E-voyage : la locomotive du commerce électronique
Internet est devenu le terrain de tous les enjeux pour les voyagistes, qu'ils soient pure players en quête de rentabilité ou mastodontes issus de l'industrie traditionnelle. Aujourd'hui, confrontés à la concentration de ce secteur, les e-voyagistes peaufinent au mieux leur stratégie, réorientent leur positionnement, afin de conserver leur place au soleil.
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Ebranlé par les événements du 11 septembre, le secteur du voyage en ligne
n'en demeure pas moins l'un des plus prospères du commerce électronique.
Connaissant un rythme de croissance annuel de 60 % depuis deux ans en Europe,
il a drainé, à lui seul, un tiers des recettes internet en 2001. Suivant les
projections, 25 % des ventes de voyages passeront par ce canal d'ici 2005
(source : OMT). Pas de doute, le marché est bien réel. Au point de remettre en
question les modèles économiques traditionnels : depuis janvier 2000, 15 % des
agences classiques auraient disparu sous la pression du e-tourisme, alors que,
parallèlement, plusieurs acteurs du on line atteignent la rentabilité. C'est
déjà le cas, aux Etats-Unis, pour les acteurs Travelocity et Expedia, ce
dernier s'étant récemment incrusté sur le marché européen via un partenariat
avec la SNCF. En France, bien que la consolidation du secteur soit en marche,
l'e-tourisme aiguise les appétits. En témoignent la vague de rachats entre
concurrents du secteur (Karavel/Promovacances,
Lastminute/Degriftour/Travelselect...), mais aussi la montée en force des
producteurs de voyages qui, suivant le modèle de l'Américain Orbitz*, tentent
de s'affranchir de la chaîne des intermédiaires pour vendre en direct via leurs
agences virtuelles. En Europe, le coup d'envoi a été donné par Opodo. Lancé
courant 2001 en Allemagne, puis en Angleterre et en France dès 2002, il fait
déjà figure de géant. Neuf grandes compagnies aériennes à son actionnariat, 128
ME de budget, une équipe de 100 personnes, près de 500 compagnies aériennes
associées à son offre. Telle est la dimension du mastodonte. Le but va sans
dire : devenir le leader sur le Vieux Continent. A commencer par le segment des
vols secs, qui couvre 70 % des ventes de voyage en ligne. Cette nouvelle
attitude des producteurs n'a pas manqué de susciter des craintes, la plupart
des acteurs redoutant des pratiques de dumping au niveau des tarifs qu'Opodo
pourrait négocier auprès de ses actionnaires. « Un faux débat, selon Petra
Friedmann, la directrice d'Opodo France, puisque la Commission de Bruxelles
interdit les accords exclusifs qui favoriseraient les filiales des compagnies
aériennes. » Positionnée comme l'agence du meilleur prix, Opodo n'entend pas
étendre son offre aux séjours. « Ce n'est pas notre métier, clarifie Petra
Friedmann. Nous nous contenterons de faire levier sur nos économies de
fonctionnement pour proposer les prix les moins chers du marché sur le vol sec
puisque telle est notre vocation. »
Pure player et rentable
Or, dans un contexte aussi effervescent, la vocation des
uns a pour effet de réactiver l'ambition des autres. Côté pure players, c'est
la course contre la montre pour garder sa place. A commencer par Lastminute,
qui entend bien figurer au palmarès mondial des e-voyagistes. La société vient
d'annoncer la rentabilité opérationnelle de ses activités en France et en
Angleterre, confirmant ainsi aussi bien l'efficacité de son modèle - le mix
loisirs et voya- ges -, que la viabilité d'Internet comme unique canal de
distribution. C'est au fil d'acquisitions stratégiques que la société
britannique a bâti son succès. En 2000, elle rachète Degriftour, l'agence
française spécialiste des offres soldées. Puis, en avril 2002, c'est au tour du
Britannique Travelselect (vols secs) de passer dans son giron. Objectif :
répondre précisément à la demande des clients. Ses tous récents partenariats
avec M6 pour la rubrique Voyages, Alloresto pour la livraison de repas ou
encore Relais et Châteaux pour l'offre de séjours gourmands reflètent bien
cette volonté de s'imposer en leader sur le segment de dernière minute. La
force du modèle ? « Le concept, sa rapidité d'exécution et, enfin, la puissance
de la marque », résume Denis Philippon, le Dg de la filiale française. La
marque, qu'il a fallu créer ex nihilo, c'est toute la stratégie de Travelprice.
Sans oublier le prix, argument d'autant plus capteur qu'il cristallise,
aujourd'hui encore, l'attente majeure des internautes. Pourtant, Travelprice,
qui vise l'équilibre dès 2003, a revu son positionnement initial de discounter
en supprimant toutes les offres bas de gamme de son catalogue. Comme le clamait
sa dernière campagne, c'est désormais l'argument du meilleur rapport
qualité/prix que l'agence met en avant pour séduire de nouvelles cibles de
clientèle, notamment les plus de 35 ans. Pour les fidéliser durablement,
Travelprice est particulièrement attentif à la qualité du conseil, assuré par
une équipe d'experts en voyages. Priorités actuelles : la poursuite de la
conquête de l'Europe du Sud. Sans négliger les investissements technologiques
visant à améliorer les performances du site, « notre meilleur outil de
recrutement », indique Nicolas Pernikoff, vice-président de l'agence. Et
d'ajouter : « Nous comptons établir une véritable relation avec nos clients
plutôt que de tout miser sur le recrutement en masse. » Au programme : un site
plus ergonomique, un nouveau moteur de réservation de vols permettant de
sélectionner les offres disponibles en temps réel, ainsi qu'un programme
d'affiliation actuellement à l'étude. Arrivé en mai 2001 et cantonné pour
l'heure au marché hexagonal, le site de Christian Blanc, ex-P-dg d'Air France,
tente de résister aux pressions de la consolidation du secteur. Pour se
différencier, Karavel a privilégié un positionnement très axé sur le conseil,
qui lui vaut une réputation de site plutôt haut de gamme, tant au niveau de ses
fonctionnalités que de l'offre de voyages. Ce qui a sans doute motivé, six mois
après son lancement, le rachat de Promovacances, le discounter et producteur de
voyages, sérieusement affecté par les événements du 11 septembre. « Le conseil
de qualité répond à un vrai filon de clientèle, explique Ludovic Pruche,
directeur marketing de Karavel, mais nous ne pouvons échapper à la loi du prix
que les internautes attendent plus bas sur Internet. » Karavel s'affirme
satisfait de ce rachat stratégique qui contribue de manière significative à
l'enrichissement de son offre de voyages. Deux tiers des recettes du site
proviendraient des ventes de forfaits, versus un tiers dégagé sur la vente de
vols secs. Malgré les perplexités de la concurrence, Karavel reste décidé à
fidéliser sa niche nationale par la qualité de ses contenus et services.
Vers la structuration de l'offre à la carte
Aux côtés
des pure players, les ténors du mortar s'activent pour garder la main mise sur
le marché. Ainsi, le groupe Accor vient d'augmenter à 60 % ses parts dans le
capital de GoVoyages. Bien enraciné sur le créneau des vols secs en vente
indirecte, via les agences traditionnelles qui utilisent son moteur de
réservation de vols, GoVoyages a su profiter de l'aubaine internet pour évoluer
de son positionnement initial. Tout d'abord, en élargissant sa clientèle aux
portails internet grand public (Yahoo !, Wanadoo, etc.) qui incrustent le
moteur en marque blanche sur leur site, mais également en proposant ses offres
en direct via son propre site de voyages. Suite à l'intégration des prestations
du groupe Accor, le site pourra désormais proposer une nouvelle offre, à la
carte, que les internautes auront la possibilité de packager eux-mêmes. *
Orbitz : de leur initiative commune, quatre compagnies aériennes américaines
(Delta, United Airlines, Continental et Nothwest Airlines) ont lancé une
plate-forme internet de réservation de vols dont le succès fulgurant a débuté
en juin 2001.
marché
Opodo France (contraction de Opportunity To Do)
Lancé en avril 2002 par 9 compagnies aériennes, dont Air France. Présence en Allemagne et au Royaume-Uni. Positionnement : vols secs (150 000 tarifs), prestations hôtelières et de location de voiture. Objectif : devenir le leader européen à l'horizon 2004.
Travelprice
Lancement en 1999. Présence dans 4 pays : France, Belgique, Italie, Espagne. Offre : vols secs, forfaits, voyages d'affaires. CA 2001 : 68 millions d'euros.
Lastminute
Lancement en 1998 en Grande-Bretagne, en 1999 en France. Rachat de Degriftour en 2000, Travelselect en 2002. Présence dans 10 pays, dont l'Australie et l'Afrique du Sud. Positionnement : séjours dégriffés, vols secs, loisirs (restaurants, cadeaux, sorties). CA (2e trimestre 2002) : 40,8 millions de livres (+ 46,6 % vs 2e trimestre 2001).
Karavel
Lancement en mai 2001. Rachat de Promovacances en octobre 2001. Positionnement : séjours, vols secs. CA 2001 : 53 millions d'euros (regroupe les recettes des deux sites).
GoVoyages
Création en 1973. Démarrage de l'exploitation du site internet par les agences en 1999. Positionnement : vols secs, prestations hôtelières, location de voiture. CA 2001 : 114 millions d'euros (exercice du 1er novembre au 31 octobre). Objectif 2002 : 152 millions d'euros.
repères
Opodo France (contraction de Opportunity To Do)
Lancé en avril 2002 par 9 compagnies aériennes, dont Air France. Présence en Allemagne et au Royaume-Uni. Positionnement : vols secs (150 000 tarifs), prestations hôtelières et de location de voiture. Objectif : devenir le leader européen à l'horizon 2004.
Travelprice
Lancement en 1999. Présence dans 4 pays : France, Belgique, Italie, Espagne. Offre : vols secs, forfaits, voyages d'affaires. CA 2001 : 68 millions d'euros.
Lastminute
Lancement en 1998 en Grande-Bretagne, en 1999 en France. Rachat de Degriftour en 2000, Travelselect en 2002. Présence dans 10 pays, dont l'Australie et l'Afrique du Sud. Positionnement : séjours dégriffés, vols secs, loisirs (restaurants, cadeaux, sorties). CA (2e trimestre 2002) : 40,8 millions de livres (+ 46,6 % vs 2e trimestre 2001).
Karavel
Lancement en mai 2001. Rachat de Promovacances en octobre 2001. Positionnement : séjours, vols secs. CA 2001 : 53 millions d'euros (regroupe les recettes des deux sites).
GoVoyages
Création en 1973. Démarrage de l'exploitation du site internet par les agences en 1999. Positionnement : vols secs, prestations hôtelières, location de voiture. CA 2001 : 114 millions d'euros (exercice du 1er novembre au 31 octobre). Objectif 2002 : 152 millions d'euros.