DossierLa nouvelle génération de malls à la pointe de l'innovation
5 - Jean-Michel Silberstein (CNCC) : "Mall 2.0 : loisirs et shopping, la nouvelle formule du commerce de demain"
Les malls cubiques des années soixante-dix ont fait leur temps. L'heure est aux centres commerciaux nouvelle génération. Bienvenue dans ce nouveau monde de l'entertainment et du high-tech, décrit par Jean-Michel Silberstein, délégué général du conseil national des centres commerciaux.
Marketing Magazine : Un atelier culinaire à Aéroville, un chef étoilé en gare Saint-Lazare, un défilé de mode à la Part-Dieu, haute voltige et zumba à Évry 2... On a du mal à croire que nous sommes encore dans des temples de la consommation. Que s'est-il passé ?
Jean-Michel Silberstein : L'e-commerce a entraîné une mutation du comportement du consommateur... qui peut acheter sur Internet sans se déplacer. D'où le besoin de rendre les centres commerciaux plus attractifs et plus conviviaux. Aux États-Unis, par exemple, plus d'un quart de la surface de ces établissements n'est plus consacré à des commerces. à titre indicatif, pour un hypermarché régional, cela représenterait plus de 25 000 m2 entièrement dédiés aux services, au divertissement, à des brasseries... Plus rapidement atteints par la crise, les Américains ont compris avant nous qu'ils devaient travailler l'attractivité de leurs établissements pour attirer du monde.
Quels sont les autres axes de développement ?
Cela passera par une ouverture plus tard le soir et pour les plus grands centres, 7 j / 7. Le CNCC milite d'ailleurs pour élargir l'ouverture dominicale, ce qui va dans le sens de l'histoire. à partir du moment ou` les promoteurs développent des lieux de divertissement, des sites d'événementiel et des espaces de restauration, les centres commerciaux devenant de vrais lieux de vie, il paraît inconcevable de ne pas être ouvert au moment ou` on peut le mieux répondre aux sollicitations des visiteurs !
Quid de l'apport des nouvelles technologies ? Est-ce une opportunité pour les malls ?
Les consommateurs sont de plus en plus connectés. Désormais, ils veulent du high-tech pour renouveler leur expérience de consommation. Ainsi, un centre doit pouvoir s'interfacer avec ces nouveaux outils que sont les smartphones, les tablettes... de manière à interagir avec les clients.
Quel est, selon vous, l'exemple de centre le plus probant en la matière ?
En ce qui concerne l'Europe, sans hésiter, celui de Westfield, à Londres. Lorsque le consommateur se promène dans le mall, il est tenté et séduit en permanence. Il reçoit sur son mobile les promotions d'une enseigne qui l'a reconnu, est informé en temps réel de l'actualité du centre. Quand il souhaite retourner au parking, la géolocalisation se met en route pour lui permettre de retrouver facilement sa voiture. Bref, tout est fait pour faciliter la vie du consommateur. C'est l'exemple type de ce vers quoi il faut aller.
Chaque centre a désormais sa page Facebook. Est-ce un passage obligé ?
Le mall doit recruter des visiteurs et, pour ce faire, il lui faut utiliser tous les moyens à sa disposition. Sachant qu'il dispose d'une puissance de feu sans égal. Quand une boutique aura recruté 20 000 fans pour leur faire passer un message, le centre, lui, en aura plusieurs centaines de milliers !
En résumé, le centre commercial doit pouvoir communiquer, donc être en relation directe avec le consommateur. Autrement dit, agir comme une marque...
Tout à fait : l'idée est de professionnaliser la relation avec le visiteur. Pour cela, des fonds marketing, en accord avec les enseignes, sont graduellement mis en place dans chaque centre pour financer différentes opérations et faire des économies d'échelle. Les foncières mutent, passant ainsi d'une logique de loueur d'espaces commerciaux à un statut de partenaire privilégié des commerçants, favorisant le chiffre d'affaires.
Ce qui passe par un changement d'interlocuteur ?
Effectivement, les Unibail, Altarea, Klépierre et consorts interagissent désormais avec les directions marketing et les directions générales des enseignes et non plus uniquement avec les directions immobilières. Qui dit nouveaux interlocuteurs, dit nouveaux modes de fonctionnement. Les foncières possèdent désormais bon nombre d'informations sur le visitorat: nombre de visiteurs uniques, informations issues des nouvelles bases de données... Elles mettent aussi des outils de marketing direct à disposition des commerçants et communiquent les promotions des boutiques, par exemple.
Pas d'opposition, donc, entre les enseignes qui disposent de sites web marchands et les centres commerciaux ?
Tous les experts le savent : pour qu'une enseigne génère un bon chiffre d'affaires sur Internet, elle a besoin d'une présence physique, et le centre commercial reste l'environnement idéal pour cela. Toutefois, le commerce physique ne pourra résister, à terme, que si les prix pratiqués dans les magasins sont très proches, voire identiques, à ceux proposés sur le Web. Aux états-Unis, de plus en plus de marques, comme Staples, ont déjà aligné leurs tarifs. C'est pourquoi l'organisme que je représente, le CNCC, plaide en faveur d'une véritable équité fiscale avec l'e-commerce, seul moyen d'atteindre cet objectif.
Vous évoquez un turn over positif dans les centres commerciaux, mais peut-on parler d'une accélération de l'obsolescence des concepts ?
Par exemple, dans la mode, les concepts vivent au départ en surrégime, dégageant des chiffres d'affaires supérieurs à ce qu'ils devraient normalement réaliser. En ce moment, Primark, Top Shop, Forever 21 et consorts ont les faveurs du public et font le buzz. Il y a deux ans de cela, Hollister plaisait énormément en France. Il est probable qu'à terme, le soufflé retombera un peu et que cette marque continuera de s'implanter mais avec des performances plus conformes aux standards de la profession.