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Enfants: l'industrie agroalimentaire joue et gagne

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Public difficile et courtisé, les enfants doivent être captés, surpris, amusés. Aux marques alimentaires de se montrer créatives pour retenir leur attention... Toutefois, elles doivent faire preuve de vigilance afin de ne pas renier leur identité.

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Sonia Depoilly-Perfetti Van Melle (Chupa Chups) :

«Le parrainage TV n'est pas l'outil le plus impactant dont nous disposons, mais il s'intègre parfaitement dans un dispositif 360°.»

enens / Razvodovsij / Fotolia / Photo montage: B. Loubière

enens / Razvodovsij / Fotolia / Photo montage: B. Loubière

Tantôt stigmatisées, tantôt soumises à l'évolution de la réglementation de la publicité, les marques alimentaires pour enfants sont prises en étau. Bien qu'elles ne cessent de mettre en avant, dans leurs spots télévisés, la dimension plaisir ou encore de démontrer le faible apport en gras et en sucres de leurs produits, elles doivent affronter les associations de consommateurs qui jugent la publicité à destination des plus jeunes trop incitative. Par ailleurs, les marques alimentaires ne décolèrent pas au sujet de l'amendement 552 de la loi sur l'hôpital - rejeté à une voix près - qui prévoyait, début mars, de supprimer la diffusion d'écrans alléchants pendant les programmes jeunesse. La France, qui compte 3,5% d'enfants obèses et 14,3% en surpoids, a donc failli suivre l'exemple suédois et mettre au régime sec la publicité. Si la menace semble, pour l'heure, écartée, les marques savent pertinemment que l'Union européenne s'intéresse à la question et que l'avenir est incertain en la matière. C'est pourquoi elles s'organisent. Même si certaines ont, depuis quelques années, compris la nécessité de réguler elles- mêmes leur comportement. «Désormais, on attribue la quasi-totalité de notre budget à des actions sans télévision», indique Sonia Depoilly-Perfetti Van Melle, Senior Brand Manager chez Chupa Chups. Mais pas question pour la marque de sucettes de céder au fatalisme. «C'est aussi une façon de se distinguer, de ressortir du «brouhaha» publicitaire, de faire du bruit de façon plus originale ou, en tout cas, plus créative», poursuit- elle. Le média télé n'est d'ailleurs pas adapté à toutes les marques ni à toutes les cibles. Un argument de plus en faveur du développement de nouvelles approches.

Cette année, Coca-Cola fête ses 80 ans d'implication dans le sport. Parmi ses opérations, «Le Sport ça me dit» promeut l'activité physique tout en créant du lien social entre les jeunes.

Cette année, Coca-Cola fête ses 80 ans d'implication dans le sport. Parmi ses opérations, «Le Sport ça me dit» promeut l'activité physique tout en créant du lien social entre les jeunes.

Profiter des contraintes

En outre, le message «Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière», délivré dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), a largement été exploité par les marques. Au départ, il accompagnait leurs publicités et outils d'information. Aujourd'hui, il leur permet aussi d'accroître leur visibilité et leur notoriété.

Soucieuses de faire bouger les jeunes et de leur donner goût à la pratique du sport, McDonald's (McDo Kids Iron Tour), Nesquik (La P'tite boucle), Oasis (Le raid Oasis) ou Coca-Cola (Coca-Cola Sports Sessions, Le sport ça me dit) se sont engouffrées dans la brèche. Chacune a développé un événement ou sponsorise le déroulement d'épreuves sportives. Même si la plupart nient vouloir faire la promotion de leurs produits à l'occasion de ces activités, elles n'en apposent pas moins leurs logos sur les aménagements, les structures gonflables, les tenues des participants...

En effet, aucune entreprise n'est philanthropique. D'ailleurs, dans le cadre de «La P'tite boucle», Nesquik se fixe comme but de faire découvrir sa poudre chocolatée tout en inscrivant le vélo comme thème central de son approche. A travers un kit pédagogique dédié à la petite reine, les élèves de CM1 - CM2 ont redécouvert leur programme scolaire et ont été encouragés à effectuer des exercices de mathématiques, de français, d'histoire... Les classes ont ensuite été invitées à se rendre sur un «cycloparc» - un village itinérant comprenant un parcours d'obstacles - dédié à l'univers du vélo pour décrocher leur sélection à courir le dernier kilomètre de chaque étape du Tour de France. Le 26 juillet dernier, les vainqueurs régionaux se sont ainsi affrontés sur les Champs-Elysées. Pas de doute, inciter les enfants à rester actifs constitue l'autre priorité de Nesquik. Pour la marque, concilier visibilité et pratique d'une activité n'apparaît pas comme antinomique. «A condition de toujours veiller à ne pas s'écarter de nos valeurs», précise Florence Audoyer, responsable marketing boissons chocolatées chez Nestlé France. Clairement, «La P'tite boucle» permet de créer de la connivence avec les enfants, tout en véhiculant des messages d'enthousiasme, de goût du challenge... De son côté, McDonald's estime développer le goût de l'effort grâce au McDo Kids Iron Tour, une épreuve de triathlon organisée dans plusieurs villes. Quant à Coca-Cola, la firme n'est pas en reste et propose, avec «Le sport, ça me dit», «une façon amusante de lutter contre la sédentarité et de véhiculer les valeurs de I respect, de solidarité et d'engagement».

Pour les marques, créer des événements en phase avec les attentes des petits s'avère très porteur. 87% des 7-11 ans pratiquent un sport (Observatoire des cours de récréation de Juniorcity, chiffre 2008), pas étonnant donc que les initiatives impliquant une activité physique captent leur attention. Et le produit dans ce schéma? Pour Nesquik, un stand dégustation est indispensable pour veiller à la découverte du chocolat à consommer chaud ou froid. Une démarche qui va dans le sens de l'étude Kids attitude menée par Ipsos en 2005, selon laquelle les enfants ne croient que ce qu'ils expérimentent. De plus, ils conservent une véritable influence pour tout ce qui concerne l'alimentation. Le taux de prescription approche ainsi la barre des 70% pour les biscuits et la dépasse même pour les céréales (Institut de l'enfant).

Avec son site Tranquille lavie.com, Chupa Chups reprend les codes et le vocabulaire des plus jeunes.

Avec son site Tranquille lavie.com, Chupa Chups reprend les codes et le vocabulaire des plus jeunes.

Parler le même langage

Plaire aux enfants, le pari est ambitieux. Face à leur pouvoir décisionnel, les marques s'adaptent et s'approprient notamment les codes de cette cible. Parler leur langage, partager leur culture devient un passage obligé. Ainsi, Chupa Chups, avec son site Tranquillelavie.com, invite les internautes à déposer une «looze», autrement dit une situation gênante, absurde ou bizarre. Avec un vocabulaire étudié, le fabricant veut se rapprocher de l'univers des pré-ados. En parallèle, la marque parraine l'émission «In ze boite», diffusée sur la chaîne Gulli, depuis le 18 mai. La raison de cette association? Le jeu familial véhicule des valeurs auxquelles Chupa Chups souhaite s'associer comme le plaisir de jouer, le fun, la complicité... Au niveau du dispositif, des billboards d'entrée et de sortie sont au programme. En outre, un jeu-concours proposant de gagner des sucettes en fin d'émission présente les nouveautés produits. «Le parrainage TV n'est pas l'outil le plus impactant dont nous disposons, mais il s'intègre parfaitement dans un dispositif 360°», estime Sonia Depoilly-Perfetti Van Melle. Pourtant, comme le note l'étude de l'institut Séquence Marketing (menée pour France Télévisions Publicité), ce dispositif permet à la marque de se manifester de façon ludique: «Une nouvelle relation annonceur-consommateur s'instaure autour d'un choix de programmes, d'un parti pris commun dominé par la proximité, la complicité et le partage de valeurs. Ainsi, la marque devient non seulement libre et audacieuse par les choix qu'elle fait, mais aussi mature et sympathique auprès des téléspectateurs.»

Jouer avec les digital natives

Pratiquer un marketing innovant semble incontestablement la clé du succès. En outre, si la télévision, en tant que média de masse, dispose d'une force de frappe considérable, l'avènement d'Internet mérite que les marques réfléchissent à l'élaboration d'une plateforme incluant un dispositif web. Pour l'heure, si les sites ne disposent pas d'une réelle autonomie et s'inscrivent souvent soit dans la continuité d'une publicité télévisée, soit comme relais d'une opération «on pack», ils n'en demeurent pas moins impactants.

«Nous sommes face à des digital natives à qui nous devons proposer une expérience inédite», atteste Cyril Bergère, directeur conseil chez Duke. Un enseignement qu'il a souhaité appliquer chez McDonald's. Dans un univers «fun» et magique, l'agence a mis en scène, on line, la joyeuse boîte Happy Meal, découverte d'abord sur le petit écran (campagne TBWA\). Le personnage vient revitaliser l'image du repas enfant. Le site, en ligne depuis juillet, enrichit l'univers de la marque et propose de visualiser les quatre spots et le clip TV, de partir à la découverte de la nouvelle «licence» et de tester la «réalité augmentée» (mélange, en temps réel, d'images vidéo retransmises à partir d'une caméra et d'objets de synthèse en 3D, comme la définit Total Immersion). Cette technologie permet aux 3-9 ans de découvrir la boîte en relief. A l'aide d'une webcam, ils peuvent zoomer sur la licence, la retourner... «Nous voulions créer une animation propre au Web. Cette technologie offre une forte interaction entre l'enfant et la marque. Les plus jeunes ne veulent plus rester passifs devant l'écran», explique Cyril Bergère. En plus du petit cadeau compris dans sa boîte, McDonald's ajoute une prime digitale à la recette de son Happy Meal. Le ton se veut léger et adapté à la cible qui saura apprécier la signature du dispositif: «Place à la bonne humeur». A noter, la participation des parents n'est pas exclue, notamment pour aider leur progéniture à jouer en ligne. Généralement, ces moments complices en famille assurent aux marques de fédérer les générations et de leur faire partager les valeurs auxquelles elles croient. En outre, cette démarche garantit l'aval de toute la famille lors de l'acte d'achat. Candy'up, la boisson chocolatée, a aussi fait le pari, l'an dernier, de réunir la cellule familiale. Via l'opération «Anim'up», la marque proposait aux enfants de singer la campagne TV et de réaliser des animaux avec ses briques cartonnées. Les réalisations étaient ensuite postées sur le site. «Nous souhaitions rester dans un schéma ludique cohérent avec notre signature, «Récréation immédiate». De plus, nous invitions les 4-12 ans à s'approprier les briques», précise Olivier Sachon, chef de produit Senior chez Candia. Pour créer du buzz, la marque a organisé un jeu-concours autour des maquettes et invité les modélistes en herbe à faire voter leurs amis pour leur réalisation. A la clé, des lots alléchants, comme une console Wii, renforçaient l'impact du dispositif 2.0. «La communication sur le Web est bien moins onéreuse qu'en télévision», rappelle Olivier Sachon. En outre, l'agence Paradox, qui a orchestré ce dispositif, insiste sur la facilité de mesure, en temps réel, de la performance de l'action. Pourtant, Zohir Aissi, directeur associé, met en garde les annonceurs tentés par «l'effet de mode web»: «Internet est un excellent moyen de valoriser une marque, à condition d'adopter le bon ton créatif et la bonne mécanique.» Autre «atout» à ajouter au crédit du Net, sa réglementation quasi inexistante...

Avec la technologie de réalité augmentée, Happy Meal propose aux enfants équipés d'une webcam de vivre une expérience digitale.

Avec la technologie de réalité augmentée, Happy Meal propose aux enfants équipés d'une webcam de vivre une expérience digitale.

Depuis 2006, les «Looney Tunes Active» sont les porte-parole de la vitalité auprès des enfants. Depuis juin, ils apportent leur bonne humeur à 140 produits U enfants.

Depuis 2006, les «Looney Tunes Active» sont les porte-parole de la vitalité auprès des enfants. Depuis juin, ils apportent leur bonne humeur à 140 produits U enfants.

Retour aux basiques

Pour «Anim'up», Candia a modifié le packaging de ses boissons afin de mettre en avant l'opération. Un «détail» important, puisque «45% des enfants déclarent regarder les emballages dans les rayons et 90% lisent l'emballage des produits qu'ils consomment», précise Anne Doumenc, directrice générale de Juniorcity. Ils aiment d'ailleurs particulièrement y retrouver des jeux! Et pour se créer un capital sympathie, rien de tel qu'une mascotte. Oasis, M&M's et Malabar ont bien saisi cette attente, puisque leurs mascottes sont les préférées des juniors (Observatoire des cours de récréation de Juniorcity).

Autre stratégie, l'animation en point de vente. Certes, la démarche est peu innovante, mais reste payante pour peu que la marque emploie les bons arguments. Kellogg's Corn Flakes et Grand Lait de Candia l'ont compris et servi des petits déjeuners dans 150 magasins cet été. D'autres préfèrent créer l'événement sur les lieux de vacances, de passage... à l'instar de la vache Milka, qui gravit les sommets enneigés durant l hiver. De même, Chupa Chups a choisi de distribuer ses sucettes aux abords de péages pendant l'été. Et la marque a aussi investi les plages.

Nutella a choisi de le communiquer qu'auprès des parents, comme en témoigne sa campagne menée avec le Secours Populaire.

Nutella a choisi de le communiquer qu'auprès des parents, comme en témoigne sa campagne menée avec le Secours Populaire.

Autant d'initiatives qui confirment que les programmes de communication jouent désormais la carte de la créativité. Avec, comme seule contrainte, de veiller à ne pas renier l'ADN de chaque marque. Les enfants restent en alerte. Pas question, donc, de les duper ni de leur proposer des mécaniques peu adaptées. Cette cible a beau être jeune, elle n'en est pas moins exigeante.

Créer des animaux avec des briques de lait: ce défi lancé par Candy'up laisse libre cours à l'imagination de toute la famille.

Créer des animaux avec des briques de lait: ce défi lancé par Candy'up laisse libre cours à l'imagination de toute la famille.

Les parents en ligne de mire

Après avoir servi un discours santé aux parents, les marques alimentaires se tournent vers eux en insistant sur leur éthique. Des opérations au profit d'associations sont mises en valeur. Caritatif, plaisir, comportement responsable se trouvent mêlés. Nutella - qui ne communique pas en télévision dès lors que plus d'un spectateur sur quatre est un enfant de moins de 12 ans - s'est ainsi associée au syndicat parisien des boulangeries pour offrir des tartines à la sortie des commerces. «Nous souhaitions proposer notre pâte à tartiner dans le cadre de moments de consommation normés. Nous essayons de redonner les clés d'une consommation raisonnable et maîtrisée du produit», note Christophe Bordin, responsable des relations extérieures de Ferrero. Plus de 80 % des fonds récoltés ont été reversés au Secours populaire. L'association profite aussi des retombées du raid Oasis. En effet, des ados ne pouvant partir en vacances ont accompagné ceux sélectionnés pour l'aventure. Oasis leur a fait découvrir la nature à travers une aventure écologique. «Nous souhaitons faire partager aux plus jeunes notre engagement en faveur du développement durable», intervient Hugues Pietrini, directeur marketing chez Orangina Schweppes. Dans les deux cas, si les plus jeunes se trouvent attirés par les propositions de marque, qu'elles soient gustatives ou actives, les mamans de leur côté voient la bonne action. Accéder au rang d'entreprises investies dans le débat sociétal apparaît alors comme une opportunité qui peut faire recette.

 
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Géraldine BERNARD

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