Extension du domaine de la mode
La bouteille Contrex ? Un accessoire de mode, bien sûr. Et si c'était vrai
? En tant que premier parfum “Couture”, Chanel n° 5 a marqué le début de
l'extension du domaine de la mode. Suivront le phénomène Pierre Cardin et la
mise sur orbite d'une multitude d'accessoires gravitant autour de la sphère du
vêtement. Briquets, stylos et même cigarettes se voient alors courtisés par les
grands couturiers. La griffe est née. Ou plutôt, on est passé au stade
marketing de la mode. Dès lors, celle ci avalera tout sur son passage. Du plus
prévisible - maroquinerie, lunetterie, mobilier, linge de maison, arts de la
table… - au plus inattendu : accessoires canins, doudous régressifs, spas,
restaurants huppés, cafés branchés et ce, jusqu'aux produits de grande
consommation. Contestable ? En tous les cas, prévisible. Dans une économie où
toute chose se renouvelle en permanence, la logique de mode a tout à fait sa
place. Le vêtement n'a plus le monopole de l'éphémère. Les biens de
consommation courante subissent désormais le même sort que le dernier imprimé à
la mode : on les consomme, on les aime, on les jette… et on les oublie. Dans le
laps de temps qui leur est accordé, pour exister il faut frapper fort. Or, la
mode permet médiatisation et différenciation. Du coup, “exit” la lessive
recommandée par Arthur Martin. Désormais, c'est la marque Morgan qui préconise
Ariel. L'Hygiène courtise la Mode. Le nouveau message en vigueur : “prendre
soin de ses vêtements car laver son linge : c'est tendance”. Au choix deux
scénarii. La marque cautionne sa lessive auprès du grand public et
s'autoproclame styliste officiel des séries limitées. C'est le cas d'Ariel, qui
édite 550 coffrets, dessinés par Stanislassia Klein pour Stella Cadente, au
prix modique de 130 euros. Ce qui a fait son effet auprès de la branchitude
parisienne. Objectif de la manœuvre : séduire un public plus jeune, plus
fashion voire plus masculin, très sensible à l'effet “buzz”. Dans le même
temps, apparaissent des lessives spéciales textiles modernes ou spéciales
vêtements noirs, confirmant la détermination du marketing à positionner
l'hygiène au plus près de la mode. Le Chat Modern Textile, Mir Fresh Magic, Mir
Black Magic, Ariel Style et Skip Coral Black Velvet : toutes unies pour sauver
les textiles, en apparence victimes de maltraitances lessivières. Rien n'est
laissé au hasard : les packagings s'exhibent en rose shocking ou black and
white et le hors-médias a ses entrées en backstage. Coral Black Velvet a
d'ailleurs sponsorisé le “Coral Fashion Awards”, concours dédié à de jeunes
stylistes, et soutenu l'exposition Ultra noir au Printemps Haussmann. Au rayon
liquide, ce sont séries limitées et parures de circonstance : champagne,
whisky, eau minérale et thé s'habillent respectivement chez JP Gaultier,
Christian Biecher, Félissimo et Tsé-Tsé. Le café, lui, s'adonne à la séduction.
Depuis que Carte Noire a donné le ton, Lavazza fait porter à ses mannequins
tasses et cuillères à café en parlant “d'espresso”. Attention, l'éphémère est à
nos trousses.
Fashion Ego
l La créatrice Anya Hindmarch a du flair. Sa collection “be a bag” a la pertinence d'illustrer le phénomène de consommation miroir qui sommeille en chacun de nous. Le propos ? Porter son image en bandoulière, ou plutôt se faire faire un sac à son effigie à l'aide d'une simple photo. Claudia Schiffer, Kate Winslet ou encore Elton John s'y sont déjà collés. Rigolo, le phénomène n'en est pas moins le signe d'un individu de plus en plus centré - non sur soi - mais sur l'image de soi. C'est-à-dire son soi subjectif, celui qui vit du regard des autres. Mais le plus préoccupant est certainement à venir. Le chariot de nos courses répondrait-il de notre identité ? A voir l'attrait des tabloïds pour le contenu du frigo et le tri des ordures, on peut se le demander.