La presse mise sur les réseaux sociaux
Ils sont en train de changer le monde, celui des médias en tout cas. Mais qui se dissimule derrière ce «ils»? Facebook, Twitter, YouTube, et les réseaux sociaux en général. En 2011, ces derniers se sont montrés comme des outils efficaces de communication lors de catastrophes naturelles, de guerres ou de crises humanitaires. Egalement dévoilée via les médias sociaux: l'affaire DSK, en mai dernier, a d'abord été révélée par un jeune militant du parti UMP sur Twitter. Le site de microblogging a devancé les médias traditionnels. Une déconvenue pour la plupart des rédactions qui a incité ces dernières à mettre davantage en avant leurs espaces sociaux sur leur site web. C'est par exemple le cas de France 24. Sur son site, la chaîne d'information a logé les points de contact sociaux mobiles et mails en bas de chaque article. Mieux encore, avec un pavé «Restez connectés» et les liens «Communautés» dans le «footer» du site. Sans parler des sites de partage vidéos Dailymotion et YouTube qui, en même temps qu'ils diffusent la chaîne, promeuvent les pages Facebook et Twitter. Ou encore la pléthore de fans pages sur Facebook, permettant d'obtenir des résultats différents en fonction de la requête «France 24» ou «France24» («France 24 Elysées 2012», «France24/RFI»...). Une stratégie qui fonctionne puisqu'au mois de novembre dernier, plus de 550 000 internautes étaient abonnés à la page Facebook de la chaîne d'information, contre 176 000 début 2011. Même bilan pour Twitter. Si en janvier dernier, France 24 rassemblait près de 30 000 abonnés aux flux de messages de son compte Twitter, ils sont passés à plus de 240 000 en novembre.
Entretenir la flamme d'une audience motivée
A l'inverse de France 24, le groupe audiovisuel public France Télévisions compte plus d'abonnés sur Twitter que sur Facebook. Exemple avec France 2, qui comprend environ 105000 abonnés sur le site de microblogging contre moins de 50 000 sur sa page Facebook. «Nous avons installé la chaîne sur Twitter au moment où ce site démarrait en France, rappelle Myriam L'Aouffir, social media manager chez France Télévisions. Et les internautes sont plus réactifs, engagés et fidèles que sur Facebook. Simplement parce que Twitter est plus polémique sur l'actualité et la politique. De son côté, Facebook concentre davantage de conversations liées au divertissement. »
Un constat que dresse d'ailleurs l'enquête CSA du mois d'octobre pour L'Observatoire Orange-Terrafemina, après s'être penchée sur les nouvelles passerelles de l'information, entre médias et réseaux sociaux. L'étude a remarqué que les internautes ne se contentent plus de lire passivement les articles qui leur tombent sous le nez: 38 % des sondés les commentent et partagent des liens sur les réseaux sociaux. « Ces chiffres montrent que le tournant participatif a réellement été pris dans le rapport aux médias, analyse Laurence Allard, chercheur en Sciences de la communication. Les internautes s'engagent davantage en prenant le temps d'écrire leur opinion et deviennent codiffuseurs et coproducteurs de l'information. » Les médias travailleraient donc à entretenir la flamme de cette audience motivée, en automatisant au maximum les fonctions de partage, et en créant des passerelles entre leurs contenus et les réseaux sociaux. C'est d'ailleurs ce à quoi s'est employée France Télévisions en lançant le 15 novembre FranceTV info. Calquant le modèle de Cover It live, outil pour créer du dialogue en temps réel avec son public, ce site propose un flux d'informations regroupant sur le même «mur» que celui de la rédaction commentaires, questions posées à la rédaction et tweets. « On va avoir un flux live en permanence qui permettra d'interagir avec l'audience, d'utiliser la rédaction en réseau sur tous les sujets. A ma connaissance, cela n'a encore été fait nulle part», expliquait, lors de la mise en ligne du projet, Bruno Patino, directeur général délégué au développement numérique et à la stratégie de France Télévisions et directeur de France 5. Une sorte de Facebook de l'information.
FranceTV info: Ce site propose un flux d'informations regroupant sur le même «mur» questions posées à la rédaction et tweets.
France 24 Dailymotion: France 24 fait partie de ces rédactions qui mettent les réseaux sociaux en avant sur leur site web.
Nouvel Obs' - Plus: Le Plus, site collaboratif monté en mai dernier par Le Nouvel Obs', attire plus de 1 million de visiteurs par mois.
Vers une sortie de crise?
Faire intervenir la communauté dans son flux d'informations: une ambition que France Télévisions partage avec de plus en plus de rédactions françaises. Newsring, Quoi.info, Huffington Post, Express Yourself... Pléthores de sites participatifs débarquent sur la Toile en cette fin d'année. Sans compter ceux déjà en place comme Le Plus - le site monté en mai dernier par Le Nouvel Obs» - qui attire déjà plus de1 million de visiteurs par mois. Une nouvelle vitalité dans le débat sur le Web qui n'étonne pas non plus Patrick Eveno (professeur à l'Université Paris I): «La cote de confiance de ces pure players a pris de l'ampleur grâce à l'interactivité: pouvoir discuter, donner son avis, voire corriger l'information, renforce cette confiance du grand public envers les médias. »
De là à présager que les réseaux sociaux peuvent permettre d'envisager une sortie de crise de la presse? «Les médias d'information ont compris que l'enjeu consistait désormais à entraîner cette communauté, c'est-à-dire créer des passerelles entre les réseaux sociaux et leurs propres contenus», répond le sociologue. Encore faut-il que les rédactions apprivoisent ces nouveaux outils. En effet, si France Télévisions autorise ses équipes à tweeter (le groupe a récemment publié en interne une charte d'utilisation des réseaux sociaux), certains ont des réactions bien plus épidermiques. Dans un entretien accordé au magazine Le Point en mai dernier, le directeur général adjoint de Canal +, Rodolphe Belmer, avait vivement réagi à l'arrivée de Twitter dans les rédactions: « Une chaîne comme Canal + (...) doit pouvoir maîtriser sa ligne éditoriale et non reprendre à son compte des tweets sensationnalistes, quand ils ne sont pas erronés. » Reste qu'outre-atlantique, certains ont déjà saisi l'importance que jouent les réseaux sociaux dans la presse. Le journal texan The Monitor a décidé d'«humaniser» ses journalistes en indiquant, sous la signature, de chaque article le compte Twitter et la page Facebook de son auteur. Une solution pour améliorer la collaboration entre journalistes et internautes sur ces nouveaux médias.