Marques, osez les tabous qui tachent!
Quarante ans après mai 68, les tabous s'accrochent. Dans son dernier cahier de tendances, Carlin International ose les braver et va jusqu'à les revendiquer comme ressorts créatifs dans les campagnes de communication.
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On pourrait croire notre société débarrassée de ses vieux tabous. Force est de constater qu'il n'en est rien. Bien au contraire. La mort, le suicide, le sexe, la maladie, la pauvreté, les mauvaises odeurs ou encore la nudité... Si tous ces sujets font partie de notre quotidien, ils sont le plus souvent écartés de nos conversations, inconsciemment ou non. Le groupe Carlin International décrit ainsi un effet de balancier, une tendance au yo-yo, qui fait qu'un tabou en remplace un autre, indéfiniment. Benetton, avec ses affiches volontairement choquantes, lance depuis longtemps des pavés dans l'univers bien codifié des campagnes de communication. Ses images, souvent impertinentes et crues, présentent l'intérêt d'être militantes et de faire réfléchir, en évoquant des sujets souvent passés sous silence, comme l'homosexualité, le racisme ou encore la pauvreté. Reste que les critiques fusent et que les mentalités tardent à évoluer.
Résultat, l'agence créative Carlin International a décidé de prendre, elle aussi, le contre-pied en levant tout bonnement le voile sur ces «tabous qui tuent et qui tachent». Son nouveau cahier de tendances de communication «Comm. With Me» rebondit donc sur ces interdits et invite les marques à communiquer différemment avec un mot d'ordre: oser!
Conçu comme un jeu stratégique, ce nouvel outil décline ainsi, sous forme de cartes à jouer, des tendances à fouiller. A savoir le «mortel», fout«ou encore le»nul«. Attention, âmes sensibles aux tabous s'abstenir!
Mortel!
- Dans une société d'hyperconsommation, les émeutes de la faim, la raréfaction de ressources naturelles et la mauvaise santé de notre environnement confrontent les individus au manque et à la mort. Agnès Chevalier, responsable des recommandations stratégiques chez Carlin, souligne l'existence actuelle de deux types d'approches face à la mort. D'un côté, la confrontation directe, notamment dans les séries TV, comme Six Feet Under et Dexter, charriant, avec humour et ironie, hémoglobine et décès à la chaîne. De l'autre, un refus de la vieillesse incitant à en repousser les signes avant-coureurs, à travers la chirurgie esthétique. Ainsi Agnès Chevalier avance que selon certains experts, «dans une dizaine d'années, les individus «améliorés» seront plus nombreux que les individus «naturels»» dans certaines régions! Les marques doivent, selon elle, accepter les idées liées à la mort, en communiquant aussi bien sur la naissance de produits, que sur leur disparition. A l'instar de l'agence Junior-Senior qui a débarqué en France avec une cérémonie d'adieu.
«Out»
- «Les modèles de marketing et de communication s'étiolent», constate Agnès Chevalier. Le consommateur est de plus en plus méfiant vis-à-vis du discours des marques tandis qu'Internet occupe une place de plus en plus importante dans le paysage publicitaire, tout comme dans leurs recherches d'information. Ainsi, selon une étude de Risc International, 60% des individus font confiance aux autres consommateurs plutôt qu'aux médias pour juger une marque. Il y a donc urgence à renouveler le dialogue - grâce notamment à un discours plus serein, sans promesse excessive - et à sortir des cases. L'agence espagnole Contrapunto a ainsi osé cacher le produit vanté, à savoir une Smart Fortwo, derrière un veau! Et Carlin s'est prêtée au jeu d'imaginer une campagne pour le bio, affichant les défauts physiques d'une pomme de terre. Un choix osé dans notre société en quête perpétuelle de perfection esthétique.
@ Carlin
Nul!
- Carlin International estime que le consommateur a atteint un certain de^ré de lassitude à l'encontre de la surenchère régnant dans la société. Il est saturé de violence et d'effets spéciaux. Aussi l'agence préconise-t-elle un virage vers plus de simplicité. Place donc au nul, au dépouillé! L'émotion, toute simple, doit détrôner le grand spectacle, trop tape-à-1'oeil. Le banal, le trivial, le quotidien peuvent devenir, selon Carlin, une «arme de communication». Il s'agit aussi de revenir aux fondamentaux, de privilégier le bon sens, tout en admettant les paradoxes et la négation dans les slogans publicitaires. Pourquoi une compagnie aérienne n'adopterait-elle pas, par exemple, ces slogans imaginés par Carlin: «Nous ne volons pas au ras des pâquerettes» ou encore «Nous ne volons pas dans les plumes»?
Osez!
- Finalement, ces tendances peuvent se résumer en un mot d'ordre pour les marques: Osez! A la suite de Benetton ou encore de The Body Shop, certaines marques se sont ainsi déjà frottées à des campagnes au ton militant. L'agence CLM BBDO a concocté une campagne prônant l'emploi pour tous, sans discrimination, pour Adia. Sous le slogan «Urgent: recrutons humains», Adia montre des robots au travail, privilégiés aux hommes car eux ne tombent pas enceintes, ne réclament jamais d'augmentation et n'ont jamais mauvaise haleine! Dove ose aussi la revendication de l'estime de soi et de la différence. Enfin, Carlin prône l'utilisation du jaune, couleur taboue par excellence en Occident dans l'univers de la communication. Or, dans un contexte mondialisé, force est de constater qu'en Asie, par exemple, la couleur s'apparente à la sagesse et à la richesse. A méditer...