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[Tribune] L'indispensable adaptation des programmes de fidélité

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[Tribune] L'indispensable adaptation des programmes de fidélité

Comme le montre une récente étude de Dia-Mart Consulting, les programmes de fidélité doivent prendre en compte les évolutions du marketing : horizontal, émotionnel et digital.

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L'étude menée, de janvier à mars de cette année, par Dia-Mart Consulting(1) sur les enseignes françaises de distribution spécialisée montre l'urgence à moderniser les programmes de fidélité, de plus en plus banalisés et encore peu en phase avec les nouvelles frontières du marketing.

Des avantages trop standardisés et trop financiers

Huit enseignes spécialisées sur dix proposent une mécanique cumulative, le plus souvent sous forme de points à transformer en bons d'achat. À cette standardisation s'ajoute une faible générosité : le niveau de générosité (c'est-à-dire le montant de la récompense par rapport à la somme dépensée pour l'obtenir) est en moyenne de 4%.

Mais il s'agit de la générosité affichée. Le coût réel pour les enseignes est de l'ordre de 1% du chiffre d'affaires des adhérents. Car les programmes imposent beaucoup de contraintes et au final, trop peu de clients bénéficient d'une récompense, ce qui génère beaucoup de frustration.

Ainsi, certains distributeurs ne permettent pas de cumuler des points pendant les soldes, ou d'autres empêchent d'utiliser son bon d'achat dans un autre magasin de l'enseigne que celui où l'on a ouvert la carte de fidélité. La distribution spécialisée est encore loin des standards de l'alimentaire, où l'on peut utiliser sa cagnotte dès le premier centime accumulé, sans restriction.

Certes, d'autres avantages moins "transactionnels" se sont développés, souvent sous forme de services qui facilitent la vie des bons clients (des caisses réservées pour les clients Fnac One, ou de nouvelles formules de livraison express en test chez Conforama) et de privilèges tels que des invitations à des ventes privées ou des avant-premières. Mais au final, les programmes restent avant tout fondés sur une "récompense financière" de la fidélité : une fidélité d'intérêt, et non une fidélité de coeur.

Vers des programmes "horizontaux et émotionnels" ?

L'évolution des relations entre marques et clients appelle une adaptation des programmes. Une étude toute récente d'IBM aux États-Unis montre un divorce consommé entre marques et enseignes : 81% des marques estiment avoir une bonne compréhension des clients, quand seulement 37% des clients partagent ce satisfecit à propos de leurs enseignes préférées !

Dans une société de consommation moins verticale, le digital et la crise imposent des relations "marques / clients" fondées sur la confiance et la connivence, plus que sur la dévotion et l'appartenance. Les clients veulent bien être dragués et séduits... à condition que cela soit fait avec plus de subtilité, de reconnaissance, de respect de leur unicité, et dans le cadre d'une relation plus équilibrée voire "collaborative".

Ainsi, certains retailers anglo-saxons commencent à récompenser les clients sur d'autres critères que les transactions, telles que l'engagement du client aux côtés de la marque. Attention, il ne s'agit pas d'acheter une allégeance factice, comme donner des points aux clients qui postent un commentaire sur la page Facebook de l'enseigne : cette pratique est emblématique des vieilles méthodes obsolètes ("je te paie pour que tu m'aimes"). En revanche, récompenser les clients pour les comportements qui montrent leur proximité à la marque et à ses valeurs fait pleinement sens ("je te remercie d'être proche de moi").

Les programmes de fidélité sont le vecteur naturel de la personnalisation de la relation, et donc du renforcement de leur contenu émotionnel, à condition qu'ils traduisent une prise de conscience sincère de la marque, et non une simple recherche d'efficience des techniques de CRM... Les postures de marque doivent donc évoluer pour conserver l'attachement des clients, et les programmes de fidélité sont (avec le personnel en magasin) le meilleur vecteur pour faire naître cette nouvelle relation.

Vous avez dit "digital" ?

Autre grand enseignement de l'étude : le retard important pris par les enseignes françaises en matière de fidélité multicanal et crosscanal. Dans une enseigne sur deux, le magasin est le seul canal d'adhésion au programme : un client e-commerce ne peut pas adhérer au programme en faisant ses achats en ligne !

Même constat inquiétant pour le système de récompense, puisqu'une enseigne sur trois ne permet ni de cumuler, ni d'utiliser sa récompense sur son site marchand. Un déficit de crosscanalité qui s'explique par des freins techniques et organisationnels, mais impossible à comprendre pour des clients qui sont, eux, tout à fait crosscanal.

Enfin, la mobilité reste le grand absent de nombreux programmes. Ainsi, à part dans la restauration, peu d'enseignes proposent d'adhérer à leur programme via un smartphone. Au moment où le paiement mobile et les autres applications digitales sont en passe de faire du smartphone "l'assistant shopping" universel, il y a là un gap à combler d'urgence!

Vers des programmes réellement relationnels

Les programmes de fidélité n'ont de sens et de rentabilité que s'ils contribuent à "faire préférer l'enseigne". Cela passe bien sûr par une mécanique de récompense et de stimulation commerciale optimisée - mais il devient urgent d'aller au-delà.

D'une part en proposant une expérience fidélité véritablement multi-supports et crosscanal, le mobile devenant le device incontournable.

D'autre part en adoptant une relation plus authentiquement proche, complice, horizontale avec les clients. Ainsi, les "cadeaux" (sous forme de surprise par un geste exceptionnel correspondant aux centres d'intérêt du client) sont une preuve d'amour bien plus puissante que des points transformés en bon d'achat.

(1) Méthodologie : étude portant sur les programmes de fidélité de 56 enseignes françaises de distribution spécialisée, dans 12 secteurs : électrodomestique, bricolage, meuble, beauté, sport, grands magasins, jardinerie, mode femme, mode homme, bazar, jouet, restauration. Analyse réalisée de janvier à mars 2015, à partir des sites web des enseignes, des documents récoltés en magasins et des appels aux services clients.

L'auteur :

Eric Lebailly est directeur associé en charge du Marketing Clients & CRM chez Dia-Mart Consulting, cabinet dédié à l'accompagnement des retailers. Il a travaillé chez Cofinoga, Kering et Sopra Consulting avant de rejoindre Dia-Mart Consulting et de créer le département Marketing Clients & CRM en 2011. Spécialiste des programmes de fidélité, des stratégies relationnelles d'enseignes et de l'expérience clients crosscanal, Eric Lebailly a une trentaine de conceptions de programmes relationnels à son actif, en France et à l'international, dans différents secteurs du retail.



 
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