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La rébellion digitale devient globale

De l'idée de révolte à la mise en oeuvre: en 2012, la rébellion se diffuse. Un mouvement de fond qui touche les marques.

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Au-delà de la simple posture subversive isolée, les actions des Anonymous, récemment observées, incarnent une nouvelle forme de contestation. Initiatives encore anecdotiques, gestes microcosmiques, ce sont les symptômes d'une dynamique de changement bien plus large.

Objectivement et quelle que soit la population rencontrée, même chez les plus âgés, la remise en cause des institutions est assumée et revendiquée. Les citoyens consommateurs se désolidarisent des difficultés des grandes entreprises. Indisciplinés dans leurs paiements, opportunistes dans leurs achats, mercenaires de la meilleure affaire... Ils se vantent même de le faire. Etre rebelle est non seulement populaire, aujourd'hui, mais légitime. Au confluent de deux ères, la société juxtapose et métisse les tendances.

Clémence Sanlis (ID Map) :

« Les rebelles proposent un modèle souple et collaboratif, où le citoyen demeure libre d?être acteur du monde qu'il partage. »

Paradoxalement, l'esprit baroque des fins de cycles, qui consiste à dédramatiser, à jouer avec les codes funestes pour ne plus craindre le vide, cohabite avec le calme de la Toile blanche, où tout est à construire. Art, culture, mode, la tendance est à la dérision et au désordre. Anti-héros, omniprésence du noir, laideur ordinaire, provocation, rock, punk... La société revisite les mouvements de révolte sur un mode régressif et ludique. Rire pour ne plus avoir peur.

Parallèlement, la mode s'oriente vers un design naturel, simple, essentiel, que l'on peut qualifier de rudimentaire. Matières naturelles, aspects bruts, juxtapositions spontanées, culture du minimal. Dans un esprit de désaturation, le monde fait place nette pour un nouveau départ.

Comme toujours, la rébellion s'inspire du modèle contre lequel elle se dresse. La rébellion digitale est intéressante à étudier. Elle est née durant une période d'impuissance, où la mondialisation des institutions rendait impossible ne serait-ce que l'identification concrète de l'oppresseur. Une époque où on ne savait ni contre qui se rebeller ni comment le faire. Le monde s'ouvre à présent sur une période de réappropriation populaire des outils de la globalisation. Le monde est interconnecté, alors la rébellion se propage. Le pouvoir est impersonnel, alors la rébellion est anonyme. Le monde occidental est non violent, alors la rébellion est virtuelle. Cristallisation de mouvements contestataires, la rébellion virale est bien plus qu'une nouvelle forme de diffusion des messages, c'est la source qui alimente et structure à présent les manifestations de rue. Le rapport entre le réel et le virtuel est en passe de s'inverser.

Citons quelques exemples: l'autorité des marques est remise en cause, les producteurs locaux sont survalorisés, la propriété intellectuelle est attaquée, on recherche l'imperfection, les nouveaux réseaux de vente sont plébiscités...

Au-delà de l'engouement pour les nouvelles solutions plus équitables et green, et de la simple revendication ponctuelle, les actes contemporains de rébellion remettent en cause le modèle occidental en lui-même.

Un modèle sociétal différent, auquel les marques doivent s'adapter

A une approche pyramidale, parfaitement codifiée, compartimentée et hiérarchisée (une approche institutionnalisée), les rebelles (actifs et passifs) opposent un modèle plus souple et collaboratif, dans lequel le citoyen est libre d'être acteur du monde qu'il partage. Un monde moins ambitieux mais un monde à l'échelle de l'individu... Un monde plus simple mais que chacun maîtrise. Un virage identitaire qui oblige les marques à remettre profondément en cause leur fonctionnement, leur statut, leur relation aux consommateurs. Le cadre est différent. Les outils et les règles aussi. Au marketing d'inventer le «non marketing». Un virage qu'il faut parvenir à prendre... Il ne s'agit pas seulement d'une question d'ajustement. Du point de vue des marques, ces aspirations peuvent paraître contradictoires. Concilier hédonisme et développement durable, individualisme et aspirations collectives ne va pas de soi, et cela interroge durablement les pratiques du marketing. Le véritable défi consistera à considérer que, cette fois-ci, le client est vraiment devenu roi.

Clémence Sanlis, ID Map

Clémence Sanlis

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