Animation, pas cher payée
Aujourd'hui, il n'est plus grand monde pour mettre en cause l'efficacité de
l'animation point de vente et le rôle joué par les animatrices. L'animation ?
C'est le média le plus réactif, le seul qui mette véritablement la marque face
à son client, sans intermédiaire d'aucune sorte. A ce titre, c'est le meilleur
outil de recrutement. « Deux jours d'animation, c'est deux à trois semaines de
vente, affirme Olivier Maurel, directeur général de Circular. Et c'est surtout
20 % à 50 % de nouveaux consommateurs pour le produit animé. » L'animatrice ?
C'est un "outil" qui a beaucoup évolué avec le temps. Née à travers une vision
assez basique de l'animation, elle a aujourd'hui pour mission de "vendre" les
avantages d'un produit. « On se trompe lorsqu'on croit que le rôle de
l'animatrice n'est que de distribuer des coupons, poursuit Olivier Maurel. Sa
raison d'être, c'est de développer une argumentation par rapport aux questions
spécifiques des consommateurs. Le bon de réduction, c'est la cerise sur le
gâteau, mais la bonne animatrice n'en a pas besoin. » Cette amélioration des
performances, c'est aux entreprises spécialisées dans le field marketing qu'on
la doit. A tous les niveaux, elles ont consenti d'importants efforts. Notamment
dans le secteur des ressources humaines, en matière de recrutement, de
formation et d'organisation, à l'image des réalisations de Circular (encadré
page 59), qui a doublé son chiffre d'affaires animation en trois ans, ou de
Pénélope. Née en 1971 avec l'organisation d'événements, cette dernière réalise
aujourd'hui 180 millions de francs de chiffre d'affaires, dont 70 % dans
l'animation. Elle a mis en place une solide structure axée sur les produits et
est en train de finaliser une nouvelle organisation dans la gestion de son
personnel d'animation. Ressources humaines, mais aussi logistique (stockage des
éléments de l'animation dans un entrepôt central, "éclatement" vers les
animatrices, parfois via des dépôts régionaux ; chaque mois, les grosses
sociétés d'animation manient plusieurs dizaines de tonnes de matériel),
systèmes d'information (bases de données, reporting) les prestataires en field
marketing ont atteint l'âge adulte. Ils sont aujourd'hui capables de mettre
plusieurs milliers de personnes sur le terrain. Chez Promodip, pour les fêtes
de fin d'année, on annonçait 2 200 personnes avant Noël, 1 700 pendant le
week-end de Noël... et 500 après les fêtes. Preuve, si besoin est, que
l'animation est étroitement liée aux événements commerciaux. Et chez Pénélope,
pour le mois de décembre, ce sont 4 000 bulletins de paie qui ont été édités,
soit environ 3 000 personnes sur le terrain. En 2000, l'entreprise a contrôlé
physiquement 23 % de ses animations. A noter que parallèlement, chaque
animation est systématiquement contrôlée par téléphone. Et il n'y a pas que les
"gros" qui peuvent prétendre à une vraie qualité de service. Avec ses quelque
300 personnes sur le terrain chaque mois, l'entreprise PW Communication ne
revendique pour l'instant aucune "place au soleil". Ce qui ne l'empêche pas de
travailler pour des marques telles que Coca-Cola, France Telecom ou Infonie. «
Plus petits, certes, mais nous faisons aussi bien en termes de qualité, estime
Stephan Morgana. Et encore mieux au niveau de la souplesse et de la réactivité.
» L'entreprise, plutôt spécialisée dans les animations de produits
technologiques, apporte le plus grand soin à la connaissance des produits
animés. Si les résultats d'une animation sont inférieurs à ceux attendus, PW
Communication offre une animation identique à l'annonceur. « Objectif : 100 %
de qualité, insiste Stephan Morgana. Seul le résultat compte. » Même si, de
temps à autre, il faut s'y prendre à deux fois pour l'atteindre.
Des prestations qui coûtent cher
Ainsi, au cours des
dernières années, le niveau de performance des opérateurs a beaucoup progressé.
Mais tout cela a un coût. Prenons l'exemple de l'information. Certaines
sociétés d'animation sont capables de préconiser à leur client les points de
vente à plus gros potentiel, de calculer le retour sur investissement, et
surtout, c'est le plus important, de leur offrir un reporting extrêmement
précis. « Les informations sont à la fois quantitatives, avec les quantités
vendues, les stocks, les prix de vente, le nombre de primes... et qualitatives
: ressenti des clients par rapport au produit en animation, ressenti du chef de
rayon..., explique Valérie de la Vigerie, directrice du développement de
Promodip. Il y a là un travail d'analyse de plus en plus poussé qui a une vraie
valeur marketing pour le client. C'est de la valeur ajoutée pure. » « Les
informations remontées dans le cadre du reporting sont d'une très grande
richesse, renchérit Olivier Maurel. Elles ont déjà conduit à la modification de
produits par l'industriel. » Mais tout cela coûte et il est clair que les
factures n'ont pas grimpé à la hauteur des investissements consentis. A cela
vient s'ajouter un autre problème, beaucoup plus conjoncturel : avec la reprise
économique, le métier de l'animation perd une partie de son attractivité. «
Nous arrivions à bien fidéliser les animateurs et animatrices. Aujourd'hui,
c'est plus difficile, reconnaît Olivier Maurel, parmi d'autres responsables.
Surtout pour les intermittents dont ce n'est pas le métier. » Ainsi,
l'animatrice typée food est peu concernée par le phénomène. Mais les animateurs
plus jeunes, au profil "high-tech" qui ne sont pas des professionnels de
l'animation et cherchent à entrer sur le marché du travail à temps plein, sont
plus versatiles. « C'est d'autant plus difficile à gérer que nous avons des
pics d'activité très forts à certaines périodes. Fin d'année, Fête des mères,
Saint Valentin... », ajoute Valérie de la Vigerie. Plus rare, plus versatile...
et surtout plus cher ! Si les 35 heures n'influent pas sur le tarif horaire des
animatrices, ils jouent sur les frais de structure des entreprises.
L'augmentation du gas oil se traduit par une augmentation des frais de
déplacement. Et puis, dans une moindre mesure, la raréfaction de l'offre pèse
sur le salaire horaire.
Annonceurs et distributeurs
Une journée d'animation est facturée en moyenne 1 000 francs. Ce qui inclut
naturellement la rémunération de l'animatrice (environ 400 francs), ses frais,
mais aussi des dépenses de recrutement, de formation, de "coaching", de
reporting... « Les clients attendent une grande qualité de service, estime
Christophe Thomas. Ce qui implique, de notre côté, une bonne sélection, un bon
traitement, un bon salaire, une bonne stimulation, une bonne gestion... Autant
de choses qui ont un prix. » Et plus la prestation est de qualité, plus elle
coûte cher. Un discours parfois difficile à entendre pour les annonceurs. «
Nombreux sont ceux qui perçoivent encore l'animatrice comme un outil de fin de
semaine, de préférence à moins de 1 000 F la journée, explique un intervenant.
Ce qu'ils acceptent de payer en interne, ils le refusent à un prestataire
extérieur. Aujourd'hui par exemple, certains n'acceptent pas de payer les
formations concernant leurs produits. Difficile, sur ces bases, de faire du bon
travail. » Quoi qu'assez anciennes, quelques études montrent que si les
annonceurs portent un regard très positif sur tous les secteurs touchant à
l'amont et à la logistique (organisation logistique, qualité des briefs,
reporting), les éléments relatifs à l'animatrice et au terrain proprement dit
sont moins bien notés, alors qu'il s'agit là de leur attente numéro un. Et rien
n'indique que les choses ont vraiment changé dans ce domaine. En outre, à leur
décharge, les chiffres bruts font de l'animation un média onéreux, avec un coût
contact de l'ordre de 15 francs contre 2 F à 3 F pour d'autres "modes de
distribution". Reste que raisonner de cette façon n'a pas de sens. Et établir
une telle comparaison signifie n'avoir rien compris à l'animation... «
L'industriel devrait regarder ce que lui rapporte l'animation plutôt que ce
qu'elle lui coûte, estime Stephan Morgana. Qu'est-ce que quelques milliers
francs au regard du chiffre d'affaires généré par une TG en grande surface ? »
Reste que, comme le résume Olivier Maurel : « Il est bien difficile de faire
comprendre aux annonceurs le caractère à la fois stratégique et performant de
l'animation. » A ces réserves concernant les industriels, il faut ajouter
celles relatives aux distributeurs, notamment dans le food. Parfois, le chef de
rayon ne manifeste aucune attention à l'animatrice, ne lui apportant pas
l'assistance minimum dont elle peut avoir besoin. D'autres fois, il lui en
manifeste trop... lui demandant de faire tout autre chose sitôt épuisé son
stock ! « Mais au delà des raisons qui font qu'on peut être mal reçu (le chef
de rayon a une mauvaise image de la marque en question, n'aime pas être
dérangé, etc.), il y a globalement un manque de considération manifeste,
explique une animatrice. On le voit chez les distributeurs, mais aussi dans le
regard de certains clients du magasin. Surtout à partir d'un certain âge. Comme
si faire ce métier après 40 ans vous catalogue à leurs yeux. Beaucoup de
collègues pensent comme moi sur ce point. Et ce n'est ni agréable, ni facile à
vivre. »
Le "high-tech" à la rescousse ?
Du fait des
industriels par manque de moyens, et des distributeurs (voire des clients) par
manque de considération, le métier d'animatrice perdrait de son attractivité. «
Il faut faire très attention à cela, estime Eric Grasland, directeur général de
SEP Sales & Promotion. Et veiller à ne pas scier la branche sur laquelle nous
sommes assis. » Même analyse chez Promodip. Pour Valérie de la Vigerie : « Ce
métier a besoin, avant tout, de reconnaissance et d'une réévaluation. » Mais
comment ? La réévaluation passe d'abord par le développement de partenariats
pérennes. Mais ces partenariats sont très rares. On les rencontre avec quelques
groupes dont la culture marketing est très développée et dont le portefeuille
de marque est large. Exemple : Elida, partenaire de longue date de CPM. Chaque
année, ce sont 6 000 à 7 000 journées d'animation qui sont mises en place
autour des marques du groupe. Mais surtout, le développement de l'animation
passe par les nouveaux marchés de la distribution : micro-informatique,
internet... et surtout téléphonie. Le marché de l'animation a été véritablement
tiré par la téléphonie mobile ces quatre dernières années. D'où le
rééquilibrage très sensible entre alimentaire et non alimentaire. Ce phénomène
a amené à l'animation des profils différents. Et plus encore, généré des
réflexions en termes d'organisation et de réponse à apporter au client. « Grâce
à un secteur comme la téléphonie, on commence à voir cette activité ponctuelle
se transformer en activité structurelle et pérenne, explique Eric Grasland.
Dans une formule très proche, au plan organisationnel, de ce qui se pratique
avec les forces de vente supplétives : chef des ventes, chefs de secteurs,
chefs d'équipes, réunions de formation, challenge de motivation... » Oui, mais
voilà, « si nous pouvons développer ce genre de schémas, c'est parce que
l'annonceur nous en donne les moyens », reconnaît Eric Grasland. Aujourd'hui,
seule la téléphonie, et son contexte concurrentiel inouï, est dans ce cas. Les
budgets de télécoms sont les seuls à permettre la mise en place de structures
dédiées. Malgré son poids, et son potentiel qui reste très important, la
téléphonie ne pourra pourtant pas tirer éternellement tirer ce métier. Il
existe d'autres secteurs fortement utilisateurs. Tout ce qui touche par exemple
au multimédia. « Sur des produits de contenu comme les nôtres, l'animation est
très importante, explique Violaine Fontaine, directrice trade marketing chez
Havas Interactive France. Nous l'utilisons, comme tous nos concurrents, parce
que pour convaincre sur une encyclopédie ou sur un logiciel éducatif, il
n'existe pas d'autre moyen que de montrer. » L'intérêt pour le média et l'usage
sont donc là. Il manque seulement les moyens... « N'étant pas (encore) sur des
produits de grande consommation, nous sommes rattrapés par nos budgets,
poursuit Violaine Fontaine. Ce qui nous interdit de faire de l'animation de
façon vraiment massive. Et quand bien même, le voudrait-on ? Notre marché a en
effet souffert d'une banalisation de l'animation auprès des chefs de rayon,
suite à un développement important des opérations en grandes surfaces. Sur un
marché comme le nôtre, plusieurs animations simultanées dans un même rayon sur
des produits concurrents, je ne suis pas sûr que cela soit très efficace. C'est
pourquoi aujourd'hui, nos faisons un peu moins d'animations en privilégiant la
qualité, l'impact et la valorisation. » Les véritables poules aux oeufs d'or
sont donc rares. Dommage...
Le recrutement et la formation selon Circular
L'exemple des cosmétiques
Première étape : le recrutement
Il s'effectue via des petites annonces dans la presse spécialisée, les écoles spécialisées, les campus, les instituts d'esthétiques, le bouche à oreille, les professionnelles du maquillage qui souhaitent se reconvertir.
Deuxième étape : l'IPV, ou Inventaire de la Personnalité du Vendeur
Test conçu spécialement par Circular, il permet de dégager la capacité de la personne recrutée à la vente. Pour le secteur de la cosmétique, il est particulièrement orienté vente-conseil et privilégie les capacités d'écoute de la future animatrice. Les personnes sélectionnées doivent ensuite être capables de savoir comment aborder le client, connaître ses besoins, ses attentes, mettre en avant les bénéfices consommateur des produits...
Troisième étape : la formation
Elle se décline en deux phases : une autoformation de base sur les techniques de vente (environ 4 heures) et des modules d'autoformation spécifique à l'univers du soin, du maquillage et du soin des cheveux (de 4 à 6 heures pour chaque module). L'autoformation à la vente se fait sous forme de mémos pratiques et de cas concrets suivis de quizz par téléphone Audiotel. Ces étapes sont complétées de jeux de rôle réalisés lors de journées de formation. Cette autoformation et ces modules ont pour objectif de réactualiser une formation qu'aurait pu avoir une esthéticienne ou une maquilleuse ou encore, de vulgariser le discours de l'univers du soin ou du maquillage pour des animatrices qui n'auraient pas eu une formation d'esthéticienne.
Christophe Thomas (Pénélope)
« Nous avons mis en place des "filières" spécialisées par type de produits. »
«Nous pensons que dans ce métier, deux choses sont primordiales, explique Christophe Thomas, directeur général. D'une part, la connaissance des produits que l'on anime et des industriels. C'est pourquoi nous souhaitons être un spécialiste sur chacun des produits en question. Nous avons créé une direction nationale, quatre directions régionales et huit agences et, dans cette structure pyramidale, nous avons mis en place des "filières" spécialisées par type de produits. Il y en a trois : hygiène beauté, produits techniques et produits alimentaires. Ainsi, lorsqu'on travaille avec un client "technique" (télé-surveillance par exemple), c'est notre pôle technique qui va le gérer. A la direction nationale, mais aussi dans chaque direction régionale, dans chaque agence et sur le terrain. Ainsi, le client est sûr d'avoir un interlocuteur qui connaît bien ses produits, son langage... Même chose pour les animatrices, qui connaissent les produits en question, et ainsi, les vendent mieux. Ce qui n'interdit pas à une animatrice de travailler pour deux pôles différents, mais elle devra avoir été sélectionnée par l'un et par l'autre. Il est même préférable qu'une animatrice qui en a les compétences travaille sur plusieurs types de marchés. C'est un moyen de lui offrir une plus grande quantité de travail et de mieux la fidéliser. Ce qui amène au deuxième élément stratégique : la gestion et le bien-être de nos animateurs et animatrices. Nous devons mettre en place tout ce que notre personnel est en droit d'attendre . Trop souvent le personnel est considéré comme précaire, géré avec des contrats de courte durée, etc. Pénélope est en train de mettre en place un système de gestion du personnel très novateur et unique sur le marché du marketing terrain. »