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Comment mener une vraie stratégie de marketing écolo ?

Les citoyens exigent que les marques s'engagent plus sur les enjeux liés au développement durable. À l'heure des mobilisations pour la planète, elles n'ont plus le choix. Comment s'y prendre ?

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Comment mener une vraie stratégie de marketing écolo ?

La décision en a surpris plus d'un : juste après les fêtes de fin d'année 2018, Monoprix a arrêté de distribuer ses catalogues print un peu partout en France. Une mesure qui vise à faire économiser 2400 tonnes de papier à la marque qui, chaque année, envoie à ses clients 30 millions d'imprimés publicitaires. Selon Florence Chaffiotte, directrice marketing et innovation de Monoprix, ce choix a été guidé par la volonté de l'entreprise de "réduire son impact environnemental". Mais, pas seulement, indique-t-elle, alors même que les catalogues représentent 10 % du budget marketing de l'enseigne. "La distribution des catalogues laissait à désirer, car la moitié des prospectus n'étaient pas remis dans les boîtes aux lettres." Et ce, pour deux raisons. La première : il est plus difficile d'entrer dans les halls des immeubles, de mieux en mieux protégés par les digicodes. La seconde : environ 20 % des habitants apposent désormais des stickers "Stop pub" afin d'éviter de recevoir des prospectus qui finiront, pour la plupart, à la poubelle sans être lus.

À la place, l'entreprise a opté pour une version digitale envoyée par e-mail (sans oublier les promotions disponibles sur l'appli "Monoprix et moi"). Une solution jugée moins polluante, qui lui permet, en outre, de "personnaliser le message" et de "toucher plus de monde, dans la mesure où le catalogue arrive plus facilement à destination". Monoprix suit ainsi les attentes des citoyens, de plus en plus sensibilisés aux enjeux du développement durable : "Ils nous disent qu'ils veulent être des acteurs du changement."

Écouter les attentes des consommateurs

Une évolution que constate aussi l'Observatoire Cetelem, auteur d'études annuelles sur le thème de la consommation : selon la dernière édition, en 2019, les citoyens veulent consommer "plus responsable" et "plus local". Ils privilégient de plus en plus souvent les circuits courts. Par exemple, 67 % des sondés déclarent renoncer à acheter des produits qui, certes, leur font parfois envie, mais qu'ils ne jugent pas assez bons pour la planète. En d'autres termes, ils souhaitent consommer davantage de produits sains, exigent de comprendre ce qu'il y a dans leurs assiettes et enfilent plus fréquemment une toque pour se concocter des petits plats.

"Le sens, les Français le cherchent également auprès des marques. D'où l'intérêt pour elles de répondre aux (nouvelles) attentes des consommateurs et de proposer plus de produits responsables, analyse Laura Boulet, la directrice générale adjointe de l'Union des marques (ex-UDA), organisation cofondatrice du collectif "Réussir un marketing plus responsable" (regroupant des structures comme l'Ademe, l'Adetem ou encore GreenFlex). Tandis que l'émission télévisée Cash Investigation peut démonter en deux temps trois mouvements la stratégie de certaines entreprises, les annonces visant à rassurer les clients se succèdent. Ainsi, Carrefour a expliqué, en février dernier sur Twitter, vouloir proposer aux consommateurs de venir en magasin avec des bocaux en verre vides pour éviter d'acheter trop d'emballages. Nestlé, de son côté, a décidé, en début d'année, de ne plus vendre de pailles en plastique pour se conformer, en avance, à la future réglementation interdisant certains produits à usage unique. Quant à l'entreprise américaine TerraCycle, spécialisée dans le recyclage de déchets dits non recyclables, elle a annoncé, en janvier dernier, développer une plateforme d'e-commerce, Loop, afin de livrer, dès le mois de mai en France, des produits du quotidien de grandes marques dans des contenants durables, lesquels, une fois vides, seront collectés pour être consignés.

Dialoguer avec les clients

Mais comment réussir la transition alors qu'au premier semestre 2018, les volumes de ventes de produits d'alimentation et d'entretien ont baissé de 1,2 %, selon la société d'études Information Resources Incorporated ? Cela passe avant tout par un dialogue permanent, glisse-t-on du côté de Franprix, dont 85 % des 900 magasins sont situés à Paris. "Les équipes locales font très régulièrement remonter les doléances de nos clients. Nous sommes proches de ces derniers, ils viennent souvent, même pour des petites courses. Avec ces retours, nous cernons mieux l'évolution de leurs comportements, témoigne Laura Pires, directrice RSE de l'enseigne. Ils exigent des ingrédients plus sains dans les produits qu'ils consomment ? Alors, dans la mesure du possible, nous remontons les filières pour remplacer, dans les recettes, des sirops de glucose ou de fructose par du miel ou du sucre non raffiné, par exemple. Nous éloignons les additifs, y compris ceux qui sont autorisés."

Jean-Paul Mochet, directeur général de Franprix, ne dit pas autre chose dans son livre Affinités (Débats publics, 2019). Selon lui, la grande distribution doit mieux "écouter le consommateur, prendre en compte son avis et corriger ses ­pratiques en fonction. Internet, écrit-il, fournit aux distributeurs un retour précis et sans filtre de son coeur de cible, beaucoup plus que n'importe quelle étude menée par des experts. Il suffit de se connecter pour recueillir les points d'amélioration, éventuellement quelques bonnes idées et se pencher en interne sur leur mise en application."

Anticiper, tester, sensibiliser

Une méthode que ne renie pas Monoprix, qui assure échanger aussi régulièrement avec sa clientèle. "Nous testons nos nouveautés, nos produits, voire quelques idées avant de les mettre en place. Nous avons des panels pour cela", précise Florence Chaffiotte, la directrice marketing, ajoutant, au passage, que les clients, plus sensibilisés qu'auparavant, n'ont pas été à l'origine de l'arrêt des envois des prospectus, mais qu'ils l'ont bien accepté.

L'idée est donc la suivante?: tester une mesure... et voir si la mayonnaise prend. Ce qui revient, au final, à anticiper les comportements, à sentir l'évolution des habitudes des citoyens... De là à penser que les marques ont un devoir de sensibilisation, il n'y a qu'un pas... qu'elles franchissent aisément. Depuis quelques mois, les Franciliens peuvent jeter leurs cigarettes dans des cendriers accrochés aux devantures des magasins Franprix. "Nous souhaitons faciliter la vie des habitants, souligne Laura Pires, et contribuer à nettoyer les trottoirs des villes", sur lesquels traînent plusieurs centaines de mégots. Des déchets qui finissent souvent leur course dans les océans, polluant ainsi la biodiversité aquatique. Un sérieux problème dont a conscience l'enseigne urbaine, qui privilégie la voie de l'économie circulaire. Les mégots sont collectés, puis envoyés à l'usine de recyclage de MéGO!, qui, après une phase de dépollution, récupère la partie plastique des anciennes cigarettes pour créer du mobilier ou... des cendriers. Franprix l'assure : "Nous sommes une enseigne agile dans laquelle il est plutôt facile d'innover." Elle n'hésite donc pas à sauter le pas et, afin de sensibiliser au problème du suremballage des articles, intègre dans les rayons classiques des produits en vrac. "Franprix ne souhaite pas créer des rayons dédiés aux articles non emballés, séparés du reste. L'enseigne préfère que l'huile, le vin ou la lessive en vrac se trouvent là où sont rangés ces mêmes produits, pour que les clients les voient comme une vraie alternative aux articles emballés."

Dans la même veine, les marques "peuvent devancer les législateurs sur des sujets de société", poursuit Jean-Paul Mochet dans son ouvrage. Les gobelets, les verres et les assiettes en plastique à usage unique seront bannis en France en 2020 ? Franprix les a retirés de ses magasins avec un an d'avance et entend proposer, d'ores et déjà, des produits de remplacement en carton, en bois, en palmier, voire en bambou ou en pulpe de canne à sucre. Et ce, même si "ce marché n'est pas encore totalement prêt, ­occasionnant, ici ou là, quelques ruptures de stocks", remarque Laura Pires.

Oui, les marques peuvent faire leur part du colibri. Chez Nespresso, aussi, comme nous le révèle Hélène Coulbault, la responsable communication corporate et RSE de Nespresso France : "L'entreprise a un rôle à jouer, au même titre que les citoyens ! Ce rôle est d'autant plus important dans la filière du café, particulièrement menacée. D'ici 2050, souligne-t-elle, les zones de production dédiées au café en Amérique latine pourraient être réduites de presque 90 %. Nous ne pouvons donc pas rester inactifs devant cet enjeu. Nous avons lancé plusieurs programmes d'agroforesterie, afin de planter des arbres au coeur des fermes de café en Colombie, au Guatemala, mais aussi en Éthiopie, notamment, ce qui aide les caféiculteurs à mieux lutter contre les effets des dérèglements climatiques. Et pour nos consommateurs, cela leur apporte un café neutre en carbone. Nous essayons de les sensibiliser à ce sujet." Une tâche ardue ? Hélène Coulbault acquiesce de la tête. "Nous disons ce que nous faisons, mais les consommateurs sont exposés à de très nombreux messages, et il faut du temps pour qu'ils aient conscience des initiatives réalisées par les entreprises. Nous nous devons d'avoir des messages clairs et de les répéter. C'est un travail de longue haleine."

Monoprix semble aller dans le même sens. La marque répond à la demande de transparence et de responsabilité des citoyens en communiquant sur ses initiatives. Pour l'enseigne, cela a du sens. "Nous menons des actions, il est logique que l'on en parle, évidemment", abonde Florence Chaffiotte, citant, tout à la fois, les véhicules roulant au gaz propre (qui constituent 20 % de sa flotte) et le partenariat entre Monoprix, conscient des enjeux liés à la condition animale, et Poulehouse, une maison de retraite pour poules, située dans le Limousin. Alors que la majorité de leurs congénères sont envoyées à l'abattoir, là-bas, les galliformes, chanceux, "se la coulent douce". Elles continuent de pondre, et leurs oeufs sont vendus dans les rayons, certes à un prix beaucoup plus élevé (environ 6 € les 6). "Les magasins, en local, communiquent également et rebondissent sur tel ou tel sujet en fonction de l'actualité", complète Florence Chaffiotte. Du côté de Franprix, qui vend aussi les oeufs de Poulehouse (tout comme Biocoop et Carrefour), les équipes assument de ne pas communiquer sur toutes les actions développement durable. Par manque de temps ? "Nous partons du principe, confie Laura Pires, que l'important, c'est d'agir, et non de communiquer systématiquement. Tout n'est pas parfait, c'est un long chemin pour les marques, mais nous essayons de progresser, chacune de notre côté."

Inventer des modèles

Depuis 2013, le collectif "Réussir un marketing vert" invite précisément les marques à s'améliorer, à défendre un marketing alternatif, à réduire, ainsi, leur impact écologique... Il a ainsi fait un appel à candidatures pour mettre en avant des bonnes pratiques dans un livret censé motiver les autres sociétés à prendre en compte les enjeux écologiques. Une manière aussi d'inciter les entreprises à dévoiler leurs initiatives en détaillant tant les clés de réussite que les difficultés rencontrées par les équipes marketing. "Certaines entreprises sont sur le bon chemin, mais ce n'est pas encore abouti. L'important, pour nous, insiste Laura Boulet, de l'Union des marques, c'est de se poser la question : Qu'a apporté le produit aux consommateurs ? Nous sélectionnons les initiatives les plus mûres, dont l'efficacité a été mesurée."

En 2018, le collectif a mis en lumière une initiative de Nespresso, qui doit faire face à un défi de taille : la gestion de ses déchets. La marque a lancé, il y a 10 ans, une filière de collecte et de recyclage de ses capsules en aluminium recyclables. L'idée?: collecter ces déchets, puis séparer le marc de café et le contenant en aluminium. La partie organique est revendue, puis revalorisée en biogaz et en compost, l'aluminium sert à fabriquer de nouveaux objets. Hélène Coulbault, responsable communication corporate et RSE de Nespresso France, poursuit : "Nespresso a trouvé une solution pour ses capsules, mais aussi pour les autres emballages en métal, tels les petits aérosols, les opercules, les gourdes de compotes, les plaquettes de médicaments... Aujourd'hui, plus de 10 millions d'habitants en France métropolitaine les recyclent. Nous souhaitons atteindre les 30 millions en 2022." Comment ce projet a-t-il fait la différence ? La filière, qui répond aux attentes des clients, est née d'un travail collectif, précise le livret blanc : institutionnels et industriels se sont regroupés au sein d'un club de recyclage de l'emballage léger en aluminium et en acier, ce qui a permis le dialogue, la co-construction de solutions, puis, au final, une modification des consignes de tri.

Le collectif insiste sur le fait que son livret blanc regroupe des initiatives très variées. "Nous poursuivons notre rôle d'évangélisation et de sensibilisation, conclut Hanaé Bisquert, responsable des affaires publiques et de la RSE à l'Union des marques. Pour nous, la responsabilité dans le marketing et la communication est un fort levier d'efficacité économique. Et cela peut jouer sur la réputation des marques." À l'heure où le moindre faux pas crée un bad buzz monumental, l'argument est imparable.

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