DossierLe média courrier conserve ses lettres de noblesse
5 - Comment réaliser un mailing écoresponsable?
Du choix du papier à la livraison de l'imprimé, l'écoconception d'un document exige des compétences pointues. À la fois conseil auprès des donneurs d'ordre et acteur impliqué dans la préservation de l'environnement, l'imprimeur tient un rôle central dans la mise en oeuvre de mailings écoresponsables.
Choix de la quantité imprimée et du type de papier, conception graphique du document et des matériaux utilisés pour sa réalisation, emballage et transport des mailings et ISA... Depuis 2007, Mediapost diffuse à ses clients Le Guide des imprimés publicitaires efficaces et responsables afin de les sensibiliser à l'écoconception (voir encadré ci-contre). "Les donneurs d'ordre ont une responsabilité dans la réalisation de leurs documents afin d'éviter les chutes de papier et l'utilisation de matériaux qui entravent leur recyclage", souligne Benjamin Mattely, responsable environnement de l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication (Unic). D'ailleurs, de plus en plus de grandes entreprises mettent en place des guidelines pour leur service achats, à l'image de GDF Suez qui, depuis mars 2012, référence les imprimeurs responsables. "Nous travaillons avec des imprimeurs proactifs de manière à optimiser nos mailings et brochures", explique Sylvie Senanedj, déléguée à la communication relationnelle et événementielle de GDF Suez. Par exemple, en réduisant d'un centimètre le format de son guide de bienvenue, le fournisseur d'énergie a réalisé des économies substantielles de papier.
Au centre de cette problématique environnementale, apparaît donc la figure de l'imprimeur, seul technicien en mesure de conseiller et d'accompagner le donneur d'ordre. "Aujourd'hui, exécuter une créa sans avoir associé l'imprimeur en amont, c'est inefficace en matière d'environnement, mais aussi sur le plan économique", confirme Bruno Barbier, vice-président d'ImpriFrance, groupement d'imprimeurs et directeur général de Desbouis Gresil Imprimeur. Réaliser un "mailing vert" passe donc par la recherche d'un "imprimeur responsable", mais le choix peut s'avérer difficile en raison de la multiplication des certifications et labels environnementaux attachés à leur activité. Voici un tour d'horizon des principales normes en vigueur.
1) Gérer le stockage des liquides dangereux et l'élimination des déchets
Créé en 1998, le label Imprim'Vert recouvre cinq critères d'attribution: faire éliminer au moins une fois par an un certain nombre de déchets; sécuriser le stockage des liquides neufs dangereux et des déchets liquides en cours d'utilisation ou non; ne pas utiliser de produits étiquetés "toxiques"; assurer la sensibilisation environnementale du personnel de l'entreprise; mettre en place un suivi trimestriel des consommations énergétiques du site (électricité, gaz, fuel...). 2274 imprimeurs étaient titulaires de ce label au 1er novembre 2012, ce qui représente environ 50?% des entreprises et 70 à 80% du tonnage imprimé en France selon l'Unic. Pratique pour les donneurs d'ordre proches de nos frontières, la marque Imprim'Vert a été étendue à plusieurs pays européens?: Espagne, Portugal, Italie, Suisse, Belgique, Luxembourg et Roumanie.
Réservé uniquement aux entreprises qui possèdent l'outil de production, le label doit être renouvelé tous les ans. Un audit est réalisé par des référents issus des Chambres de commerce et des métiers à l'origine de ce label. Chaque imprimeur dispose de son propre QR code: il suffit de le scanner pour vérifier si celui-ci détient toujours son diplôme Imprim'Vert. Cependant, ce label ne constitue pas une preuve que le prestataire est engagé dans une démarche de préservation de l'environnement, il signifie uniquement que l'entreprise se conforme à la réglementation!
2) Sélectionner le type de papier utilisé
Autre critère pour choisir son imprimeur, s'assurer que celui-ci est certifié PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières) ou son équivalent FSC (Forest Stewardship Council). Cette certification garantit une gestion durable des forêts. En clair, la pâte à papier utilisée provient du bois de coupe indispensable au développement de la forêt et préserve donc l'environnement. L'association PEFC France certifie les forêts à partir d'un cahier des charges qui fixe les bonnes pratiques forestières. Créé en 1999 en France, PEFC est leader avec cinq millions d'hectares de forêts certifiées, soit un tiers de la surface, contre 25000 hectares pour son concurrent, FSC. En clair, cela signifie que le papier FSC est forcément importé. L'association certifie aussi le process de transformation tout au long de la filière, une certification dite de "chaîne de contrôle". 588 imprimeurs étaient certifiés PEFC au 31 mars 2013.
L'audit annuel est assuré par un organisme certificateur indépendant, qui contrôle qu'un imprimeur ne vend pas davantage de papier PEFC qu'il en a acheté. Autrement dit, un imprimeur certifié PEFC ne travaille pas toujours avec du papier PEFC. C'est au donneur d'ordre de lui demander d'utiliser ce type de papier. Face à des entreprises qui utilisaient abusivement le logo PEFC, l'association a mis en place un service juridique, en janvier 2011, afin de mettre fin aux abus.
Depuis début 2010, PEFC France a mis en place la certification "PEFC recyclé": un papier qui comporte 70% minimum de fibres recyclées. "PEFC France encourage les deux types de consommation de papier: gérée durablement et recyclée", précise Stéphane Marchesi, secrétaire général de PEFC France. L'utilisation de fibres recyclées participe au développement durable de la filière bois. Cependant, le recyclé a ses limites: au bout de trois, quatre, cinq fois, il faut réinjecter de la fibre vierge." Laurence Hulin, directrice du développement responsable de Mediapost, explique: "Le label Imprim'Vert et la certification PEFC/FSC sont essentiels quand on veut travailler avec un imprimeur responsable. La norme ISO 14001, c'est la cerise sur le gâteau!"
3) Manager l'activité en intégrant l'impact sur l'environnement
La norme ISO 14001 prend en compte des critères économiques, sociaux et environnementaux. Elle impose d'intégrer, dans les décisions de management, la limitation des impacts de son activité sur l'environnement, la maîtrise de ses dépenses énergétiques, la prévention des incidents. La norme ISO 14001 impose aussi de mettre en oeuvre un plan d'action pour améliorer ses performances environnementales. "Le manager met en place un tableau de bord avec un suivi mensuel de ses actions, explique Bruno Barbier, d'ImpriFrance. Cela va du choix des presses qui ont le moins d'impact sur l'environnement à la dématérialisation des documents échangés entre l'imprimeur et le donneur d'ordre, en passant par un contrôle de la consommation des véhicules de l'entreprise... Moins de 1% des imprimeurs sont ISO 14001." Inconvénient majeur de cette certification: "Ce processus d'amélioration continu n'est pas accessible aux petites entreprises", explique Benjamin Mattely, d'Unic.
C'est pourquoi, la Chambre de commerce et d'industrie France a mis en place la marque EnVol (Engagement volontaire de l'entreprise pour l'environnement) destinée aux entreprises de moins de 50 salariés, soit plus de 86% des imprimeurs en France. Le niveau d'exigence d'EnVol, dont l'Unic est partenaire, correspond au niveau 1 du référentiel Afnor FD X30-205 qui en compte trois, le dernier correspondant à la conformité à l'ISO 14001.
4) Standardiser ses process de production
La certification PSO (Procédé standardisé offset) décrit toutes les méthodes de mise en place, de test et de contrôle de la production imprimée pour chacune de ses étapes. Cela inclut les appareils de mesure et les paramètres de réglage. Toutes les informations sont décrites et disponibles pour une plus grande transparence.
Le but de cette certification est de s'assurer que toutes les étapes de la conception et de la fabrication d'un document imprimé sont aussi efficaces que possible afin que la qualité et la colorimétrie des documents soient prévisibles et contrôlées. Concrètement, l'imprimeur n'a plus besoin d'utiliser de feuilles de calage et peut directement entrer en production. Il réalise, ainsi, des économies de matière première (papier et encre) et consomme moins d'énergie.
"Il s'agit d'une certification technique qui a du sens en termes environnemental", explique Bruno Barbier, qui estime que moins de 1% des imprimeurs sont certifiés PSO. Car cette démarche n'est pas sans incidence sur l'investissement, l'organisation de l'entreprise et la formation du personnel. La certification s'obtient après un audit de l'Ugra (Association pour l'encouragement à la recherche scientifique dans l'industrie graphique) et donne lieu à renouvellement tous les deux ans.
"S'imposer de choisir un imprimeur ayant les certifications PSO et ISO 14001 restreint de fait le choix de l'imprimeur et donc les possibilités de négocier les prix", fait remarquer Bruno Barbier, pourtant titulaire de ces deux certifications pour son imprimerie Desbouis Gresil. D'ailleurs, les annonceurs et acheteurs publics n'exigent pas ces normes dans leurs appels d'offres.
5) Réduire ses émissions de gaz à effet de serre
Le Bilan carbone entreprise consiste à calculer ses émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit d'un outil de management pour déceler les points d'amélioration et mettre en place des actions correctrices. "C'est un engagement de moyens, pas de résultats", précise Benjamin Mattely, d'Unic.
En 2012, les fédérations européennes d'imprimeurs ont mis au point ClimateCalc, un indicateur similaire au Bilan carbone entreprise, mais spécifique au secteur de l'imprimerie. Quinze critères responsables de 85% des émissions de gaz à effet de serre ont été retenus. C'est donc le même mode de calcul qui est utilisé partout en Europe et qui permet de comparer les entreprises du secteur. ClimateCalc certifie que l'imprimeur a fait ses calculs dans les règles en termes de périmètre pris en compte (consommation énergétique et de matières premières, transports...) et de données collectées. Le contrôle est effectué par chaque fédération d'imprimeurs. Aujourd'hui, une dizaine d'entreprises françaises sont engagées dans cette démarche et trois, à ce jour, ont obtenu le label.
Compatible avec la norme de comptabilisation et de déclaration, Greenhouse Gas protocol (GHG) est un indicateur qui permet d'estimer les émissions de CO2 générées par l'ensemble de l'entreprise graphique (approche site), mais aussi celles générées par un imprimé spécifique (approche produit). Un donneur d'ordre peut, ainsi, demander le calcul ClimateCalc pour sa brochure. ClimateCalc est reconnaissable par son logo, un QR Code qui permet d'accéder à la liste des entreprises certifiées.
Aujourd'hui, les donneurs peuvent aisément avoir recours à un "imprimeur vert". Ils peuvent sans difficulté vérifier si leur prestataire est titulaire de ces certifications et labels en se rendant sur le site officiel de chaque association ou marque qui les gère, à l'exception de la norme ISO 14001, pour laquelle chaque organisme certificateur publie sa propre liste. D'ailleurs, les directions des entreprises ont aujourd'hui intégré les préoccupations environnementales des consommateurs: les annonceurs ne se privent pas de communiquer sur leurs actions en faveur de l'environnement. Mais en coulisse, les services achat ne sont pas toujours prêts à financer ce coût supplémentaire.