Se déconnecter: le nouveau fantasme?
De plus en plus de voix s'élèvent pour célébrer une vie «débranchée»... mais seuls 16 % des sondés déclarent qu'ils pourraient abandonner une semaine leur smartphone.
Je m'abonneUne société de la connexion généralisée se développe sous nos yeux. «Je suis connecté donc j'existe», pourrait en être l'axiome fondateur. Avec le développement fulgurant des smartphones, accéder à Internet, d'où que l'on soit, est devenu un jeu d'enfant. Les tablettes que l'on transporte dans toute la maison offrent, quant à elle, de nouvelles occasions de surfer, plus ludiques que celle des ordinateurs.
Alors que progresse notre pouvoir de connexion, de plus en plus de voix s'élèvent pour chanter les louanges d'une vie «débranchée». Comment retrouver les sensations de la «vraie vie», s'interrogent un nombre croissant d'individus connectés? Comment limiter l'invasion technologique? Aux Etats-Unis, la journée nationale du «débranchage» (national day of unplugging) s'inscrit dans cette tendance. Les journées «sans» se multiplient: un jour sans Google, un jour sans téléphone portable, etc.
Une enquête réalisée, par Ipsos pour Marketing Magazine, auprès d'un échantillon représentatif de 500 personnes, interrogées en ligne, en janvier 2011, vise à évaluer l'importance de cette aspiration dans la France connectée de 2011.
Dépendance générale
Première observation: il est aujourd'hui très difficile de se passer d'une connexion, même pendant ses congés. Près de la moitié des personnes interrogées (47 %) dit se connecter «plusieurs fois par jour» quand elles sont en vacances. En réalité, seule une infime minorité échappe à Internet: 81 % se connectent au moins une fois par semaine.
La technologie fait désormais partie de notre vie quotidienne et la présence d'enfants dans le foyer n'y change rien. Le digital est partout. On notera que les plus connectés en vacances sont les moins de 35 ans: 56 % d'entre eux déclarent se connecter plusieurs fois par jour.
Rémy Oudghiri (Ipsos): « Il est aujourd'hui très difficile de se passer d'une connexion. »
La moitié des internautes songent à se déconnecter
Cette dépendance peut agacer. Près de la moitié des personnes interrogées (53 %) reconnaît avoir déjà eu envie de ne pas se connecter à Internet «pendant plusieurs jours d'affilée». 12 % y pensent même «souvent». 18 % des sondés disent y penser «de temps en temps». A noter: ce sont plutôt les hommes qui expriment cette envie, notamment après 35 ans. Mais ont-ils vraiment le choix?
Pour déterminer leur degré «d'addiction», la question suivante leur a été posée: «si vous deviez vous priver d'appareils pendant une semaine, quels seraient ceux dont vous auriez le plus de facilité à vous déprendre?» La question est intéressante parce qu'elle permet de segmenter l'univers technologique en trois groupes: les appareils «superflus» (50 % au moins des personnes les possédant disent pouvoir s'en passer une semaine) ; les appareils «secondaires» (entre 30 et 49 % des personnes interrogés peuvent s'en passer) ; et les «indispensables» (moins d'un tiers déclare pouvoir vivre sans).
Au chapitre des appareils «superflus», il y a le lecteur DVD (67 % des personnes interrogées pourraient s'en passer durant une semaine), les appareils photos (65 %), le téléphone fixe (53 %) ou la chaîne Hi-Fi (50 %). Tous ces appareils nécessaires au confort de nos contemporains peuvent néanmoins faire l'objet d'une abstinence temporaire, sans dommage pour la majorité.
Au rayon des appareils «secondaires» mais néanmoins plus difficiles à abandonner, il y a la télévision (44 %), l'ordinateur fixe (37 %) ou le compte Facebook (32 %). La liste des appareils perçus comme «indispensables» est révélatrice. On y trouve les appareils sans lesquels la vie quotidienne devient vite impossible: la machine à laver (22 %) ou le lave-vaisselle (30 %). Sans compter la machine à café, instrument roi des foyers contemporains: seuls 26 % de ceux qui en ont une parviendraient à s'en passer.
Enfin et sans surprise, c'est du téléphone avec connexion Internet dont on se passera le moins: seuls 16 % des sondés pourraient l'abandonner une petite semaine! La «déconnexion» célébrée par certains sera compliquée à mettre en oeuvre.
Rémy Oudghiri, directeur département Tendances et prospective, ipsos