Ventes aux enchères : Objets inanimés avez-vous donc un prix ?
A l'heure où le troc prévalait, chaque produit ou service faisait l'objet d'une négociation personnalisée. Ont succédé les prix fixes en France il y a 150 ans à peine. Mais cette parenthèse a déjà vécu. Pour mieux coller aux besoins spécifiques de votre société et de chacun de vos clients, Dominique Beaulieu, directeur marketing de Valoris, nous réconcilie avec la fixation dynamique de prix.
On aurait tort de considérer les Ventes aux enchères on-line comme la
simple réplication des Drouot, Christies et autres Sotheby's du monde réel. Les
étiquettes de prix valsent au profit d'un modèle de fixation dynamique des
prix, ouvrant la porte à une personnalisation sans précédent. Ni plus ni moins
un nouveau mode d'intermédiation directe entre particuliers du monde entier et
entreprises à l'échelon planétaire. Une bourse des valeurs mobilières qui se
généraliserait à l'ensemble des produits et services. Tentez vous-mêmes
l'expérience. Interrogez votre voisin dans l'avion. Vous avez une chance sur
dix d'avoir payé le même prix que lui. Consentez-vous à sacrifier le montant
affiché dans une chambre d'hôtel ? Je vous plains. A deux heures près, le prix
de location de votre véhicule peut doubler. Dans certaines boutiques duty-free
des aéroports, les prix s'adaptent aux horaires des vols en partance, laissant
à Vuitton et Chanel une dernière chance de rançonner à bon prix les voyageurs
japonais. Les enchères n'épargnent rien : le juge Penfield Jackson et Joel
Klein, chef de la division antitrust du département américain de la justice, ne
parlent-ils pas de contraindre Microsoft à vendre Windows aux enchères ? Tout
s'échange en C to C, de la semaine en temps partagé aux Canaries à la commode
Louis XVI, en passant par du matériel informatique d'occasion, des timbres, des
pièces, des affiches ou des figurines, avec tout de même une moyenne par objet
extrêmement faible (à peine 300 FF). Si en B to C la vedette revient au
déstockage, en B to B, c'est l'univers du "yield management" (rendement
optimisé) qui se prête le mieux aux enchères, là où le coût variable est
négligeable par rapport aux frais fixes. Là où une place d'avion non affectée
sera définitivement perdue. « Je solde en espace publicitaire 200 flancs de bus
pour vendredi ; il me reste sur les bras 1 page dans l'Express. Mise à prix 15
000 F. » ou bien « Pour moitié prix, je vous propose d'utiliser l'espace libre
de mon cargo en partance pour Singapour. Qui dit mieux ? » L'explosion
d'Internet se nourrit et s'accompagne d'une efficacité accrue des échanges et
d'expériences d'achat plus agréables. Les enchères combinent le caractère
attractif du prix et l'excitation liée à l'acte d'achat. Le directeur de la
communication de Nouvelles Frontières raconte qu'un « billet pour Venise à 800
F, mis aux enchères à 200 F, avait fait l'objet de surenchérissements au-delà
du prix liste ». Depuis, il a été obligé de plafonner les enchères ! De quoi
être convaincu du caractère exceptionnellement ludique de ce mode d'achat, et
démontrer que le prix matérialise seulement une barrière psychologique. La
certitude ou l'illusion de faire une bonne affaire prime.
Optimisez l'offre et la demande
Comment personnaliser
davantage qu'en laissant vos clients fixer eux-mêmes leurs prix ? Utilisez les
enchères pour déterminer le montant optimal de lancement de vos nouveaux
produits. Vous obtiendrez le meilleur prix pour votre marchandise, et vos
clients acheteurs paieront le moins possible : une relation gagnant-gagnant.
Les enchères vous autorisent à vendre vos produits au meilleur prix,
facilement, sans coût additionnel, et à tout moment. Une indisponibilité de
produits temporaire vous permet d'augmenter substantiellement votre profit, et
les invendus surévalués évitent de prendre la poussière dans vos entrepôts. Au
lendemain du tremblement de terre de Taïwan, le prix des mémoires SDRam avait
littéralement flambé sur e-bay, valorisant des stocks par anticipation.
Testez le marché
Placez un produit en vente aux
enchères pour localiser les îlots où se manifeste l'intérêt : vous apprécierez
ainsi l'envergure de la demande et la vulnérabilité d'un marché. C'est une
étude de marché abordable, rapide et fiable. Les téléphones mobiles mis en
vente à 1 F poursuivent le double objectif de développer l'affinité avec la
marque et de cerner le prix de marché. Une entreprise qui détient une offre
avec peu de concurrence, ou un produit aux caractéristiques uniques, évalue
difficilement le montant que les prospects seront prêts à engager pour se les
approprier. Les enchères laissent au marché le soin d'apprécier la réelle
valeur des choses, tout en fidélisant des participants. Les autres canaux de
distribution de la marque pourront d'ailleurs s'inspirer de ce prix pour
ajuster leurs conditions tarifaires.
Augmentez vos ventes
Les prix dynamiques favorisent les opérations
promotionnelles d'une entreprise traditionnelle, représentent une animation
génératrice de trafic pour un site, et deviennent souvent un canal de vente à
part entière. De nouveaux clients, attirés par ce mode, prendront part aux
offres ou aux ventes, et reviendront régulièrement. A leur tour, ils
deviendront la cible de produits complémentaires à prix fixes. Ce déstockage
évite de recourir à des intermédiaires coûteux et accélère la rotation des
stocks. Lufthansa a décidé de solder lui-même ses invendus, en lieu et place de
prestataires comme Dégriftour vis-à-vis d'Air France.
Etendez la disponibilité de vos produits
Les enchères restent accessibles 24
heures par jour, 7 jours par semaine. Des assistants électroniques enchérissent
en votre nom, jusqu'à un plafond préétabli, pendant votre absence ou votre
sommeil. « Je suis prêt à aller jusqu'à 700 F, par paliers de 50 F. » La
technologie WAP (Internet sur votre GSM) poursuivra l'acheteur potentiel dans
la rue et le relancera sur une offre de prix nouvelle venant mettre en péril
l'objet convoité.
Bâtissez une communauté de clients
Tous les ingrédients de la communauté se révèlent exacerbés : l'excitation
propre au suspense de la vente, la mise en commun d'objets qu'on ne trouve pas
ailleurs, la curiosité par rapport aux objets uniques des autres ou au
comportement des tiers. Les enchères offrent une place de marché à forte
implication émotionnelle, fidélisante tant pour les acheteurs que pour les
vendeurs, qui retournent sur le site pour observer des ventes à succès, ou
surveiller le résultat de leurs propres démarches. Le concept peut transformer
un site en communauté d'acheteurs éduqués.
Collectez l'information client
Sur un site traditionnel, on ne récupère que les données
relatives à l'acheteur. Sur un site de vente aux enchères, on détient les
coordonnées de tous les internautes enregistrés, ainsi qu'une trace de leur
comportement : jusqu'où ils ont enchéri, comment ils l'ont fait et pour quels
produits. Beaucoup d'entreprises paieraient cher pour référencer les acheteurs
par segment de prix. Autre intérêt : on reste plus longtemps, on vient plus
souvent, et la fréquence des achats est plus forte que sur des modes
traditionnels (études de Jupiter Communications et Nielsen/NetRatings). Selon
l'Institut de mesure NetValue, les Français consultent en moyenne 37 minutes
par mois les enchères. ibazar prétend que ses 20 000 utilisateurs passent 45
minutes en ligne, trois ou quatre fois par mois. De quoi rentabiliser quelques
bandeaux publicitaires. L'engouement favorise quelques débordements. Au détour
d'une rubrique, ont surgi pêle-mêle un rein mis aux enchères, 16 cadres
proposant leur force de travail, le nom de domaine SuperU.com proposé 40 000 F
ou celui de drugs.com vendu 800 000 $ à un laboratoire pharmaceutique... et
même un bébé qui a failli être adjugé à 40 000 F. On a pu voir aussi les ovules
de huit mannequins et bientôt les spermatozoïdes de quelque Schwarzennegger ou
autre Vandamme. Comme on ne manquera pas de me contacter, je proposerai sans
doute un arrangement direct avec Naomie Campbell, convaincu que le monde réel
réserve encore quelques avantages sur le virtuel. ebay vient de décider la
création d'une rubrique à caractère sexuel, officiellement pour éviter
l'avalanche de propositions envahissantes, sans doute aussi parce les masses
d'argent en jeu appellent quelque mansuétude. L'été dernier, je dénombrais 800
sites dans le monde. Aujourd'hui, j'ai renoncé à les compter. Il n'y a
quasiment pas de site aux Etats-Unis sans service propre de vente aux enchères
(pour drainer du trafic et animer le site) ou sans hyperlien vers des sites
affiliés visant une rémunération indirecte. Un marché considérable justifie ce
raz de marée : Keenan Vision estime à 29 % du commerce électronique mondial la
part des ventes aux enchères en 2002, soit 129 MdF contre 10 % en 98. Forrester
Research l'évalue pour sa part en 2002 à 50 MdF en B to B, 14 MdF en B to C, et
5 MdF en C to C. Jupiter dénombre 6,5 millions acheteurs et vendeurs en 2002.
Seul frein, l'aspect juridique. En France, même si le monopole des
commissaires-priseurs datant d'Henri III est en réexamen, on ne peut
authentifier un objet et certifier une transaction sans s'exposer aux foudres
de la profession.
Coca-Cola : le consommateur, en état de légitime dépense ?
Si l'on accepte volontiers, au théâtre, de sacrifier 20 F pour une bouteille qui en vaut à peine 2 dans le commerce, cette sensibilité aux conditions d'achat a suscité récemment une levée de bouclier dont Coca-Cola a fait l'amère expérience. Les Echos rapportent l'information suivante : "Le prix du Coca pourrait flamber au soleil. L'entreprise Coca-Cola teste depuis plus d'un an des distributeurs de canettes qui indexent automatiquement le prix des boissons sur la température extérieure, se fondant ainsi sur les principes de l'offre et de la demande. Le New York Times souligne le potentiel d'évolution de la distribution automatique, dû au fait que ce secteur n'a pas souffert de la contraction des marges imposée par les supermarchés ; il intéresse donc au plus haut point les producteurs. De plus les nouvelles technologies permettent des nouvelles applications très variées : déjà se développent des distributeurs équipés de modems permettant, via les câbles téléphoniques, de centraliser les informations relatives aux ventes, stocks, et éventuelles pannes de machines. Déclarant ne pas s'être lancé dans de tels projets, le concurrent Pepsi n'a pas tardé à réagir par des commentaires négatifs à l'éventualité de tels développements."
Le rectificatif de Coca ne s'est pas fait attendre !
On pouvait lire sur son site le 28 octobre : "Statement on vending machine technology, Atlanta Contrairement à des articles de presse erronés, la compagnie Coca-Cola ne lance pas des distributeurs qui augmentent le prix de ses boissons non alcoolisées lorsqu'il fait chaud. Nous étudions des technologies et systèmes de communication innovants qui améliorent sensiblement la disponibilité des produits, l'activité promotionnelle, et offre même aux consommateurs l'occasion d'avoir une expérience interactive avec un distributeur automatique. Depuis 113 ans, nous nous engageons à mettre nos produits à portée de main de tous les consommateurs qui en ont envie. Si Coca-Cola est la boisson favorite des gens dans près de 200 pays, elle le doit précisément à la satisfaction des envies de tout un chacun à un prix abordable. Les nouvelles possibilités que nous explorons ne feront qu'améliorer notre capacité à tenir notre promesse." Traduisez : "on y va, mais chut !"