Retail et responsabilité : comment l'éco-consommateur aura affecté les marques de mode en 2025
Nicolas Cabanes, Analyste chez Fabernovel, présente futur des marques ? Nous sommes en 2025, une nouvelle loi vient d'être votée par le parlement français. Cette loi installe une nouvelle norme : l'Habiscore. Décryptage
Je m'abonneLa loi Habiscore a deux objectifs principaux : remettre de la transparence au sein de la chaîne de valeur et faire assumer aux marques leur responsabilité à chaque étape de la chaîne de production. Cette loi a bouleversé l'organisation des départements marketing qui ont dû pour la plupart recruter un CHO, un Chief Habiscore Officer, pour faire le lien avec les équipes de conception et s'assurer de la note maximale des produits.
Nous sommes en 2025 et depuis la promulgation de la loi, l'Habiscore est présent sur toutes les étiquettes, de la plus petite chaussette à la plus imposante combinaison de ski. Non seulement les consommateurs ont accès à la note, présentée de manière claire et lisible sur l'étiquette, mais ils peuvent aussi flasher un QR code pour en savoir plus sur le détail du score par thématiques, de l'avis détaillé sur la marque, des commentaires des consommateurs... L'Habiscore va de A à E : A étant la meilleure note et E la moins bonne. La méthodologie de calcul prend en compte trois grands critères, impact du produit sur les Hommes, sur les Animaux et sur l'Environnement, et quatres principes de notation - proportionnalité, transparence, amélioration continue et impartialité.
En 2019, on commençait déjà à percevoir les signes avant coureurs dans l'alimentaire. Les apps pionnières s'appelaient Yuka, BuyorNot ou Kwalito. Elles avaient réussi à s'imposer rapidement et créer de nouvelles habitudes que les dirigeants des marques - directeur marketing en tête - ont dû prendre en compte. C'est maintenant devenu si banal de scanner un produit avant de l'acheter !
Aujourd'hui en 2025, l'industrie de la mode est au même niveau que l'était l'alimentaire en 2019. D'ailleurs Adidas vient de modifier près de 900 compositions d'articles pour être meilleur sur l'Habiscore, exactement comme Intermarché quelques années auparavant. Et il y avait urgence. En 2019, la mode représentait la 2ème industrie la plus polluante au monde avec plus de 100 milliards de vêtements produits chaque année et une durée de vie qui s'était réduite de moitié entre 2003 et 2019.
Regardons de plus prêt comment les marques ont dû évoluer :
1/ Tout d'abord, sur l'approvisionnement
En 2019, la chaîne de valeur textile était trop fragmentée : trop d'intermédiaires, trop de kilomètres parcourus par un vêtement et parfois, des conditions de production peu respectueuses des travailleurs.
Déjà en 2017, la créatrice danoise Martine Jarlgaard avait mis en place une blockchain pour tracer le cycle de vie d'un pull en alpaga sur l'intégralité de la chaîne de production pour que tout le monde ait accès aux informations sur les partenaires, le lieu et la date à chaques étapes ainsi que les matériaux et produits utilisés. Ce n'est donc pas un hasard si aujourd'hui en 2025, Martine Jarlgaard est une des marques les mieux notées par l'Habiscore. Ces services de type BaaS (Blockchain as a service) se sont désormais démocratisés. Pour n'importe quelle marque, il devient possible de mettre en place ce genre de suivi sur leurs chaînes de production, et ce à moindre coût.
2/ Sur l'étape de la confection
En mars 2025, Zara a mis au point une intelligence artificielle capable de décider de la meilleure orientation à prendre pour chaque matière première grâce à une analyse en temps réel les ventes et retours en ligne et en magasin, la popularité des produits sur les réseaux sociaux et prend aussi en considération les facteurs externes comme la météo, les fêtes nationales ou l'actualité internationale. Ce système révolutionnaire a permi de réduire drastiquement les invendus et faire augmenter mécaniquement les notes Habiscore des produits Zara.
En novembre 2025, Farfetch a décidé de relocaliser sa production et lancer ses propres ateliers de confections. Ce sont des espaces ouverts, collaboratifs et modulaires, qui proposent de produire à la demande à partir d'une sélection de tissus recyclés. Il est aussi possible d'arriver avec ses propres tissus ou son propre fichier numérique, choisir sa découpe laser, et de concevoir ses habits accompagnés par les coachs Farfetch. L'espace propose aussi un service d'aide à la création pour les jeunes marques et influenceurs afin de leur permettre de réaliser facilement des petites et moyennes séries et à des prix compétitifs.
3/ Sur la fin de vie du vêtement :
En 2019, la production à base de matière recyclées était déjà en plein boom. Beaucoup de marques, créateurs et petits labels s'y essayaient. C'était le cas des Récupérables, qui récoltaient les chutes d'atelier et linge usagés chez Emmaüs pour produire 2 collections par an dans des ateliers d'insertion en France. Cette tendance s'est complètement accélérée, et aujourd'hui en 2025 Adidas montre la voix. Le groupe avait annoncé en 2019 une chaussure faite d'un seul matériau et entièrement recyclable baptisée "Futurecraft Loop". Commercialisé en 2021 le modèle a été un succès planétaire à tel point qu'Adidas a choisi de généraliser cette technique pour l'ensemble de ses modèles à partir de 2025. Ce choix a permis à Adidas d'augmenter les Habiscores de ses produits en France, beaucoup sont passés à B voire A.
Au final c'est bien toute la chaîne de valeur et la stratégie produit des marques qui ont dû évoluer pour les produits aient la note la plus élevée possible sur l'Habiscore.
À votre avis, quel score auront vos vêtements en 2025 ? Plutôt A ou plutôt D ?
Mini-bio :
Nicolas Cabanes est analyste chez Fabernovel où il effectue des recherches et des analyses stratégiques qui appuient la création de nouveaux produits et services numériques. Nicolas a travaillé également sur les études Gafanomics de Fabernovel : WeChat et Slack. Avant de rejoindre Fabernovel, Nicolas a travaillé chez Ubisoft en tant que Junior Product Manager au sein du studio dédié à la production de jeux sur mobiles. Il a également contribué au développement de la start-up Prêt à Pousser et accompagné un domaine indien de thés rares dans leur transformation digitale et stratégie d'innovation à long terme. Nicolas est diplômé de l'ESSEC Business School, où il a suivi le cursus de la chaire Media & Digital.