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Le souffle du zèle zen couve sous les marches

La réouverture au public du musée Guimet (voir encadré) cristallise la vogue du zen qui pourrait éclairer les prochains marchés. Par une des étranges facéties de l'histoire, l'actualité remet en valeur la personnalité d'Emile - son fondateur - dont le parcours demeure un sujet de méditation...

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"Usine scientifique", "laboratoire d'idées", c'est ainsi qu'Emile Guimet désignait le musée qui porte son nom. Il fut inauguré en 1889 lors des cérémonies qui marquèrent la fin de l'Exposition universelle qui dota Paris de la Tour Eiffel. Consacré à tous les dieux de l'Inde, de la Chine, du Japon, de l'Egypte, de la Grèce et du monde romain. Emile Guimet n'avait pas voulu d'un musée des beaux-arts ou de curiosités exotiques comme c'était la mode à l'époque. Il a ainsi fondé un centre de recherches et de réflexion sur les religions et les civilisations du monde. Emile Guimet était un homme de la trempe de ceux qui font défaut à notre époque. Humaniste, il ne verra pas de contradiction entre son rôle de grand industriel (il transformera Péchiney en vaste société anonyme et la dirigera jusqu'à sa mort) et celui de mécène, de voyageur- collectionneur et de créateur de musée. Il déclarait ainsi : « fils d'industriel, chef d'usine moi-même, j'avais passé ma vie en contact avec les ouvriers, je m'étais constamment occupé de leur donner la santé de l'esprit et le bien-être du corps. Je fondais des écoles, des cours, des sociétés musicales, des associations, des sociétés de secours mutuel, et je constatais que les créateurs de systèmes philosophiques, les fondateurs de religions avaient eu les mêmes pensées. » Il fit également sensation en établissant un fonds pour financer les accidents du travail et les retraites ouvrières bien avant la loi. Mais est-ce son séjour au Japon, ses conférences avec les moines bouddhiques et les prêtres shintô, qu'il relatera dans son ouvrage Les Promenades, qui l'inspirèrent ? Tel est-il qu'aujourd'hui le cours de l'histoire est peut-être en train de nous rapprocher d'Emile Guimet, des religions et des civilisations asiatiques. Ainsi Robert Rochefort, directeur du Credoc (Centre de recherche et de documentation sur les conditions de vie) déclarait récemment* : qu'avec la mode zen nous assistons « à un passage conceptuel fondamental et extrêmement durable qui augure d'une autre façon de vivre la consommation ». Comme si à la fatigue d'être soi, au stress, au harcèlement moral, à la fièvre acheteuse répondaient la vogue du feng shui, du yoga, de l'ayurveda, du taiji quan, du tai-chi, du shiatsu. Aujourd'hui, il existe plusieurs milliers de centres bouddhiques en Europe et aux Etats Unis. La France est le pays avec les Etats-Unis où le bouddhisme a connu le plus grand essor depuis trente ans. Faut-il pour autant en croire Nietszche qui avait annoncé l'avènement d'une « Chine européenne avec une douce croyance bouddhiste-chrétienne, et, dans la pratique, un savoir-vivre épicurien. »** Peut-être alors, face à l'effondrement des idéologies politiques et économiques, cette "sagesse laïque" qu'est le zen va influencer largement les prochains marchés. Pour en déchiffrer les signes, une visite au musée Guimet s'impose. * Voir article "La voix du zen se fait entendre au royaume de la consommation" (Le Monde, 5 janvier 2001). ** Revue L'Histoire (janvier 2001) : Le bouddhisme, une religion à la conquête du monde. Musée national des arts asiatiques, 6 place d'Iéna, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 10 à 18h. Tél. 01 56 52 53 00www .museeguimet.fr

LE MAGISTRAL RENOUVEAU D'UNE " USINE SCIENTIFIQUE "


Fermé depuis 1996, le musée Guimet consacré aux arts de l'Asie, a réouvert ses portes au public le 20 janvier dernier. L'ancien dédale poussiéreux, confus, obscur et bricolé au cours des époques est méconnaissable. La nouvelle architecture et la muséographie sont l'oeuvre d'Henri et Bruno Gaudin qui ont placé leur projet sous le signe de la lumière et de la lisibilité. On ne pouvait mieux faire pour l'art asiatique où l'espacement, le blanc, le vide donnent vie et sens à la matière. Khmers, indiennes, himalayennes, chinoises, japonaises, coréennes, trois mille cinq cents pièces sont exposées. Dans un parti pris de simplicité et de rigueur scientifique, les collections s'ordonnent selon un ordre chronologique. Les espaces attribués à certains pays comme le Japon et la Corée ont été rééquilibrés. Le souci d'attribuer une place importante aux arts majeurs se traduit par la présentation de chefs-d'oeuvre de la peinture chinoise, japonaise et coréenne absentes auparavant. Une visite permet de comprendre les grands phénomènes "transasiatiques" tels que la diffusion vers l'est et le sud-est des courants religieux indiens et le phénomène du vaste rayonnement de la civilisation chinoise dans tout l'Extrême-Orient. Il ne faut pas rater la superbe galerie de la collection Jean et Krishnâ Riboud où sont présentés des textiles, costumes, bijoux et objets décoratifs de l'Inde du XVIe au XIXe siècle. Et surtout, la bibliothèque dissimulée dans la rotonde, un bijou d'hellénisme pompier, où la future Mata Hari exécuta des "danses brahmaniques"... Le musée Guimet permet un voyage inépuisable. Inde ancienne et médiévale d'inspiration essentiellement religieuse, arts de l'Asie du Sud-Est marqués par la diffusion de la pensée religieuse indienne avec le boudhisme et le brahmanisme, panorama complet des créations artistiques majeures de l'ancien pays khmer, écoles de l'art thaï, arts du Viêt Nam, Chine archéologique, arts de l'Asie centrale boudhique, Tibet et Népal, Chine des lettres, Japon, Corée... sont présentés par leurs plus belles pièces dans ce lieu d'inspiration où tout un chacun peut y puiser un sujet de méditation.

Stirésius

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