Mythbusters : la vidéo sociale
Les idées reçues au sujet de la vidéo sociale sont légion. En voici une sélection qui a la vie dure, et pourtant...
1. Le branding doit rester discret : mythe ou réalité ?
Mythe
Peu de personnes apprécient qu’on cherche à les persuader ; il est donc logique de penser que la majorité des gens sera repoussée par des contenus vidéo remplis de logos d’entreprise. Plutôt qu’inciter ouvertement à l’achat, il est préférable d’assimiler les logos au décor pour les rendre plus discrets.
Réalité
La présence de marques n’affecte en rien le partage de vidéos. Une université australienne a publié des recherches prouvant que, même si une marque apparaît fréquemment à l’écrit ou à l’oral dans un spot publicitaire, cela ne se répercute pas sur sa popularité en ligne. Cette étude, dirigée par le Dr Karen Nelson-Field et son équipe de l’Ehrenberg-Bass Institute for Marketing Science, est la seconde à s’intéresser aux émotions qui poussent le plus à partager des vidéos sur le web social. Le premier rapport à ce propos, publié en novembre 2011, traitait des vidéos non promotionnelles. Le second, basé sur le Viral Video Chart d’Unruly, compare les résultats de la première étude avec les 400 campagnes publicitaires les plus partagées de tous les temps. Le résultat ? Les internautes partagent des contenus promotionnels et éditoriaux pour les mêmes raisons. Cela va peut-être à l’encontre des présupposés marketing, qui considèrent que la disparition totale du branding facilite le partage, comme expliqué dans l’étude de cas Harbison 2011 de Red Bull.
2. Ce qui compte, c’est de raconter une histoire : mythe ou réalité ?
Mythe
La clé pour une publicité vidéo réussie, c’est l’engagement du spectateur. Et pour cela, il faut que l’audience se sente impliquée dans le contenu pour le regarder jusqu’à la fin. Les marketeurs doivent donc penser à créer des vidéos que le public saura apprécier plutôt que se focaliser sur le bénéfice pour la marque. Cela va sûrement faire des mécontents parmi les chefs de produit, mais l’histoire compte plus que le produit dans la vidéo online.
Réalité
Il est tout à fait possible de concilier appréciation et discours de marque. La vidéo sociale est différente de la publicité télévisée car elle plonge le téléspectateur dans la vidéo d’entrée de jeu, mais cela n’impose pas de laisser le discours de marque à la porte. Par exemple, Les « Chatons Télécom » de Bouygues Télécom arrivent à entrelacer contenu vidéo et discours de marque très naturellement. Par ailleurs, limiter l’engagement de l’audience à une belle histoire et au plaisir procuré est réducteur. Les facteurs culturels et l’intensité émotionnelle sont deux ressorts bien plus importants ; ainsi, le scénario des « Bébés en Roller » d’Evian est très simple : des bébés font du roller. Ce qui en a fait un succès sur la Toile est sa capacité à toucher une audience planétaire et l’intensité émotionnelle considérable du spot.
3. Commencer par un coup d’éclat : mythe ou réalité ?
Mythe
Dans un monde où les contenus sont foison, il faut savoir attirer l’attention du consommateur dès les premières secondes. Le mieux pour arriver à ce résultat est encore de provoquer une connexion émotionnelle dans les cinq premières secondes en jouant la carte de la joie ou de la surprise. L’attention du public s’étiole très vite et les histoires à rallonge risquent d’ennuyer le spectateur.
Réalité
De récentes recherches d’El Bureau de la Comunicación, du centre de recherche appliquée Tecnalia et de l’UPV/EHU révèlent que des publicités plus longues déclenchent des émotions plus fortes. Les tendances du Viral Video Chart soutiennent d’ailleurs cette théorie. Parmi les 100 publicités du classement global Mashable des derniers 365 jours, 21% des vidéos durent 5 minutes ou plus, la plus longue étant la collaboration entre DC Shoes et Ken Block « Gymkhana 5 », d’une durée de 9,16 minutes et actuellement en deuxième position du baromètre. En mars dernier, la vidéo de 30 minutes KONY 2012 a happé les spectateurs du monde entier avec plus de 90 millions de vues et plus de 9 millions de partage à date. Malgré sa longueur, la vidéo a réussi à captiver l’audience, ou au moins à inciter le public à la partager – elle a bénéficié d’un partage inédit sur les médias sociaux. En tant que diffuseur, Unruly a analysé la durée moyenne de visionnage des campagnes distribuées par la marque : de 57 secondes en moyenne en 2011, elle est passée à 72,4 secondes en moyenne en 2012. La génération MTV est morte ; elle a fait place à celle de la télévision connectée. Alors que la popularité de plateformes comme Netflix et Hulu ne se dément pas, les spectateurs s’attachent à des contenus plus longs sur le terminal de leur choix. Tant que le contenu a de la valeur, il sera partagé.
4. Provoquer des émotions en cascade : mythe ou réalité ?
Mythe
Même si la vidéo est courte, l’audience s’en désintéressera si elle ne comporte qu’une émotion. Pour favoriser l’affinité sur la durée, la vidéo doit provoquer des vagues de joie et de surprise qui disparaissent aussitôt pour revenir rapidement.
Réalité
Multiplier les émotions dans la publicité peut être un atout, mais risque de diluer le message. Si la publicité n’arrive pas à provoquer une déferlante émotionnelle, la marque n’arrivera pas à amener le public à la partager. L’audience privilégie une émotion bien définie, même si elle doit être unique, selon les recherches du Dr Karen Nelson-Field. Si l’émotion n’est pas intense, le contenu ne sera pas partagé et le public n’interagira pas avec. L’intensité émotionnelle peut culminer au fil de la vidéo. Par exemple, l’émotion de la campagne P&G « Best Job », créée pour les Jeux Olympiques et actuellement n°3 des 100 publicités du classement global Mashable de l’année passée, s’accroît au fur et à mesure que la campagne avance. Elle culmine à la fin de la vidéo, particulièrement émouvante, et l’analyse des commentaires Youtube permet de considérer que l’émoi des dernières secondes est de l’ordre des larmes.
5. Multiplier les tableaux : mythe ou réalité ?
Mythe
Une saga multiple est nettement plus efficace qu’une série d’une ou deux vidéos. Chaque mise en scène doit avoir la même dose émotionnelle, comme par exemple les sagas Volkswagen « The Force » ou « Les Bébés en Roller » d’Evian.
Réalité
Les vidéos radicalement différentes des publicités télévisées rencontrent un franc succès sur le web grâce à leur originalité. La surprise et la nouveauté sont deux facteurs à privilégier dans la vidéo online car ils décuplent la réaction émotionnelle du spectateur. Un format innovant casse avec les règles établies et augmente la réponse de l’internaute, qui est alors laissé à lui-même. Néanmoins, cela doit s’accompagner d’un déclic émotionnel fort, sans quoi l’interaction sera nulle. La saga « The Force » avait un scénario bien ficelé, « Les Bébés en Roller » était quant à elle un ovni visuel. Il n’est pourtant pas toujours nécessaire d’investir dans un scénario très détaillé. Par exemple, l’humour et la joie relèvent du facteur d’incertitude, l’un des principaux leviers de réussite d’une vidéo online. Des contenus complètement loufoques, sans structure narrative, peuvent facilement étonner les spectateurs et provoquer une réaction « WTF LOL ». Parmi ces cas de figure, on peut citer les publicités Old Spice « The Man your Man could Smell Like », le « Keyboard Cat » de Pistachios ou encore « The Man who walked around the world » de Johnnie Walker. Le concept et l’intensité émotionnelle sont les éléments principaux lors de la phase de création d’une vidéo online. La durée, le rythme, la narration et le nombre de plans servent uniquement à soutenir le concept.
6. Surprendre mais ne pas choquer : mythe ou réalité ?
Mythe
La surprise est un bon moyen d’inciter le spectateur à regarder la suite de la vidéo, mais un contenu trop cru ou trop choquant ne sera pas partagé. Afin d’assurer un taux de partage conséquent d’une vidéo, il est important que les gens n’aient pas honte d’y être associés.
Réalité
Les internautes partagent pour de multiples raisons. Un contenu controversé a donc de bonnes chances d’être partagé. Les sites choquants, les vidéos avec une fin perturbante et les mauvaises plaisanteries ont tendance à se répandre comme une traînée de poudre. Cela est dû à l’instinct humain à sortir de sa zone de confort. Les internautes adorent trouver des contenus tellement mauvais qu’ils en deviennent amusants – le succès de Rebecca Black avec son tube « Friday », abondamment critiqué sur Youtube pendant plusieurs mois, en est une preuve parlante. Selon les recherches du Dr Karen Nelson-Field et de son équipe, les émotions positives fortes sont le premier facteur de partage ; elles sont pourtant suivies de près par les émotions négatives fortes. Ainsi, la corrélation entre le partage et les sentiments de dégoût, de chagrin et de colère est nettement plus forte que celle entre des émotions de moindre impact comme l’amusement ou le bonheur. Cet outil est néanmoins extrêmement difficile à manier pour les marques. La publicité cherche presque toujours à présenter des marques sous leur meilleur jour mais certaines des vidéos les plus efficaces peuvent s’armer d’une armada d’émotions négatives. « KONY 2012 » est une vidéo extrêmement choquante et attristante, deux leviers souvent utilisés par les services publics et les associations pour susciter l’empathie, comme par exemple les spots pour la sécurité routière. Les vidéos choquantes ont un potentiel de partage non négligeable, il revient donc aux marques de juger si elles sont prêtes à jouer ce jeu.
7. Cibler les influenceurs : mythe ou réalité ?
Mythe
Il existe certaines tactiques pour s’assurer qu’un contenu vidéo sera vu par une large audience, comme la poster sur Youtube, mais la meilleure stratégie est d’inciter les spectateurs à partager le contenu. Les influenceurs entrent alors en scène : en tant que personnes extraverties et à l’ego surdimensionné, ils sont tout désignés pour aider une vidéo à percer sur le web social.
Réalité
Afin qu’une vidéo touche son audience, elle doit à la fois avoir été pensée pour cette audience et bénéficier d’un plan de diffusion adapté. La réception est souvent imprévisible ; prévoir un plan d’achat média permet d’accroître sa diffusion en earned media de façon quantifiable. Toute personne dotée de followers, de fans ou d’amis a son mot à dire et a tendance à partager aussi bien sur le web qu’hors ligne. On pense souvent au bouche-à-oreille comme un outil exclusivement en ligne, mais les conversations de pause café ou de cour de récréation aident tout autant à faire émerger un contenu. Tout le monde est un influenceur, quand bien même une personne n’a pas une quantité astronomique de fans ou une personnalité extravertie. Le meilleur moyen d’augmenter l’affinité du public avec la marque est de savoir trouver la bonne niche, qui partagera le contenu s’il est assez bon.