Les leviers de la différenciation
Débanaliser les offres est l'une des préoccupations les plus fréquentes des stratèges d'entreprises aujourd'hui. Quels sont les points d'ancrage pour créer la différence ?
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Le prix des produits, même ceux qui semblaient les plus avancés, baisse
sous la pression des concurrents. Les entreprises proposant des produits
intermédiaires sont encore plus exposées. Avoir une marque reconnue ne fait que
ralentir le phénomène sans y changer grand-chose. De vrais journaux
d'information sont gratuits, les unités téléphoniques aussi… Cela est dû à la
pression de concurrents qui accèdent, à des coûts très bas, à des business
models qui ne sont pas fondés sur les mêmes règles, mais aussi à l'expérience
croissante des clients qui ne paient un surprix qu'en contrepartie d'un
avantage réel. La différenciation n'est pas la seule solution pour créer de la
valeur. On peut conduire des stratégies de volume/coûts pour vendre à un prix
inférieur des produits et services dont les prix sont structurellement plus
faibles que ceux du marché. La limite à ne pas dépasser dans ce cas est celle
consistant à baisser les coûts à un niveau tel que le consommateur percevra que
l'offre est en dessous de son niveau d'exigence minimal. Cette stratégie
nécessite d'occuper une position forte à un niveau mondial pour bénéficier de
volumes suffisants pour être imbattable sur les coûts. Peu d'entreprises
françaises bénéficient d'une telle position. La différenciation, pour créer de
la valeur Une stratégie basée sur la différence est donc souvent la seule
alternative possible pour créer de la valeur pour le client, avec un effet
induit sur la création de valeur pour l'actionnaire en attirant des acheteurs
prêts à payer davantage pour avoir mieux. Cette stratégie impose de s'adresser
à des clients attendant des propositions basées sur des rapports bénéfices/prix
différents : les adeptes du “low cost” préféreront un niveau de bénéfice faible
et des prix bas (Formule 1), les plus exigeants rechercheront des bénéfices
plus forts en acceptant un prix plus élevé (Mercure). On comprend dans ce
dernier cas que les volumes seront plus faibles et les prix de vente moyens
plus élevés, sous réserve que les bénéfices proposés en contrepartie du surprix
soient clairs aux yeux des clients. Les savoir-faire de base, dans ce cas,
reposent sur la capacité à : – Débusquer des acheteurs potentiels pour lesquels
le produit ou le service adresse des besoins ou des processus critiques,
c'est-à-dire impliquant pour le consommateur, ou contribuant à créer un
avantage réel dans la chaîne de valeur du client. Les télécoms sont plus
critiques pour une agence de voyages que pour un marchand de chaussures par
exemple. – Comprendre les “douleurs” des clients induites par les offres
disponibles. Michelin a compris les problèmes complexes d'optimisation des
coûts induits par la gestion des pneus des responsables de parcs des
transporteurs. – Augmenter les bénéfices pour augmenter le prix, en créant une
offre perçue comme différente apportant des gains d'exploitation, de la
facilité, une réduction du risque, etc. La situation la plus délicate est celle
du besoin le moins sophistiqué satisfait par une commodité à prix bas. C'est la
situation dans laquelle les clients ne seraient sensibles à rien sauf au prix.
Cela peut être vrai, mais pas systématique si l'entreprise adapte ses finalités
aux volumes qu'une stratégie de différenciation peut raisonnablement capter.
Vendre à un prix plus élevé, c'est d'abord cibler des clients prêts à payer
plus cher pour avoir mieux, ensuite leur proposer une offre mieux adaptée à
leurs exigences. Si ces clients n'existent pas ou s'ils représentent un volume
insuffisant pour l'entreprise, cette dernière sera battue par ceux possédant un
avantage structurel de coûts bas. Que peuvent attendre les clients non
exclusivement focalisés sur le prix facial ?
Quatre niveaux d'attente
– Plus de valeur sur le produit, obligeant à travailler sur les fonctions de ce dernier : améliorer l'usage, augmenter les valeurs d'attrait et de signe. – Simplification de la mise en oeuvre en concevant des produits configurés captant certaines fonctions assumées par des acteurs internes ou externes du processus environnant le produit chez le client. – Solution globale en ajoutant des services autour du produit. – Prise en charge totale en mobilisant la chaîne de valeur de l'entreprise autour de la satisfaction client. Dans un prochain numéro, nous proposerons une description plus détaillée de ces niveaux d'attente et des leviers de différenciation correspondants.