Virgin Megastore : l'e-commerce n'est pas coupable
Le placement en redressement judiciaire de l'enseigne Virgin Megastore a mis en lumière les difficultés de certains distributeurs à s'adapter au numérique et à résister à des acteurs de l'Internet toujours plus puissants. Une partie de la classe politique pointe une concurrence déloyale.
Le 9 janvier dernier, la société Virgin Megastore dépose officiellement le bilan. Cinq jours plus tard, le Tribunal de commerce de Paris tranche en faveur d'un redressement judiciaire, avec une période d'observation de quatre mois. Cela signifie qu'un redressement de l'activité de l'entreprise est possible, du moins en théorie. Par ailleurs, selon une information du JDD, l'enseigne ferait l'objet d'un rachat, et parmi les possibles repreneurs figure le spécialiste des loisirs créatifs Cultura.
Détenu à 74% par le fonds d'investissement Butler Capital Partners et à 20% par Lagardère, la cas Virgin a suscité de nombreuses réactions à l'annonce du dépôt de bilan de l'entreprise. Issues de la classe politique notamment. La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti y a vu l'oeuvre d'une concurrence déloyale de la part d'un acteur de poids : le géant américain de l'e-commerce Amazon. Interrogée au cours de l'émission " Médias, le Magazine " (France 5), la ministre déléguée en charge de l'économie numérique, Fleur Pellerin, a pour sa part précisé qu'un " certain nombre d'acteurs du e-commerce profitent du fait que leur siège est situé au Luxembourg, ou dans des pays disposant d'une fiscalité plus favorable qu'en France ". Conséquences, ils peuvent proposer des produits dont le taux de TVA est différent de celui appliqué par la Fnac, ou d'autres acteurs localisés en France.
Pour François Momboisse, Président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), " l'Etat français n'a pas tort de dire qu'il existe une distorsion de concurrence lié à un problème de fiscalité. Mais 99,9% des e-commerçants français ne sont absolument pas concernés par ce problème ". Il affirme en outre que les difficultés actuelles de Virgin correspondent davantage à un changement des comportements d'achats des consommateurs, désormais plus favorables au canal de vente Internet.
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Ce point de vue est également partagé par Fleur Pellerin, mettant en cause par ailleurs, le propriétaire de Virgin : " un actionnaire qui ne transforme pas une entreprise commercialisant des produits culturels, en ne l'adaptant pas à l'ère numérique, est fautif " , considérant même qu'il s'agit là d'une " faute de management ". Si le e-commerce a profondément bouleversé les habitudes des distributeurs traditionnels, certains dont la Fnac ont néanmoins su en exploiter la substantifique moelle.
La Fnac mise sur le multicanal
Avec la montée en puissance d'Amazon sur le canal de vente Web, et l'érosion du marché des CD et DVD physiques, la Fnac a rapidement senti le vent tourner. Dès 2011, un plan d'action baptisé " Fnac 2015 ", est déployé. Sous l'impulsion de son p-dg Alexandre Bompard, il s'agit dans les grandes lignes, d'élargir l'offre produits aussi bien culturels que technologiques, en basculant dans le même temps sur un modèle centré sur le client et notamment les familles.
Les principaux leviers utilisés sont : l'accroissement de son réseau de magasins (30 ouvertures programmées en cinq ans), le renouvellement de leur concept, l'ouverture d'un univers enfant dans chaque point de vente, et naturellement, l'accélération de la stratégie digitale multicanal en créant des ponts entre l'activité web (15% du CA de l'enseigne), mobile et les points de vente. Malgré tout, la filiale du groupe PPR n'est pas sortie d'affaires, réagissant en flux tendus, aux aléas et autres évolutions du marché. En 2011, son chiffre d'affaires a baissé de 3,2% par rapport aux 4,47 milliards générés en 2010. Conséquence, un plan d'économies de 80 millions d'euros comprenant des réductions de frais généraux et la suppression de 310 postes en France, a été mis en place début 2012.
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Amazon, partie émergée de l'iceberg
Les orientations stratégiques de la Fnac - et à fortiori de Virgin - sont donc probablement déterminantes pour la survie d'une société confrontée à l'explosion de l'e-commerce. Dans le cas d'Amazon, elles s'accompagnent en outre de pratiques fiscales, parfaitement légales, mais jugées déloyales par Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti. Retour au début novembre 2012. Dans un communiqué, Amazon annonce officiellement une réclamation du Fisc français pour un montant de 252 millions de dollars (193 millions d'euros), d'arriérés d'impôts, d'intérêts et de pénalités. En cause : la déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires à l'étranger plutôt qu'en France. L'e-commerçant a depuis déclaré qu'il contesterait la demande du Fisc.
Loin d'être anecdotique quant au montant des sommes réclamées, il s'agit en fait d'une illustration d'un problème plus large qui concerne peu d'acteurs du e-commerce (le deuxième cas en France étant eBay). En revanche, plusieurs géants du web américains sont visés. Parmi les plus connus, figurent Google, Apple, ou encore Facebook. Mais pour l'heure, aucune des réclamations du Fisc n'aurait abouti à un reversement des sommes.
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