L'ombre de l'opt-in postal plane sur l'europe
Il semble que l'opt-in menace de plus en plus l'envoi postal en B to C. L'opt-out risque-t-il, alors, d'être abandonné? Au titre de la protection de la vie privée des consommateurs, la Commission européenne veut renforcer la législation sur l'exploitation des données privées à des fins commerciales.
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« En Allemagne, les propriétaires de bases de données disposent de 18 mois pour procéder à l'opt-in des fichiers existants, explique Arnaud Le Lann, directeur général d'Euroleads, société de services en marketing direct. Leur enrichissement tout comme la création de nouvelles bases de données sont évidemment soumis à l'opt-in. » L'Allemagne est le dernier pays de l'Union européenne à s'être doté, en 2009, d'une nouvelle réglementation concernant la protection des données privées. Outre-Rhin, l'opt-in postal est désormais obligatoire. Le traitement et l'utilisation d'informations nominatives à des fins commerciales requièrent un consentement écrit. Cette mesure résulte des travaux que la Commission européenne mène sur une partie de la directive de 1995 visant à mieux protéger la vie privée des consommateurs. Dès le début, ces travaux s'annonçaient compliqués. En effet, le texte de la directive a été rédigé en anglais. Or, « la notion de consentement ne veut pas dire la même chose en anglais et en français », souligne Nathalie Phan Place, secrétaire général du SNCD. Dans la langue de Shakespeare, la notion de consentement est plus souple. Quoi qu'il en soit, la Commission européenne doit statuer sur l'utilisation des données à caractère personnel en avril 2011. Le Parlement européen votera ensuite une nouvelle directive en 2012. Pour l'heure, seuls certains Etats membres ont adopté l'opt-in postal. En fait, aujourd'hui, on distingue trois groupes de pays et autant de politiques.
UNE EUROPE A TROIS VITESSES
Une politique restrictive est appliquée au Danemark (depuis 1997), en Pologne, Hongrie et dans la quasitotalité des nouveaux pays de l'Est ainsi qu'en Grèce (depuis 2002), aux PaysBas et en Allemagne (depuis 2009). De leur côté, l'Espagne et l'Italie tergiversent. Après avoir instauré l'opt-in postal, ces deux pays ont décidé de revenir sur leur décision. Dès 2002, l'Espagne a appliqué cette mesure sur tous les fichiers, y compris sur les données d'entreprises, puis elle a fait machine arrière en remettant sur le marché les données d'entreprises et les données personnelles issues de sources publiques. L'Italie a réinstauré, pour sa part, l'opt-out postal en 2007.
Enfin, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, la Suède et le Portugal mènent une politique plus libérale. L'opt-out est toujours de règle La situation risque cependant d'évoluer pour les Britanniques. En effet, depuis juillet 2010, la question fait débat à la chambre des Lords.
LA FRANCE, ENCORE EPARGNEE
Il est encore beaucoup trop tôt pour affirmer que la France s'inspirera du modèle allemand. Gérard Clerquin, président de la commission nationale du SNCD et directeur marketing factory de Soft
Computing, assure que « si l'opt-in postal arrive en France, il sera assorti d'assouplissements et ne s'appliquera pas au B to B, aux clients actifs, aux données de sources publiques, ni au secteur caritatif ». La France est encore sous le joug de la loi Informatique et Libertés de 1978. L'opt-out prévaut mais, à tout moment, les Français peuvent s'opposer à l'utilisation de données les concernant. « Cependant, très peu de plaintes sont enregistrées », affirme Nathalie Phan Place (SNCD).
Malgré tout, le syndicat s'inquiète des possibles évolutions législatives européennes. Il sensibilise les annonceurs et fait du lobbying auprès des pouvoirs publics. Le SNCD insiste notamment sur un des points de la loi de 1978, qui offre une excellente garantie au consommateur: ce dernier peut autoriser l'accès aux données le concernant mais peut aussi, grâce à la réversibilité, revenir sur sa décision. « La liste Robinson existe, et il suffit de s'y inscrire pour demander à recevoir moins de publicité dans sa boîte aux lettres », insiste Eric Huignard, administrateur animateur de l'atelier «Risques législatifs du SNCD» et président de SOS Fichiers. La profession voit dans l'opt-in postal une volonté des Etats européens de restreindre l'accès aux données et de parer, en arrière-plan, la crainte des hommes politiques de voir leurs données personnelles et leurs salaires rendus publics. L'arrivée de l'opt-in postal en France pourrait, en outre, avoir des conséquences économiques dramatiques.
DE MAUVAISES REPERCUSSIONS
Eric Huignard (SOS Fichiers) craint une amputation de pans entiers de l'activité: « Des milliers de postiers pourraient se retrouver au chômage .» Les PME françaises, qui ne disposent pas des moyens pour s'offrir de vastes campagnes médias, seraient davantage touchées. Elles ne pourraient plus utiliser le marketing direct comme principal outil de communication. En outre, la restriction entraîne souvent des dérives illicites. La profession craint que, pour échapper à la législation, certains propriétaires de fichiers soient tentés d'héberger leurs données hors de l'Union européenne. Quant à ceux qui pensent que l'opt-in postal réduira le gaspillage de papier, Valéry Frontère, président d'Amabis, éditeur de logiciels et services pour la qualité et l'exploitation de bases de données marketing commerciales B to B et B to C, rappelle que de toute façon « La Poste prévoit 30 % de diminution de courrier d'ici trois, quatre ans ».
TECHNO
SANCTIONS POUR NON-RESPECT DE LA LEGISLATION
Quels sont les risques encourus en cas de non-respect de la législation? Il n'existe pas de sanction commune à l'ensemble des pays de l'Union européenne. Le droit national s'applique au cas par cas. Les Etats ont opté pour des sanctions financières. En Angleterre, la loi de juillet 2010, actuellement en discussion à la chambre des Lords, prévoit une amende 150 000 livres. En Allemagne, l'annonceur paye une amende de 150 000 euros, mais peut se retourner contre le prestataire. En Espagne, tous les acteurs impliqués sont touchés par une pénalité qui s'élève à 150 000 euros.