Nom de marque vs. son de marque, veillez au bon équilibre du sens
WAZZAA... ! Les sons prennent le dessus sur le sens. En quelques mois le "Whassup ? !", qui signifie "What's up ?", c'est-à-dire "Quoi de neuf ?" des copains de la pub Budweiser est devenu le mot de passe des jeunes internautes, lycéens et autres adolescents pour dire tout et n'importe quoi, l'équivalent d'un "ça va bien". Voilà encore une spectaculaire démonstration de l'impact que la publicité peut avoir sur le langage. Ce phénomène de société est aussi le reflet d'une tendance qu'adoptent beaucoup de nouvelles marques : elles ne veulent plus rien dire de très précis, mais elles sonnent bien.
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Les consommateurs vont-ils s'y retrouver dans cette avalanche de nouvelles
marques qui a déferlé sur le paysage économique depuis ces dernières années ?
On annonce, à l'INPI, 74 482 marques françaises déposées en 2000. Soit une
progression de 14,1 % par rapport à 1999. Ces chiffres en forte croissance
illustrent aussi le besoin grandissant de recherche de nouveaux noms originaux
auxquels sont confrontés les créatifs. En observant les noms de marques et
d'entreprises récemment créés, on voit que les mots généralement empruntés aux
5 000 langues naturelles du monde ne semblent plus suffire. Cet emballement de
nouvelles dénominations a engendré un glissement subtil vers les "marques de
son" au détriment des "marques de sens". Qu'ils fassent partie de la tribu des
"oo" avec les Noos, Wanadoo, Yahoo, ou des "is" Natexis, Novartis, tous ces
noms de marques sont le fruit de la recherche de créateurs spécialisés. Mais
ces néologismes semblent bien davantage reposer sur la recherche d'effets
sonores que rendre compte du savoir-faire, du caractère ou de la personnalité
de l'entreprise cliente. Ces nouveaux noms sentent fort la "manipulation
syllabique" assistée par ordinateur. Les plus fervents défenseurs de cette
démarche la justifient par la capacité de ces mots nouvellement créés à être
plus facilement mémorisables, par leur possibilité de déclinaison instantanée à
l'international. Evidemment il n'y a pas besoin de traduire quelque chose qui
ne veut rien dire... Peut-être s'agit-il de la forme marketing de l'espéranto.
Ce nouveau type de nom de marque sonore souvent dénué de fondement et de sens
est-il pérenne ? N'est-il pas condamné à la communication à perpétuité pour
continuer d'exister ?
Rééquilibrer les sens
Ces
nouveaux noms posent une autre question : l'entreprise et ses produits ne
sont-ils pas passés au second plan, vampirisés par l'impact sonore du nom de la
marque ? Pour les consommateurs, la marque représentée par son logotype est une
bannière rassurante qui doit être instantanément identifiable et
compréhensible. C'est un refuge reconnu dans lequel on veut trouver une
expertise, voire une excellence. Aujourd'hui plus que jamais, les gens sont en
quête de mots et de signes qui vont leur assurer une réelle tranquillité
d'esprit. Ils veulent consommer en toute sécurité sans prendre le risque de
compromettre leur bien-être et leur santé. Car, alerte après alerte, crise
après crise, le doute s'est installé. Il apparaît maintenant indispensable de
bien pouvoir identifier l'origine de tout ce que l'on consomme et d'obtenir
ainsi des garanties qualitatives. Rappelons qu'une marque est un ensemble
composite qui s'adresse à plusieurs de nos sens : l'ouïe, certes lorsque la
marque est lue ou entendue, mais aussi la vue, lorsqu'on la croise du regard ou
le toucher sur certains produits de consommation ou biens d'équipement. Aussi,
pour ces marques idiomatiques au contenu plutôt flou qui sonnent comme des
musiques et qui privilégient la forme sur le fond, il serait impératif de créer
du sens par le biais d'un graphisme qui véhiculera le message. Le rééquilibrage
du sens d'un nom de marque à dominante sonore par un design d'enracinement, de
contenu et de valeurs est d'autant plus important que les sons se démodent très
vite. Il paraît que crier "Whassup ? !" est déjà "has been" aux Etats-Unis. Les
marques "oo" ne sont-elles pas devenues des images stéréotypées à cataloguer
dans l'époque frénétique de la ruée vers la nouvelle économie à la fin du
deuxième millénaire ? Le capital d'une marque ne se construit pas sur de
l'éphémère. Le couple nom de marque-logotype doit exprimer par sa personnalité
un positionnement clair, un territoire de compétence fort et des valeurs
sincères. Ainsi, tous les signes de sens transmis par la marque la rendront
plus solide et par voie de conséquence plus durable, car moins dépendante des
mouvements socioculturels et des aléas de la mode. Pour toute création de
nouvelle marque, un travail simultané de la création du nom de marque et de son
expression graphique doit être plus systématiquement engagé. L'acte de création
du nom est indissociable de celui de la conception de son image. Ainsi, on peut
jouer avec l'ensemble de la dimension sensorielle que va communiquer le mot
devenu marque. Cette démarche cohérente nous permettra d'aller encore plus loin
dans l'originalité et l'impact de nos créations. La marque pourra alors vivre
par elle-même, sans pour autant dépendre d'un matraquage publicitaire pour
exister.