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Eric Decournau (Pierre Fabre): "Le marketing ne dupe plus personne"

Interviewé avec 26 autres dirigeants français par Quentin Franque et Benoît Zante dans le cadre du livre "Les défis de la transformation digitale" aux éditions Dunod, Eric Ducournau, dg du groupe Pierre Fabre, revient sur la gestion de la politique de transformation de l'entreprise. Extrait.

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Eric Decournau (Pierre Fabre): 'Le marketing ne dupe plus personne'

  • Vous devez mener des investissements sur beaucoup de fronts : qu'est-ce qui dicte vos arbitrages ?

La révolution digitale nous oblige à avoir un maximum de chantiers ouverts. Forcément, cela génère de l'incertitude, mais pour moi, c'est ce qui est justement passionnant. En réalité, personne n'a les clés. Ou, en tout cas, elles changent tous les matins. Il y a ensuite des logiques d'enchaînement. Par exemple, il est indispensable de bien maîtriser sa supply chain avant d'attaquer l'e-commerce.

Maintenant, quels chantiers aborder ? Même si la question peut paraître complexe, je crois que l'on y répond en définissant d'abord sa ligne d'horizon, et ensuite en la déployant opérationnellement. La nôtre, par exemple, était de faire du consommateur un acteur de la création de valeur. Une fois que nous avons établi cela, toute une série de chemins se sont ouverts, comme notamment la nécessité de mieux écouter le client et que ces écoutes fassent évoluer non plus seulement le marketing, mais aussi les produits en eux-mêmes.

  • Et comment est-ce que vous avez défini cette " ligne d'horizon " ?

Nous avons ouvert un chantier intitulé " Purpose " pour établir sa définition. Nous avons réuni des consommateurs et des collaborateurs dans plusieurs groupes de travail. Nous avons fait en sorte de respecter ce que Pierre Fabre devait être : par exemple 70 % d'internationaux et 30 % de Français, 50 % d'hommes et 50 % de femmes...

Ensuite, nous avons mis en place des ateliers de co-construction portant sur différents thèmes. L'objectif était de faire ressortir des insights qui allaient définir notre " ligne d'horizon" et le cadre de nos futures décisions. Concrètement, deux des insights qui en sont ressortis ont été ceux de " l'ancrage médical " et de " la naturalité " dont la combinaison nous distingue de nos concurrents et résonne parfaitement avec les attentes des consommateurs et de la société dans son ensemble. Une fois que vous avez identifié votre " ligne d'horizon ", elle doit devenir un socle pour le développement des nouveaux produits, le positionnement et le discours des marques, la politique de RSE de l'entreprise, etc.

  • Vous expliquez qu'intégrer le consommateur dans votre chaîne de valeur serait l'étape la plus aboutie de la digitalisation. Comment est-ce que cette intégration se fait-elle chez vous ?

Hier, les tests que nous menions avaient un impact uniquement sur le marketing. L'utilisateur nous disait que le produit n'était pas assez ceci ou cela, nous l'adaptions pour qu'il le soit davantage. Surtout, ils n'étaient menés qu'avec le BtoB, avec les médecins et pharmaciens. On ne peut plus procéder ainsi : le marketing ne dupe plus personne. Il faut donc absolument que le client final ait son mot à dire sur le produit en lui-même, ce qui n'est pas forcément simple lorsque l'on connaît nos temps de développement et de mise sur le marché.

Nous sommes donc dans une course de vitesse. Si nous n'intégrons pas le consommateur dans la conception du produit, sa survie est en jeu, car le digital permet au consommateur de s'exprimer en permanence sur ce produit ; mieux vaut donc l'intégrer au plus tôt dans sa création. Finalement, nous avons fait évoluer les deux phases de conception de nos produits :

- La phase de préparation des propositions produits intègre les besoins exprimés, en amont, par nos consommateurs et nos clients, dans le cadre de notre " ligne d'horizon ".

- À différentes étapes de production du produit, nous menons des tests consommateurs qui ont la faculté de nous faire retravailler le produit si nous faisons fausse route.

"Les défis de la transformation digitale", paru en septembre 2019, 224 pages, 19,9 euros.

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