Comment lancer une campagne sur les 15/25 ans
Avec la cible jeune, il ne s'agit plus de se demander comment la toucher dans son ensemble mais plutôt de réfléchir aux moyens de créer une rumeur autour de son produit. C'est pourquoi les marques s'appuient, de plus en plus, sur des outils propres à cette génération (e-mail, SMS) ou sur la valorisation de leaders d'opinion. Le marketing doit savoir se renouveler pour les aborder. C'est une nécessité. Car, les modes de consommation des 15-25 ans influent, de manière croissante, sur le comportement de leurs aînés. La jeunesse, érigée en un style de vie, génère un phénomène de récupération qui voit désormais les papy-boomers s'approprier ses marques.
Je m'abonneLa cible jeune existe-t-elle ?
Cible courtisée,
tout autant que fantasmée, les 15-25 ans sont, de plus en plus, une priorité
pour le marketing. Le problème, c'est que le comportement de ces jeunes échappe
encore aux experts de la communication. Difficile, en effet, de prévoir la
conduite d'un adolescent dont l'identité, est toujours en constitution. «
Autant on cerne avec précision les attentes et les codes de communication pour
s'adresser à la fameuse ménagère de moins de 50 ans, autant la cible jeune
reste encore très hermétique, très difficile à travailler », explique François
Joret, fondateur et directeur associé de l'agence Ebb & Flow. On comprend sa
difficulté. Car derrière, “le” jeune, érigé en cible potentielle, se dissimule
une multitude d'identités, les unes et les autres, parfois, en contradiction. «
Dire que les jeunes sont une cible, cela ne veut rien dire. Il y a 36 000
façons d'être jeune, selon le moment, le sujet, son âge ou son pouvoir d'achat.
Un adolescent peut se définir, à un instant donné, comme appartenant à la tribu
des rappeurs et, l'instant d'après, revendiquer des codes qui n'ont rien à voir
», avance Monique Wahlen, directrice du planning stratégique de l'agence Grrrey
! Marketing Services. Croire qu'en jouant sur ses valeurs, la marque aura une
chance de le séduire s'avèrerait donc une erreur ? « L'empathie ne fonctionne
pas », insiste Armand Caïazzo, vice-président de Publicis Dialog.
Le levier : la crédibilité du produit
Reste, tout de
même, quelques traits intangibles auxquels les marketeurs au long cours se
raccrochent pour tenter de se rassurer sur le bien-fondé de leur création.
Ainsi, Michel Salinier, également fondateur de l'agence Ebb & Flow, croit
détenir quelques clefs : « Le vrai levier, c'est le produit. La marque doit
avoir une réelle légitimité pour dialoguer avec eux. Il faut à tout prix éviter
le “jeunisme”. Si l'on touche aux stéréotypes, on est sûr de les faire fuir.
Ils ne sont jamais monomarques. Ils accumulent et ils zappent même s'ils
peuvent faire preuve d'attachements et de fidélité. Pour leur choix
vestimentaire par exemple, c'est un peu : “Ce que je porte me représente”. » On
les dit facilement influençables. Et leur propension à suivre des modèles,
qu'il s'agisse de la star dans laquelle ils se reconnaissent ou de ces fameux
leaders d'opinion et autres “early adopters”, est un bon moyen de les toucher.
Dans ce cas, le phénomène de l'identification pourrait être un bon levier. Pas
si sûr toutefois, car, en même temps, ils semblent avoir besoin d'être toujours
surpris. Et pour renouveler leur attention en permanence, il faut, selon Alain
Murcia, directeur associé de l'agence Il était une marque, faire attention au
langage de la marque : « L'offre produit doit être avant tout pertinente,
attractive. La communication se doit d'être fidèle à toutes les expressions de
la marque. »
Une cible pas si homogène que ça
L'agence de marketing peut, de prime abord, éprouver certaines difficultés à
penser une communication globale sur la tranche des 15 - 25 ans. « Ils ne sont
pas homogènes », affirme François Joret. Pour lui, la cible se segmente en une
kyrielle de sous catégories. Ne serait-ce qu'en fonction de différences de
comportement entre les tranches d'âge. « Vers 16-18 ans, ils sont souvent dans
le refus des modèles préexistants. Ils recherchent leurs propres codes. Et
peuvent s'avérer très réactifs à une communication absurde du type de celle des
campagnes Diesel. En revanche, s'ils sentent qu'ils sont pris pour une cible
marketing, que l'on reprend leurs codes pour les “mystifier”, c'est le rejet
immédiat. Un moment, la SNCF, qui tentait de promouvoir sa carte de fidélité à
destination des plus jeunes, avait choisi de s'adresser à eux en verlan.
L'échec de la campagne a été énorme. » En revanche, les 20-25 ans, pour peu,
par exemple, qu'ils entrent dans la vie active peuvent parfaitement être
réceptifs à une communication, pensée pour leurs aînés. « En fait, ces segments
ne réagissent pas aux mêmes choses. Les plus vieux ne veulent pas être
confondus avec les plus jeunes. Ils auraient, sinon, l'impression d'être
infantilisés. L'innovation devra être d'autant plus au rendez-vous sur la
tranche d'âge la plus vieille qu'ils ont une expérience et une maîtrise des
dernières technologies, des dernières tendances graphiques », justifie Anne
Browaeys, directrice associée de l'agence FullSIX.
Savoir ajuster les outils à la cible
Encore, lorsqu'il ne s'agissait que de
“tribus”, les marques pouvaient-elles espérer suffisamment bien délimiter leur
communication. Mais aujourd'hui, il s'agit de savoir doser efficacement. “Doser
le coefficient marketing d'une stratégie, c'est décider la part de l'intéressé
et du gratuit, la part de la sollicitation et du don, la part de l'échange
publicitaire et du relationnel, la part de la vente et de l'échange”, justifie
une enquête de l'agence Grrrey ! Marketing Services, menée par Monique Wahlen.
Tout fonctionne comme si le jeune, éternellement suspicieux, souhaitait
s'inscrire dans une relation “donnant-donnant” avec la marque. « Il refuse
d'être dupe », avance ainsi Anne Browaeys. La question se pose de savoir,
alors, si les outils classique du marketing opérationnel sont adaptés à cette
cible. Et si, au final, ces médias n'ont pas un côté “has been” qui, ne permet
guère de l'atteindre. Alain Murcia ne le croit pas : « Il n'y a pas de rejets a
priori des médias. C'est plutôt la façon de les traiter. La communication doit
être réellement différenciante. » Parvenir à se distinguer, toujours renouveler
l'événement, pour mieux les maintenir sous l'emprise de la marque, devient
alors un leitmotiv. Pour dépasser cet horizon d'attente, Monique Wahlen
préconise, avant tout, de « détourner, déchirer, salir la communication ». Un
moyen, certes radical mais nécessaire, selon elle, pour les faire venir dans
l'univers de la marque. Ce qui demande, du coup, une attention scrupuleuse à la
création. « Le moindre détail est important pour un mailing jeune. Il faut
prendre un soin particulier à choisir le papier, par exemple », justifie Alain
Murcia. Un mailing jeune, se doit donc d'être élaboré avec plus d'attention
encore que ne le serait un mailing “transgénérationnel”. Car, dans ce cas, le
droit à l'erreur est interdit. Anne Browaeys en est persuadée : « Les jeunes
sont plus exigeants, pardonnent moins et se révèlent des consommateurs aguerris
aux ruses du marketing. » Et ce, d'autant plus que la cible est très
sollicitée. A force, les jeunes sont devenus de vrais experts dont les
compétences, lorsqu'il s'agit de décrypter les communications voire même les
modes de consommation, sont sans commune mesure avec celles de leurs aînés. «
Il ne s'agit pas d'utiliser un vocabulaire décoiffant pour leur parler, bien au
contraire. Mais se concentrer sur toute une somme de petits détails techniques
qui permettront de renouveler l'intérêt », constate Alain Murcia. Le design du
message fait donc un retour en force. En fait, tout se passe comme si la
créativité devenait un message en soi. Mais attention : la créativité pure ne
suffit pas. Il faut la contrebalancer avec un message rédactionnel clair et
précis sur les caractéristiques produits.
Trouver les bonnes données
On le sait : la qualité des adresses sélectionnées peut
influencer sur les résultats de l'opération. Armand Caïazzo relate une anecdote
édifiante : celle d'une mutuelle qui, voulant se positionner sur la cible
étudiante, décide d'acheter la base de données de l'Ofup. « Le choix semblait
évident au départ », affirme-t-il. Le problème ? C'est qu'en ciblant l'adresse
étudiante du jeune, l'entreprise mutualiste s'est privée des principaux
prescripteurs en la matière. A savoir, les parents. « Sur ces produits, ce sont
principalement les adultes qui décident du choix et de l'importance de la
mutuelle », reprend-il. Certains médias sont, tout de même, plus appropriés que
d'autres pour les toucher. Internet, sous ses différentes formes ou le SMS sont
leurs médias par excellence. Le problème, c'est de trouver la bonne adresse
e-mail et, pire encore, le bon numéro de téléphone. Pour le Web, il existe des
bases de données fiables dont les critères de segmentation permettent de
s'adresser aux bons profils. Mais, les 15-25 ans, maîtrisant à merveille
l'outil technologique, il n'est pas rare de les voir constituer des parades
comme la création d'adresses pourriels vers lesquelles sont renvoyées les
sollicitations commerciales. « Nous ne sommes jamais sûrs à 100 % d'atteindre
sa véritable adresse quand on s'adresse à un jeune. Il peut très bien s'agir
d'une adresse e-mail qu'il ne consulte jamais. Mais dont il laisse les
coordonnées lorsqu'un site le lui impose, par exemple », avance Anne Browaeys.
Quand, en plus, le plan médias prévoit une campagne SMS, on peut alors frôler
la catastrophe. Car les bases de données sont encore peu renseignées en matière
de numéros de mobile. Claritas a toutefois annoncé la commercialisation de sa
base SMS (130 000 numéros référencés en mode opt-in.). Pour trouver le bon
fichier, l'agence peut aussi louer les numéros collectés sur certains sites,
dont la cible, a priori jeune, permet de ne pas trop prendre de risque. Mais
là, encore, le comportement jeune n'est pas l'apanage des seuls 15-25 ans. Les
amateurs de consoles de jeux se retrouvent aussi bien parmi les adolescents que
parmi leurs aînés. Restent alors les opérateurs de téléphones mobiles qui, pour
certains, ont mis en place des programmes relationnels sur cette cible. « Les
opérateurs se sont concentrés sur l'avantage prix pour attirer les jeunes. Or,
de nombreux adultes y ont vu un avantage intéressant. Et, de fait, figurent
dans la base », reprend Anne Browaeys. Seul, UMM (Universal Musique Mobile) a
tenté de jouer sur l'univers consumériste des jeunes (la musique) en
l'associant à un avantage prix. « Mais, pour signer le contrat, l'adolescent
étant mineur, ce sont les parents qui s'en chargent. Nous ne savons donc jamais
si nous nous adressons bien à un jeune », conclut-elle.