"Aujourd'hui, on achète une expérience", Christophe Marée (Adobe)
Christophe Marée est directeur marketing Europe de l'ouest d'Adobe, éditeur de logiciels graphiques (InDesign, Acrobat, Photoshop, Illustrator et Flash) et de logiciels de montage vidéo et audio. Un secteur où le marketing est de plus en plus technique et la personnalisation de la relation client essentielle à plus d'un titre. Explications.
Je m'abonneQuels sont les grands enjeux du marketing BtoB chez Adobe ?
Depuis plusieurs années, vous et moi, nous n'achetons plus un produit ou un service mais une expérience client globale. Les entreprises en BtoB comme Adobe doivent prendre en compte ce changement en personnalisant leurs relations avec leur clientèle. Un des enjeux des sociétés comme la nôtre opérant dans un environnement BtoB est d'avoir une vision unifiée de leurs propres clients en sachant ce qui intéresse telle ou telle fonction dans les sociétés. Le deuxième point essentiel, c'est la façon dont on va activer cette data via les bons canaux d'interaction (e-mails, réseaux sociaux, en présentiel, etc.)
Cette vision unifiée passe par un socle de données technologique commun, notre Customer Data Platform (CDP). Enfin, il faut disposer des outils pour assurer une activation en temps réel. Par exemple, le client vient sur notre site pour y chercher l'information dont il a besoin. Par conséquent, il faut pouvoir immédiatement le renseigner en lui délivrant un message personnalisé en fonction de son rôle et de ses sujets d'intérêt. De notre côté, au marketing, nous avons besoin de créer du contenu adapté au moment d'interaction, au profil de ces visiteurs, mais également aux services fournis. Cela foisonne très vite, d'où l'utilité de disposer d'outils comme l'IA, entre autres, pour créer ce contenu et les déclinaisons et variantes nécessaires plus rapidement pour communiquer sur différents canaux.
Quels sont vos chantiers prioritaires ?
Pour nous, l'essentiel est d'agréger et d'organiser la donnée client au sein de ce fameux socle technologique, de mettre en place tous les outils d'interaction en utilisant cette donnée et en recourant aux technologies idoines pour créer de grands volumes de contenus adaptés à un besoin de personnalisation de masse en temps réel. Une "personnalisation de masse en temps réel", ce concept peut sembler un peu antinomique mais c'est vraiment notre ambition.
En utilisant un socle de technologie commun aux différentes personnes travaillant dans l'entreprise, chez Adobe, nous avons le même discours, car nous partageons la même donnée. Quand je discute par exemple de la performance d'une campagne avec une équipe finance, je ne vais pas utiliser des terminologies qui sont propres au marketing, je vais utiliser une valeur, par exemple « le revenu », qui parle à tout le monde. La CDP nous permet notamment d'avoir accès à des tableaux de bord communs. Tous les services de l'entreprise parlant le même langage, la collaboration s'en trouve accrue, tout comme la performance globale.
Pour vous informer, que privilégiez-vous ? Des newsletters professionnelles, des salons, la presse économique ?
Dans tous les environnements métiers, a fortiori dans le secteur du BtoB, il est essentiel de se tenir informé. Cela passe par la lecture de newsletters spécialisées, la consultation des réseaux sociaux comme LinkedIn et X. J'apprécie aussi de prendre part à la vie de communautés professionnelles dans l'univers des directeurs marketing ou des directeurs informatiques. Je pense notamment à Cionet et au club Disruptor. Je valorise particulièrement les interactions en présentiel, j'organise des événements pour échanger entre pairs avec nos clients. Ces moments permettent de partager des idées, d'explorer les tendances et de réfléchir à de nouvelles solutions, tout en se tenant informé des évolutions technologiques et des meilleures pratiques, sans se limiter à un secteur d'activité spécifique.
Quelles sont les grandes thématiques RH du moment chez Adobe ?
Aujourd'hui, nous sommes en permanence à l'affût des bonnes compétences et du bon profil les détenant. Il y a bel et bien une guerre des talents dans le marketing où la technicité est de plus en plus forte. Quand vous travaillez par exemple dans le paid media, le paid social, le paid search, ce sont des activités ultra-techniques nécessitant de bien comprendre les outils (ex : comment faire du bid pour le paid search, par exemple, etc.). Ces canaux d'interaction et de collecte d'informations et d'engagement avec les clients sont prédominants. Nous avons donc besoin de collaborateurs et collaboratrices sachant utiliser le budget marketing pour obtenir un ROI maximal. Idem pour l'IA générative, omniprésente dans la création numérique.
Si vous deviez expliquer les spécificités du secteur BtoB par rapport à celui du BtoC, que diriez-vous ?
Dans le secteur BtoB, plusieurs personnes interviennent dans le processus de décision, ce qui rend souvent le cycle d'achat plus long et complexe. Ce parcours reflète des besoins contradictoires entre les différents départements d'une entreprise : par exemple, la finance souhaite réduire les dépenses, tandis que le marketing ou l'informatique veulent au contraire investir davantage. En BtoC, une seule personne concentre les rôles de décideur, utilisateur et acheteur, cela simplifie le processus.
En BtoB, les achats sont plus structurés car il y a un objectif professionnel, tandis qu'en BtoC, les achats sont souvent impulsifs et guidés par le plaisir. Cependant, on voit bien une convergence se dessiner entre les deux. Les acheteurs BtoB adoptent de plus en plus des comportements en "digital first" et attendent des relations personnalisées et durables avec leurs fournisseurs. C'est proche de ce que peuvent être les attentes de consommateurs en BtoC.