[Big Data 2016] La protection des données freine-t-elle l'essor des marques ?
Les nombreuses législations encadrant l'utilisation des données sont-elles des obstacles à la croissance des entreprises en Europe ? Des experts ont exprimé leur points de vue sur ce sujet sensible au cours d'une table ronde organisée sur le salon Big Data Paris. Compte-rendu.
Je m'abonne"Souveraineté des données : la fin de la naïveté ?" Le thème de la table ronde organisée par le salon Big Data Paris trouve un écho puissant dans l'actualité, alors qu'une bataille juridique est en cours entre Apple et la justice américaine, suite au refus de la marque d'ouvrir au FBI l'accès aux données d'un Iphone utilisé par un terroriste.
Au cours de cette conférence, plusieurs personnalités, des secteurs publics comme privés (voir ci-dessous), ont échangé à propos de l'impact de la réglementation sur l'usage, la protection et le partage des données.
Tout d'abord, définissons les termes. "La protection des données recouvre deux notions différentes : pour les entreprises, il s'agit d'une question de sécurité ; pour les particuliers, cela relève de la protection de la vie privée", précise Elias Baltassis, directeur data & analytics de Boston Consulting group.
- En France, chaque entreprise doit déclarer à la Commission Nationale de l'Informatique et Libertés (CNIL) tout traitement de données personnelles si la société est établie sur le territoire national, et identifier clairement le responsable du traitement des données (personne morale). Pour en savoir plus, consultez la rubrique "Informatique et Libertés : suis-je concerné ?" sur le site de la CNIL.
Les Européens trop frileux, les Américains trop permissifs ?
Les données sont capitales pour les entreprises : "elles constituent un actif stratégique dans notre domaine d'activité, nous en prenons le plus grand soin", explique Edouard Perrin, directeur marketing et digital de la compagnie d'assurances MACSF.
Cependant, de nombreux professionnels jugent que la législation européenne, trop contraignante, freine le développement économique en matière d'innovation numérique face aux Américains. A ce sujet, Gilles Babinet, président du conseil national du numérique, apporte quelques précisions : "Ce qui caractérise l'approche américaine, c'est que la régulation se fait a posteriori des expérimentations, à l'inverse de l'Europe et de la France, où nous avons inscrit le principe de précaution dans notre Constitution. Pour autant, la législation américaine n'est pas permissive, loin de là : en cas de fuite de données ou d'une utilisation frauduleuse, les amendes sont très sévères !"
Protéger vs. Innover : cruel dilemme ?
Mais la protection des données empêche-t-elle l'innovation ? "Non, répond Sophie Narbonne, directrice de la conformité à la CNIL. Il est possible d'innover sans pour autant outrepasser les droits des individus." Un avis partagé par Vincent Strubel, vice-directeur expertise de l'ANSSI (agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques) : "On oppose trop facilement sécurité et croissance. Or, l'un ne va pas sans l'autre". "Il faut trouver le bon équilibre entre sécurité et business", affirme de son côté Edouard Perrin.
Big Data : quel rôle pour l'Etat ?
Selon Gilles Babinet, "il existe dans la législation des contre-sens technologiques : certains hébergeurs ont des niveaux de sécurité bien supérieurs à la conception mêmede la protection de certains textes juridiques." Il poursuit : "J'observe une méfiance nouvelle de la société civile vis-à-vis de la législation sur la protection des données. Les gouvernements sont-ils en mesure d'assurer le secret des conversations ? Rien n'est moins sûr. Ce qui prévaut, c'est le consensus implicite entre les plateformes et leurs utilisateurs".
D'un autre côté, "les particuliers ne font plus confiance aux entreprises dans l'utilisation de leurs données", affirme Elias Baltassis (Boston Consulting Group). Face à cette défiance, Sophie Narbonne promeut la collaboration entre acteurs publics et privés pour parvenir à un accord satisfaisant : "Nous sommes convaincus que l'innovation responsable nécessite de briser les silos entre les différents acteurs, qui doivent travailler ensemble sur ce sujet : entreprises, législateurs, régulateurs, et hébergeurs."
À la fin des échanges, la question de la relation entre protection des données, innovation et essor des marques reste en suspens.