DE NOUVEAUX OUTILS EN ADEQUATION AVEC LE MARCHE
Les médias évoluent, la mesure d'audience aussi. A son rythme et en prenant en compte les attentes de plus en plus complexes des différents intéressés. Pour ces derniers, elle constitue une très précieuse monnaie d'échange.
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La mesure d'audience est une composante indispensable de la vie des médias, dont dépendent des milliards d'euros d'investissements publicitaires annuels. C'est un élément stratégique majeur pour tous les acteurs du marché: médias, annonceurs, agences. S'il y a cinquante ans, tout le monde regardait le même programme de télévision, écoutait la même émission de radio, nous sommes, depuis, entrés dans l'ère de l'hyperchoix. Le numérique a notamment donné naissance à de nouveaux supports et à de nouvelles manières de consommer les médias qui placent l'individu au coeur d'une offre qui n'en finit pas de s'enrichir. Les audiences fragmentées, dispersées et élargies nécessitent donc des outils mieux adaptés. « La mesure d'audience est donc condamnée à un renouvellement permanent pour prendre en compte l'évolution des comportements », affirme Didier Beauclair, directeur des médias et relations agences de l'Union des annonceurs (UDA).
Le 20 décembre dernier, toutes les familles de presse ont décidé à l'unanimité de renouveler la mesure d'audience de leur média en lançant l'étude unique de référence One. Celle-ci réunit désormais la mesure de toutes les lectures de toutes les formes de presse grand public en France, qu'elle soit magazine, nationale, régionale, locale, payante ou gratuite. Soit plus de 500 logos de marques. « Avec cette étude, nous embrassons l'ensemble de la réalité de la presse », se félicite Xavier Dordor, directeur général d'AudiPresse. La première révolution concerne la taille de l'échantillon: il devient le plus important d'Europe avec 35 000 personnes sondées par an à l'échelle nationale et 15 000 au niveau départemental. « Cela renforce nettement la fiabilité statistique de l'étude », observe Xavier Dordor. L'échantillon comporte un minimum de 500 interviews par département, 5 000 en Ile-de-France, et environ 30 000 dans le reste de la France. Un minimum de 11 000 entretiens est effectué auprès d'individus appartenant à des foyers dont la personne de référence est un CSP+. Côté méthodologie, le recrutement se fait principalement par téléphone. Les sondages sont réalisés par Internet dans 80 % des cas. La partie terrain a été confiée à Ipsos et TNS Sofres. Sans se substituer à la mesure d'audience Internet, l'étude One permet également de mesurer les lectures numériques de la presse: habitudes de fréquentations des sites d'information, consultation des sites mobiles, utilisations des applications sur les tablettes de type iPad. « Un tiers des titres a demandé l'étude des lectures numériques », remarque Xavier Dordor. Ce projet ambitieux a un prix puisque One représente un budget de 4,5 millions d'euros par an.
Xavier Dordor (Audipresse):
« Avec l'étude One, nous embrassons toute la réalité de la presse. »
L'avis de Didier Beauclair, directeur des médias et relations agences de l'UDA
« On peut toujours faire mieux »
« Beaucoup de mesures sont en train de progresser dans un sens qui correspond aux demandes très persistantes des annonceurs et des agences. Avec la prise en compte du différé dans la mesure d'audience télé, nous avons franchi une belle étape. La mesure de l'Internet mobile va se construire progressivement tout comme sa consommation. L'étude One d'AudiPresse nous permet d'aller encore plus loin dans l'exploitation des résultats grâce à un échantillon plus important. La méthodologie est adaptée, mais il est vrai qu'on peut toujours faire mieux en allongeant l'échantillon ou en augmentant la périodicité des résultats. On pourrait aussi réfléchir, dans les années à venir, à créer un lien plus étroit entre les deux études One et Premium. Concernant Affimétrie, nous disposons maintenant de l'audience des bus et des métros d'Ile-de-France, ce qui est une bonne chose. Mais il manque encore celle des transports de province. A l'initiative d'Adrexo et de Mediapost, nous avons créé un GIF dont la mission consiste à mettre en oeuvre une mesure du média courrier. Nous sommes actuellement en phase d'appel d'offres. A priori, si tout le monde se met d'accord sur la méthodologie, nous devrions avoir des éléments utilisables en ion.»
Prendre en compte la pratique du visionnage des programmes en différé
Le nombre croissant de périphériques enregistreurs et, depuis janvier 2011, l'enregistrement privé sur le téléviseur, le time-shifting (contrôle du direct) et la prolifération des émissions proposées en replay favorisent la pratique du différé. Il devenait donc essentiel d'intégrer au Médiamat les audiences générées par ces nouveaux comportements afin de favoriser la monétisation des programmes de télévision. Cela est devenu possible grâce au watermarking, car le lendemain de la diffusion du programme, Médiamétrie communique au marché l'audience du jour J (ou veille) qui intègre le direct et le différé du jour de diffusion du programme. Huit jours après la diffusion du programme, l'institut fournit l'audience consolidée qui devient la référence finale. Celle-ci inclut l'audience en direct du programme ainsi que celle différée durant les sept jours suivant sa diffusion. A terme, le périmètre pourrait s'élargir en prenant en compte les émissions de télévision regardées sur écran d'ordinateur ou celles regardées en «rattrapage» via le Web ou sur le téléviseur, dès lors que ces émissions seront systématiquement watermarquées. « En attendant, nous avons développé des outils comme Global TV qui permettent d'étudier ces nouveaux comportements », indique Benoît Cassaigne, directeur exécutif des mesures d'audience de Médiamétrie. Le parc de smartphones ne cesse de progresser. La France compte actuellement 15,5 millions de mobinautes, soit 3,2 millions de plus qu'il y a un an. « C'est extrêmement prometteur », fait remarquer Laurent Battais, directeur exécutif de Médiamétrie. Tellement encourageant que l'institut a travaillé avec l'ensemble des acteurs de l'Internet mobile pour créer une mesure spécifique. « Elle couvre à la fois le surf sur mobile et sur applications mobiles. Ces audiences sont progressivement prises en compte. On en dénombre plus de 700 sur le premier trimestre 2011, explique Laurent Battais. C'est un vrai travail de fourmi. » Cette vision exhaustive de la navigation internet sur mobile est obtenue grâce à une collecte anonyme des connexions auprès des trois opérateurs. Elle est enrichie par des informations détaillées sur le profil des mobinautes. Un panel de 10 000 personnes recrutées sur téléphone mobile par un tirage aléatoire permet de qualifier l'audience. « C'est une méthode totalement novatrice », souligne Laurent Battais. Elle est aussi perfectible. wi-fi, temps de consultation des sites et applications, audiences mensuelles... Médiamétrie mène actuellement différents chantiers pour affiner cette mesure de l'Internet mobile. Les données devraient également être intégrées à l'outil Cross Médias en juin 2011. Pour l'instant les tablettes sont exclues de cette mesure. Ces nouveaux équipements ne sont pas pour autant négligés par Médiamétrie. « Leur usage sera au coeur de la prochaine étude Screen 360 », assure Laurent Battais. De son côté, OpinionWay (en partenariat avec l'agence de marketing mobile Bemobee) a lancé une solution d'enquête baptisée «SmartUser». Celle-ci permet de tester des applications mobiles auprès des utilisateurs directement via leurs smartphones. Plusieurs indicateurs-clés comme la fréquence d'utilisation, la satisfaction, la fidélité, la recommandation ou le profil des utilisateurs sont évalués. « Le mobile bouleverse les usages de communication mais également de consommation, analyse Paul-Louis Belletante, cofondateur de l'agence mobile Bemobee. Grâce à «SmartUser» développée avec OpinionWay, il est dorénavant possible de mesurer très précisément l'impact de ces dispositifs mobiles auprès de ses clients et, ainsi, de maîtriser le ROI de sa stratégie mobile. »
Benoît Cassaigne (Médiamétrie)
« Faire évoluer nos outils tout en préservant les repères du marché »
Interview. Benoît Cassaigne, directeur exécutif des mesures d'audience de Médiamétrie, fait le point sur les différentes évolutions engendrées par le numérique.
La digitalisation des médias s'accompagne d'une évolution constante des technologies et des usages. Médiamétrie est-elle aujourd'hui capable de fournir toutes les mesures qui permettent de restituer ce phénomène?
Le digital est devenu le fondement de notre stratégie. Cette nouvelle donne nous incite à nous adapter. Avec le numérique, nous allons davantage en amont et en aval de la mesure de référence à travers les études sur les nouveaux usages (Global TV, Global Radio) et les services spécifiques (vidéo streaming). Nous anticipons les évolutions technologiques, sans céder à la précipitation. Quand les usages sont importants et que le marché le décide, nous les intégrons dans nos études. L'un des challenges consiste à faire évoluer les outils tout en préservant les repères du marché.
Adapter les outils de mesure à la digitalisation des médias coûte-t-il cher?
Cela demande effectivement un investissement important. Nous avons dépensé près de 20 millions d'euros en trois ans. Dernièrement, nous avons notamment développé le watermarking qui nous a conduits à changer tous les audimètres de nos panélistes.
Auparavant, le contenu était dépendant du média où il apparaissait. C'est beaucoup moins le cas aujourd'hui. La mesure d'audience traditionnelle organisée par média est-elle, selon vous, vouée à disparaître?
La mesure du média reste majoritaire même si nous créons de plus en plus d'outils transversaux. C'est le cas de la mesure site-centric eStat streaming qui est à la fois adaptée à la télévision et à la radio. Nous fusionnons aussi les résultats de six médias dans notre outil Cross Médias avec Audipresse et Affimétrie.
Pourquoi continuer à utiliser la méthode des panels, alors qu'avec internet on peut aujourd'hui disposer d'une information exhaustive par voie de retour?
En théorie, lorsque toutes les technologies de diffusion numérique permettront de récupérer des données dites «voies de retour» - ce qui est loin d'être le cas -, nous pourrions passer d'un panel représentatif de plusieurs milliers de foyers à une mesure exhaustive de la consommation. Tous ces logs que l'on récupère nécessiteront néanmoins une capacité de traitement très importante. Ils devront être agrégés selon les mêmes standards. La voie de retour a une autre limite: elle identifie la « machine» mais pas la personne qui est derrière. Elle ne fournit aucune donnée de ciblage. C'est pourquoi nous avons développé une méthode dite «mesure hybride», qui marie les données exhaustives collectées par voie de retour avec les informations recueillies par panel. Méthodologie que nous avons d'ailleurs appliquée pour notre récente étude sur l'Internet mobile.
Quels sont les projets en réflexion?
La multiplicité des modes d'écoute et le défi du temps réel apportés par le numérique nous amènent à travailler avec le marché à l'évolution de notre mesure de l'audience radio. Il s'agirait d'aller vers une mesure automatique grâce à un système d'audimétrie que l'individu portera sur lui. Cela permettrait de proposer de nouveaux services avec, par exemple, une plus grande fréquence de résultats.
Vers une mesure hybride du Web
« 2011 doit être l'année de la mesure hybride », annonce Jean-Paul Dietsch, directeur des nouveaux médias de l'OJD. Il s'agit de rapprocher les mesures de l'Internet site-centric (recueillies directement sur le site) et user-centric (celle des individus à partir d'un panel d'internautes) . Objectif: obtenir une vision exhaustive et complète de l'audience des sites. Cette alliance apparaît comme l'un des éléments-clés de l'avenir de mesure du Web. Deux instituts, Médiamétrie et Comscore, planchent actuellement sur le processus d'hybridation dans des directions différentes. Ils sont venus présenter leurs projets respectifs devant la commission numérique de l'OJD qui fournit la mesure site-centric. Chacun a également publié un Livre blanc sur le sujet. « Nous sommes en discussion suivie avec les deux instituts. Au départ, Comscore était extrêmement dynamique et actif sur le dossier. La tendance s'est depuis inversée. On a senti une baisse de régime du côté de Comscore et un regain d'intérêt de la part de Médiamétrie, sans doute sous la pression du marché. D'autres instituts nous ont posé des questions et pourraient également se lancer dans l'aventure », confie Jean-Paul Dietsch. Médiamétrie a, en tout cas, effectué des premiers tests concluants de rapprochement de données. La méthode définitive utilisée pour le redressement hybride devrait être validée au cours du premier semestre 2011. Par ailleurs, depuis janvier 2011, la mesure site-centric intègre l'audience quotidienne. Un nouvel indicateur figure en effet dans les classements des marques: le nombre de visiteurs uniques par jour. Il permet aussi d'évaluer la capacité du média à toucher quotidiennement un large public. Il vient, enfin, enrichir le nombre de visiteurs uniques mensuels, qui reste la référence en matière d'audience internet.
Si les études de référence consacrées aux différents médias évoluent positivement chacune de leur côté, de nouveaux besoins se font sentir à l'heure du multicanal. Affimétrie, AudiPresse et Médiamétrie se sont donc associées pour répondre aux nouvelles attentes des professionnels en créant l'étude Cross Médias. L'objectif: valoriser l'audience plurimédia d'un contenu et comprendre le comportement du public face au foisonnement de l'offre. Depuis février 2011, le dispositif est enrichi des comportements de consommation des Français, issus de l'étude SIMM-TGI de Kantar Media. Une complémentarité qui sonne comme une évidence. « La stratégie média et la stratégie marketing se retrouvent enfin réunies dans un même outil afin de donner plus de visibilité et de résonance à la cible de consommation », affirme Christine Bitsch, directeur France TGI & Custom de Kantar Media.
Une mesure globale du marché média en France
Toute stratégie de communication et de construction d'un plan média se fonde aujourd'hui sur trois dimensions complémentaires: les médias payants, privés et publics. Pour connaître l'impact de chacune d'entre elles, Havas Média a lancé en février 2011 le baromètre MPG (Média performance globale) POE (pour médias payants, privés et publics). Il s'agit de la toute première mesure en France de Média performance globale. Cette étude inédite réalisée fin 2010 en collaboration avec l'institut CSA a été menée auprès de 3 876 individus de 15 à 59 ans sur 125 marques et 11 secteurs d'activité. Elle analyse la perception de l'exposition aux marques par les consommateurs et étudie à quelle fréquence les individus ont le sentiment d'être en contact avec les marques dans leur vie quotidienne. Surtout, elle examine les principaux points de contact perçus par les consommateurs qu'ils soient payants, générés par la marque, ou bien par les consommateurs. L'étude sera réactualisée tous les six mois. Que faut-il retenir de cette première édition du baromètre? Tout d'abord, les cinq premières marques sont des acteurs 100 % média: Google, Facebook, TF1, Orange et M6. Il apparaît que les médias payants (paid) restent les plus efficaces (60 % de l'impact total), devançant les médias privés, owned (avec 30 %). Les médias publics atteignent 10 %. « En 2010, en moyenne un contact sur dix émis sur une marque vient du public. L'interactivité des stratégies média n'est plus uneoption mais une obligation», remarque Yves Del Frate, dga d'Havas Media France.
Une qualification encore plus fine des consommateurs
Deux niveaux de services sont proposés selon les besoins des utilisateurs: l'accès à l'interface Cross Médias, à laquelle s'ajoutent 150 marchés de SIMM-TGI, et la base Médiaplanning Cross Médias, avec accès à l'ensemble des pratiques de consommation étudiées dans SIMM-TGI (marchés de consommation, usages, marques, lieux d'achat). Pour Xavier Dordor, directeur d'AudiPresse, « la notion de marques médias trouve avec ce rapprochement un outil de plus pour la démonstration de sa pertinence ». Malgré tout, Cross Médias n'est pas encore une solution aboutie. « L'outil progresse quasiment à chaque nouvelle version, mais il reste très dépendant de l'investissement que souhaite réaliser Médiametrie, souligne Didier Beauclair. Nous sommes aujourd'hui au milieu du gué. La prochaine mouture de Cross Médias intégrera un hub dédié. Il sera, d'abord, accolé au panel radio, car il n'est pas de taille suffisante pour exister tout seul. Nous allons devoir trouver de nouveaux souscripteurs pour financer ce hub dédié et, ainsi, améliorer la pertinence de l'outil. » Xavier Dordor remarque également que « le concept d'audience n'est plus suffisant. Il faut à présent mesurer et hiérarchiser les itinéraires médias et plus seulement l'offre. La valeur d'attention me semble aujourd'hui aussi importante que l'audience ». Autant d'évolutions qui prouvent combien, aujourd'hui, la mesure d'audience se situe à un tournant.