«Le brand content est devenu une vraie philosophie»
POUR OPTIMISER SON MARKETING RELATIONNEL, LA BRANCHE DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE A REVU SON ORGANISATION INTERNE. CETTE MISE A PLAT A DONNE NAISSANCE A UNE «DIRECTION CONNECT», QUI TRAVAILLE A AFFINER L'ADN DE SES MARQUES POUR RENFORCER LEURS LIENS AVEC LES CONSOMMATEURS.
Je m'abonneMARKETING DIRECT Votre direction est relativement récente. Comment et pourquoi a-t-elle été créée?
- En 2010, notre branche Danone Produits Frais France a effectué un diagnostic de l'ensemble de ses métiers face aux mutations du consommateur. Suite à cet audit de près de huit mois, nous avons créé, en septembre 2011, la «direction connect», au sein de la direction marketing de notre branche. Notre ancienne organisation, qui fonctionnait marque par marque, nous empêchait de mettre en place notre stratégie de «branches». Il fallait donc faire évoluer notre structure. C'est pourquoi la «direction connect» se positionne de manière transversale. Sur le plan hiérarchique, nous dépendons du marketing, mais nous travaillons en étroite collaboration avec la direction de la qualité et la direction commerciale.
Quelle est votre mission?
- Nous devons affiner notre connaissance des personnes qui consomment la quinzaine de marques de la branche Produits Frais, afin de répondre à leurs attentes. Pour y parvenir, les experts métiers de la «direction connect» accompagnent les marques. Ils les aident à optimiser leur stratégie pour entrer en conversation avec leurs clients.
A terme, notre ambition est de concrétiser le rêve de Danone Produits Frais France: transformer le consommateur en ambassadeur. Aujourd'hui, dans toute notre communication médias, y compris en télévision, nous souhaitons adopter une approche CRM. Nous allons beaucoup mieux identifier des cibles, des foyers, voire des individus, pour essayer d'établir une conversation avec notre interlocuteur. Nous voulons comprendre ses besoins et essayer de lui apporter une réponse. En fonction de la marque, nous voulons même l'impliquer dans la construction de l'histoire de la marque.
Cette ambition exige de revoir l'univers des marques, non?
- Tout à fait. Nous avons dû trouver le bon angle d'attaque, marque par marque. Le contenu développé doit véritablement être en adéquation non seulement avec l'ADN de la marque, mais aussi avec les attentes des consommateurs. Avec Danette et Danacol, pour prendre ces deux exemples, l'expérience client ne peut pas être identique. Danette est une marque patrimoniale, qui possède un fort capital sympathie et qui travaille la coconstruction depuis plusieurs années. Tandis que Danacol est un produit fonctionnel, qui aide à lutter contre le cholestérol.
Pour les canaux, c'est la même chose: nous devons employer les moyens de communication les plus adaptés à chaque marque et aux préférences des consommateurs.
POINTS-CLES
- 19,31 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011 - + 14,72 %: marge opérationnelle du groupe en 2011 - + 7,8 % de hausse du chiffre d'affaires entre 2010 et 2011 - 11,23 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour les produits laitiers en 2011 - 100 000 salariés dans le monde - 14 marques composent le portefeuille de Danone Produits Frais France - 720 000 fans de Danette sur Facebook en janvier 2012.
Comment évaluez-vous votre stratégie de marketing relationnel?
- Nous avons défini des indicateurs-clés. Nous évaluons notamment le nombre de contacts de chaque individu avec chaque marque, car plus une personne devient ambassadrice, plus elle s'attache à développer des liens privilégiés avec une marque. Depuis l'exposition au packaging, jusqu'aux discussions sur les sites de Danone, toutes les interactions sont soigneusement tracées. Puis nous segmentons ces contacts en fonction de leur origine.
Les contacts peuvent être achetés via la publicité à la télévision, l'affichage, le display, etc. Ils peuvent être «propriétaires» («owned»): ils proviennent alors de nos sites, des packs, des événements comme la Danone Nations Cup... Il peut aussi s'agir de contacts «générés» («earned») par des conversations autour de nos activités, sur Facebook, par exemple. Reste ensuite à faire la somme des contacts propriétaires et générés pour connaître les personnes qui possèdent le profil d'ambassadeur. Nous travaillons, bien sûr, à augmenter le nombre de contacts, mais aussi et surtout à accroître la proportion de contacts propriétaires («owned») et de contacts générés («earned»).
Le calcul de cet indicateur semble très complexe...
- Il est technique, mais s'avère plutôt qualitatif D'ailleurs, il est utilisé par un grand nombre d'industriels des biens de grande consommation. Des groupes comme PSA l'utilisent également et surveillent ces résultats de près. Nous utilisons un second indicateur: chaque trimestre, nous mesurons une «note de coeur», visant à recenser les personnes qui aiment Danone, qui s'en sentent proches, qui trouvent que les marques du groupe font partie de leur quotidien... Quand ces deux indices sont au vert, nous entrons dans une logique de croissance pérenne.
Et dans les faits, comment procédez-vous?
- A chaque projet, à chaque campagne, à chaque temps fort, les marques de Danone Produits Frais France se fixent des objectifs en termes de nombre de contacts et de provenance de ces contacts. Ainsi, nous suivons chaque opération de près et nous pouvons dresser le bilan de son efficacité. Ce dispositif nous permet aussi de valider les bienfaits du changement d'organisation et de la création de la «direction connect».
Comment définissez-vous votre clientèle?
- Nous partons du consommateur pour essayer de mieux le comprendre, de mieux le qualifier... Et aussi de l'écouter davantage. Les nouveaux canaux de type Facebook nous facilitent la tâche. En parallèle, nous essayons de déterminer la raison pour laquelle tel consommateur se comporte comme un ambassadeur de la marque alors que tel autre y reste indifférent.
Comment entrez-vous en contact avec vos clients?
- Nous avons commencé par prendre en compte la raison pour laquelle un individu est spectateur télé, consommateur de Google, visiteur de forums ou encore, membre de Facebook. Prenons l'exemple du digital: nos consommateurs indiquent qu'ils s'informent, qu'ils se sociabilisent... Nous sommes alors en droit de nous demander si le message que nous leur délivrons on line est conforme à leurs attentes. Une fois ce travail effectué, nous pouvons déterminer les marques les plus appréciées grâce aux leviers et aux canaux à notre disposition.
Vous pouvez nous donner quelques exemples?
- Deux exemples me viennent immédiatement à l'esprit: Danacol et Danette.
Danacol a pour mission d'aider le consommateur à réduire son taux de cholestérol. C'est un sujet sérieux, qui ne supporte pas la légèreté, car les malades ont besoin d'informations. Le forum que nous avons créé sur ce produit constitue une bonne approche pour que la marque soit reconnue comme une solution partielle aux problèmes de cholestérol. En outre, ce canal garantit l'anonymat. Pour Danette, qui est une marque de partage, transgénérationnelle, et qui, elle, porte une dimension de légèreté, Facebook se montre plus indiqué. La fan page de Danette affiche d'ailleurs déjà 720 000 fans.
Vous vous interdisez les approches moins congruentes... Peut-être à tort?
- Peut-être. Mais, nous sommes en phase d'apprentissage et nous avançons pas à pas. En essayant de rationaliser notre approche et d'étudier le consommateur ainsi que l'usage des canaux, nous améliorons nos modèles marketing et notre interaction avec le consommateur. De fait, ouvrir une page Facebook pour Danacol paraît improbable aujourd'hui, mais ce sera peut-être un projet demain. Aujourd'hui, plusieurs de nos marques sont présentes sur Facebook. Velouté compte 120 000 fans. Fantasia, produit lancé depuis septembre 2010, a aussi sa propre communauté, de l'ordre de 100 000 fans.
Pourquoi le digital convient-il bien à certaines de vos marques?
- Sur Internet, les consommateurs cherchent de l'information, du service et du divertissement. Grâce aux dispositifs déployés pour certaines de nos marques, ils retrouvent des éléments conformes à ces attentes. Le site Savoirreduiresoncholesterol.com, porté par Danacol, permet aux internautes d'obtenir des renseignements concrets sur le cholestérol et de bénéficier des conseils d'experts, comme ceux du nutritionniste Jean-Michel Cohen. Avec le programme Activia, Danone fournit en ligne des informations sur la nutrition, la forme et la relaxation afin que les consommateurs se sentent mieux.
Pour ces deux laitages, nous dépassons la dimension de «produit». Nous sommes vraiment dans le brand content, qui est devenu une vraie philosophie pour Danone.
@ Photo Marc Bertrand
PAULINE VARGA, DIRECTRICE CONNECT CHEZ DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE
« Notre ambition est de transformer le consommateur en ambassadeur.»
Ces approches relationnelles nourrissent-elles vos retours clients?
- Oui, car les remontées consommateurs sont immédiates. De plus, tous les dispositifs déployés permettent d'optimiser la façon de mettre un nouveau produit sur le marché. Avec Internet, l'instantanéité progresse encore. Pourtant, avec l'ultrafrais, on obtient rapidement le taux de réachat et de fait, on est rapidement informé de l'opinion du client.
Comment mesurer la satisfaction?
- Cette mission revient, en partie, au service client. Canal par canal, il sonde le ressenti consommateur. En 2012, nous allons mettre en place, avec l'institut Ipsos, une nouvelle mesure de satisfaction, le Net Promoter Score (NPS)
Le NPS sera progressivement étendu à nos dispositifs relationnels, et notamment aux sites de marque. Par exemple, je suis capable de vous dire qu'en 2011, 93 % des inscrits au programme Activia en ont été satisfaits.
J'encourage vivement les équipes marketing à se rendre sur le site de notre prestataire de centre de contacts, Teleperformance, à Lyon, pour entendre la voix du client. Les appels nous apportent beaucoup et nous ramènent au quotidien et à la réalité des consommateurs.
En termes de marketing relationnel, qu'est-ce qui vous distingue de la concurrence?
- Ce sont nos initiatives, notamment sur le digital. Nous enrichissons sans cesse l'expérience client et nous rendons nos marques plus complètes, au-delà du produit, en dévoilant leur «âme».
En termes d'organisation, la «direction connect» a son importance, mais je ne sais pas comment nos concurrents fonctionnent. Aujourd'hui, nous avons pour projet de la consolider, d'exploiter ses acquis pour approfondir certaines actions et en corriger d'autres.
PARCOURS
Diplômée de Sciences Po Paris, Pauline Varga entre chez Danone en 2001, comme assistante chef de produit. Pendant sept ans, elle travaille sur différentes marques de la branche Danone Produits Frais France. Elle planche ainsi sur Danone & Fruits, Activia, Danacol, Actimel et Danette. En janvier 2008, la jeune cadre est promue chef de groupe pour Actimel. En février 2009, elle prend un poste similaire pour la marque Activia. 18 mois plus tard, Pauline Varga est nommée à la tête de la «direction connect», qui réunit une dizaine de salariés.