[Peps Lab] Mais pourquoi y a-t-il autant de chaises dans les magasins américains?
En direct de New York, Catherine Barba, spécialiste du retail, analyse les tendances en magasin. Elle fait, ici, un focus sur l'aménagement et ses conséquences sur le comportement d'achat des clients.
Je m'abonneDepuis trois mois, je remarque une étonnante propension des commerçants américains à proposer partout des espaces pour s'asseoir: des bancs dans la rue, devant les vitrines, des sièges, canapés, tabourets ou chauffeuses à l'intérieur des magasins...
Cette très sérieuse étude conduite en 2015 par le BCG et le Fashion Institue of Technology me donne enfin une piste de réponse: plus on passe de temps dans un magasin révèle l'étude, plus on a de chance d'y faire un achat; assis, on peut même aller jusqu'à dépenser 40% de plus que si on reste debout! Je comprends mieux cette tendance à l'apologie du "slow-shopping": plus que la rapidité ou la facilité de l'achat, de plus en plus de directeurs de magasins se concentrent sur les moyens, assis ou debout, de faire durer la visite.
Ne dites plus magasins mais "life-style centers"
Dès lors, tout est bon pour prolonger le temps passé sur le point de vente qui vise à devenir un lieu de vie, de divertissement et d'expérience enrichissante plus qu'un simple lieu d'achat.
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Chez Shakespeare & Co à New York, je ne sais dire si je suis dans une librairie qui fait café ou un café qui vend des livres (et qui offre aussi, avec son Writer's corner, de publier à compte d'auteur, ou d'imprimer en format de poche les 14000 ouvrages de la librairie avec l'Expresso Book Machine). Un endroit fabuleux où je passe bien deux heures chaque semaine et d'où je ressors systématiquement avec des livres.
Chez Lowes Foods, chaîne de 94 supermarchés en Caroline du Nord, on propose self-checkout, caisse express, commande en ligne avec livraison à domicile pour les plus pressés ; mais, dans 29 magasins, on peut aussi s'arrêter pour planter et cueillir des herbes fraîches dans le jardin du magasin, apprendre à brasser de la bière artisanale dans le Beer Den ou profiter de la "Chicken Kitchen", un espace d'animation autour du poulet pensé dans un esprit Disney, où les vendeurs exécutent une petite danse pour célébrer chaque poulet rôti qui sort du four.
Chez le très chic Club Monaco de la 5e Avenue, la chaîne de vêtements qui appartient à Ralph Lauren, on peut arrêter le temps en achetant des fleurs fraîches, s'installer dans la bibliothèque, se poser au bar à café ou whisky. À Montréal, c'est une boulangerie qui a été ouverte à l'entrée du magasin, un marché fermier à Toronto et Hong-Kong. Chaque Club Monaco déploie ainsi sa personnalité et teste une nouvelle forme de "slow-shopping" adaptée à la clientèle.
Chez Origins, moins de produits et une façon innovante d'impliquer les équipes de vente
Dans ses magasins de New York, la marque de cosmétiques Origins teste, de son côté, deux directions pour faire durer le temps de visite : le "comme à la maison", avec une longue table centrale (et des chaises autour!), un lavabo de salle de bain pour essayer les savons, gommages et lotions, un mur éclairé pour les selfies...
Ils prônent aussi le "fewer products, more storytelling", moins de produits et plus d'histoire: le nouveau design des magasins révèle des linéaires entièrement couverts de flacons et de jarres emplies des composants naturels utilisés pour fabriquer les produits (gingembre, curcuma, rose de Jericho...).
Scénarisés comme des trésors, les accessoires ne sont pas à vendre, ils sont faits pour raconter, faire voyager les clients dans le temps, inscrire la marque dans son histoire, rassurer et donner envie. Un pari apparemment payant: le CEO affirme que ce nouveau format où les clients passent plus de temps génère de 20% à 40% de ventes supplémentaires. (Gageons qu'en intégrant des linéaires intelligents capables de pousser au client des vidéos sur son smartphone pour chaque produit qui l'intéresse, Origins pourrait encore améliorer cette performance).
Intéressant enfin: dans certains magasins, les équipes de vente (renommées les "guides") ne sont pas commissionnées au variable sur les ventes "parce que 75% de la décision d'achat est faite en ligne, avant le magasin" mais récompensées collectivement pour leur capacité à faire revenir au travers de deux indicateurs: la collecte d'informations sur le client, et les efforts pour garder le lien, quel que soit le canal.
Et vous?
Faire durer le temps de visite est-il un objectif? Comment impliquez-vous vos vendeurs pour en faire les artisans d'une nouvelle forme d'interaction avec les clients?
Catherine Barba
s'est installée à New York en septembre dernier pour observer et raconter les mutations du commerce, des marques etc. Elle y a créé PEPS : Plein d'Expériences pour se Réinventer. Pour emarketing.fr, elle déniche des idées qu'elle partage tous les 15 jours dans sa chronique [Peps Lab]. Pour lire ou relire ses chroniques, c'est ICI.