelligence d'ouvrir le marché avec des
produits différents, nous avançons ensemble. D'ailleurs, j'encourage tous nos
partenaires à aller dans tous les programmes. Ceux-ci sont satisfaits de
Concordeo, car on leur avait promis un centre de profit additif. Ce programme
constitue une avancée majeure, mais ce n'est pas magique.
MD Qui sont les partenaires de ce programme ?
FA France Abonnements,
Hachette Filipacchi, le groupe Nouvel Observateur, M6 Boutique, Le Grand Livre
du Mois, Maximiles, Extra Film et l'Unicef.
MD Vous avez créé l'opération “Les Trésors de Générosité”. En quoi consiste-t-elle ?
FA Cela repose sur une envie, sur des valeurs personnelles. L'opération
démontre l'engagement des professionnels aux côtés du monde associatif, qui
constitue un des grands secteurs du marketing direct. Cela a démarré de la
façon suivante : régulièrement, des petites associations nous demandaient des
adresses. Nous disions toujours oui, mais, en même temps, il s'agissait d'un
cadeau empoisonné. Donner de l'adresse, c'est bien, mais elles n'étaient pas
toujours en adéquation. Plutôt que de donner des adresses, nous avons choisi
d'offrir le fruit d'une location.
MD Quel a été le principe de l'édition 2005 ?
FA Au début de l'année, toute l'Europe s'est
réveillée un peu secouée… De façon spontanée, nos partenaires ont voulu faire
quelque chose pour aider les enfants dans le domaine de l'éducation. Cette
année, un don de 65 000 euros a été remis à l'Unicef afin de réhabiliter des
écoles. Ce don va soutenir un programme d'alphabétisation au Kosovo, qui
comprend la réouverture de 50 écoles. Cette année, nous avons recueilli des
dons de 27 partenaires, qui sont des acteurs clés du marketing direct, à savoir
: Axciom, arvato, Concordeo, édition Vadis, Extra Film, Fotolabo Club, France
Loisirs, Grand Livre du Mois, Hachette Collections, Home Shopping Service/M6
Boutique, IMP, JPG, La Redoute/Mediacible, Laboratoire Martin Privat, le Guide
des Fichiers du marketing direct, Le Point, les 3 Suisses/Regilist, Linvosges,
Matching Communication, Maximiles, Mediatis, millemercis.com, Motor Presse,
Optimum RH, Quelle, Vitalicom et Wanadoo Data. Les partenaires de l'opération
ont été invités à se rendre sur le terrain pour suivre les projets et mesurer
concrètement l'action de l'Unicef.
Parcours
Frédérique Agnès Agée de 35 ans, Frédérique Agnès a, dans son enfance, beaucoup vécu à l'étranger avec ses parents (Afrique du Nord, Allemagne, Suisse, Portugal). Elle rentre en France pour ses études supérieures, suit les cours franco-américains de communication, et l'université d'été du magistère de marketing direct de Lille, après un stage de fin d'études chez Unilever. En 1990, elle rentre à L'Express au service abonnements. Parallèlement, elle est intervenante pour les formations du DMDA (diplôme de marketing direct approfondi). Elle intègre ensuite Home Shopping Service en 1993 comme directeur du marketing direct. En 1995, elle fonde Mediaprisme, dont elle est P-dg.
L'entreprise
45 millions d'adresses en gestion exclusive. Plus de 220 millions d'adresses fournies en Europe. CA 2004 (Mediaprisme Europe) : 22 ME, dont 57 % réalisés en France. Présence en France, Belgique, Espagne, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas. Effectif France : 18 personnes. Effectif total : 35 personnes.