L'INDEFECTIBLE
Bien qu'il ne porte jamais de montre, « je les casse! », l'homme reçoit à la minute près. Et même si ses journées sont trop courtes et son emploi du temps très chargé, il sait se rendre totalement disponible. IPhone, BlackBerry et ordinateurs sont toujours en veille et ses interlocuteurs ne s'en sentent que plus à l'aise. Avec la régularité d'un métronome, Nicolas Routier enquille une quarantaine de rendez-vous par semaine. Le directeur général du service Courrier de La Poste, également président de Sofipost (holding des filiales Courrier du groupe La Poste) reçoit dans un bureau impeccable dont les bibliothèques chargées de livres en tous genres font presque figure de fantaisie. Car Nicolas Routier est un grand, un très grand lecteur. Ses parents, instituteurs, n'ont pas eu besoin de le pousser. A 15 ans, il avait déjà dévoré tous les classiques: Victor Hugo, Jules Verne, Gaston Leroux,
Alexandre Dumas, etc. A 20 ans, Stendhal, Thomas Mann, Dostoïevski, Joyce et à 30, une grosse partie des oeuvres de sciencefiction L'homme peut parler pendant des heures de littérature, mais quand il s'agit de lui, les mots viennent moins aisément. Il se dit impatient et exigeant « ce qui peut fatiguer mon entourage » et d'une constance à toute épreuve: « Je suis fidèle à des idées et à des hommes, même si je sais que rien n'est figé ». Ses interlocuteurs savent qu'il est aussi d'une grande simplicité. Un trait de caractère qui a sans doute eu à voir, il y a 25 ans, avec son envie de travailler à La Poste. « Chez nous, ceux qui se croient importants se trompent Notre culture d'entreprise est l'antithèse du star-système » Nicolas Routier est d'autant plus fier de son entreprise qu'il l'a choisie. Après Sciences Po Paris et une fois ses obligations militaires remplies, il réussit le très sélectif concours de l'Ecole nationale supérieure des PTT: cinq places pour 200 inscrits. Epoque bénie où le jeune homme, qui a toujours vécu à Arras (Pas-de-Calais), découvre Paris, se marie et voit naître la première de ses quatre filles. Une fois ses études achevées, il arrive au siège de La Poste, en 1988, comme chef du bureau A 1, bureau économique et financier, puis responsable du contrôle de gestion. Après six ans passés le nez dans les dossiers, le jeune cadre veut se frotter au terrain. A 31 ans, il devient le plus jeune directeur d'une Poste, celle de l'Oise: près de 3 000 collaborateurs, 1 milliard de francs de chiffre d'affaires. « J'ai adoré cette période qui m'a permis de me confronter à toutes les problématiques de lentreprise ». C'est aussi dans l'Oise que ce boulimique de travail découvre et apprend l'art de manager. « Le management n'est pas inné, il s'acquiert Pour exercer cette fonction, il n'y a pas de modèle. Il faut «juste» accepter de gérer une dualité presque antinomique: une responsabilité forte et une délégation totale .» D'une agilité intellectuelle remarquable, le directeur prend vite de la hauteur. A 34 ans, il revient au siège de la Poste et rejoint le comité de direction. A cette époque, il crée une direction des achats. Un an après, il est nommé directeur du contrôle de gestion et, deux ans plus tard, de la stratégie. En 2001, il coiffe trois directions: stratégie, innovation et systèmes d'information et fait son entrée au comité exécutif du groupe. Il planche notamment sur la transformation de La Poste et son passage d'une structuration géographique à une organisation par métiers.
PRAGMATIQUE ET PUGNACE
En 2002, Nicolas Routier, alors âgé de 39 ans, devient président de Sofipost, holding des filiales Courrier du groupe La Poste, dont 17 perdent de l'argent. Un cadeau empoisonné? « Non, juste un défi tout à fait passionnant », répond l'homme aux yeux rieurs. Début 2004, le terrain l'appelle à nouveau: il prend la présidence de Mediapost. A son arrivée, la société est déficitaire. A son départ, elle réalise 25 millions d'euros de résultats nets par an. « Grâce à une équipe extraordinaire », souligne-t-il Celui qui dirige aujourd'hui 160 000 collaborateurs sait que la réussite est toujours le fruit d'un travail collectif. En avril 2009, Nicolas Routier a été nommé directeur général du Courrier de La Poste: 11 milliards d'euros de chiffre d'affaires, plus de la moitié du total du groupe. Il esquisse un sourire: « L'Everest pour un postier qui a fait toute sa carrière dans le groupe ». Nicolas Routier ne tire aucune gloire de ce parcours professionnel sans faute. Il dit que sa vie n'a pas changé. Ses goûts non plus. Il aime toujours voyager - là où il ne fait pas trop chaud - faire du vélo, regarder une série américaine, bien manger... « si possible en famille ». Son appétence pour les mutations profondes dans des environnements complexes ne lui fait pas oublier la difficulté de sa nouvelle mission. « Le volume du courrier va baisser, mais il a de l'avenir » ; cette phrase prononcée à sa prise de fonction résume une personnalité empreinte de pragmatisme et de pugnacité: « J'accepte le poids du réel, mais je ne renonce jamais ». Le voeu de ce grand technophile qui affirme que « Internet, c'est juste génial »: que le papier soit enfin reconnu à sa juste valeur, c'est-à-dire un média à part entière. Il va y employer toute sa force de conviction et sa puissance de travail. Ce nouveau défi ne l'effraie pas... Il l'attendait.
CE QU'IL AIME
- Un livre
A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU, DE PROUST, CAR SUR UNE ILE DESERTE, C'EST CELUI QUE L'ON PEUT RELIRE SANS CESSE.
- Des musiques
LE BAROQUE, CAR ON NE FERA JAMAIS MIEUX.
- Une série
«WEST WINGS», CAR C'EST UNE BELLE LECON DE POLITIQUE.
- Un fruit
LA FRAMBOISE, POUR SA COULEUR ET SA DOUCEUR.
- Un légume
L'ASPERGE, POUR SA FINESSE.
- Un sport
LE FOOT, POUR L'AMBIANCE.
- Un lieu
MANHATTAN, CAR IL S'Y PASSE TOUJOURS QUELQUE CHOSE.
- Une ville
VENISE, CAR ELLE PLONGE DANS L'HISTOIRE DE L'ART.
- Un lieu de vacances
L'ECOSSE, CAR IL N'Y FAIT PAS TROP CHAUD.