Trust Barometer : Comment redonner confiance après la pandémie ?
La pandémie a érodé la confiance de la population envers les figures d'autorité, tant politiques que médiatiques ou économiques. Dans la dernière version de son Trust Barometer, Elan Edelman documente cette "infodémie", tout en livrant quelques pistes pour lutter contre cette défiance généralisée.
Je m'abonneQuelles sont les craintes des Français ?
La peur du Covid n'est pas la principale crainte des Français. Selon le Trust Barometer 2021 "seulement" 65% des Français se disent concernés par le virus, ce qui en fait leur quatrième préoccupation. Seulement un tiers avoue craindre de l'attraper. L'inquiétude majeure reste économique et liée à l'employabilité : 82 % des Français affirment être inquiets de perdre leur emploi suite à la crise sanitaire, 47% avouant même une véritable peur sur le sujet. 59 % craignent d'ailleurs que la pandémie n'accélère le remplacement des travailleurs par l'IA et les robots.
Le deuxième préoccupation majeure des Français est le changement climatique : 73% sont préoccupés, et 40% effrayés par le sujet. La cyber-sécurité arrive en troisième place des sujets de préoccupation, avec 72% des Français se sentant concernés, et 36% vraiment préoccupés. Enfin, la perte de liberté est le cinquième sujet de préoccupation.
Par rapport à la dernière édition du baromètre, on retiendra également que les Français sont 65 % à penser qu'il est désormais plus important d'améliorer le système de santé, 56 % à vouloir davantage lutter contre le changement climatique et 55 % à accorder une plus grande importance à la transformation du système éducatif. De plus, l'activisme est en progression chez les consommateurs comme chez les employés. 64% des consommateurs estiment avoir aujourd'hui le pouvoir de faire évoluer les grandes entreprises et marques et 47 % des employés déclarent être plus susceptibles d'exprimer leur désaccord avec la direction qu'ils ne l'étaient il y a un an. Un point que nuance Amélie Aubry : "Le sociologue Gérald Bronner, qui animait la restitution de l'étude ce 11 mars, rappelait que les boycotts menés par les consommateurs avaient généralement peu d'impact, au contraire de ceux menés par des gouvernements." Ainsi, faut-il s'inquiéter de voir les entreprises ne pas prendre en compte les craintes des consommateurs ?
De son côté, Antoine Harary, Global COO et Directeur Général d'Edelman Data & Intelligence (DxI) indique : " La confiance dans les figures traditionnelles de l'autorité est en chute libre en France, et dans le même temps les Français attendent des changements importants pour répondre à la crise. En matière de santé, d'éducation ou de protection des libertés et droits individuels. La conjonction de ces deux phénomènes crée une tension qui invite les citoyens, les consommateurs et les employés à un rapport de force pour arracher à des élites - qu'ils jugent hors sol - les changements indispensables à leurs yeux. "
L'employeur, le dernier bastion de confiance
Ainsi, les entreprises ont plus que jamais une carte à jouer dès lors qu'il s'agit de faire coïncider les objectifs business et les enjeux en matière d'actions responsables. Si les Français sondés sont seulement 33% à faire confiance aux patrons en général (-7 points), ils sont 52% à croire leur patron. Le Trust Barometer 2021 montre en effet que dans le contexte de crise, l'employeur est l'une des dernières figures d'autorité à bénéficier d'un bon capital confiance : 70 % des Français déclarent avoir confiance en leur employeur (+3 points) et 44 % déclarent que leur employeur a su créer un environnement propice pour retourner au travail en sécurité : l'employeur est devenu une figure stable face à l'incertitude générée par la crise sanitaire. Dans un paysage médiatique envahi par la défiance, cette figure émerge comme un filtre à l'accès à l'information et joue un rôle clé dans la préservation de la qualité de l'information. 66 % des Français affirment croire les informations émanant de leur employeur.
Pour Amélie Aubry, les entreprises "doivent amener un éclairage simple et factuel lorsqu'il s'agit d'amener de l'information, au même titre que ce qui est fait en matière de communication alimentaire. Quand il s'agit de santé, il ne faut pas instrumentaliser. Bien sûr, il faut rester dans son secteur d'activité, là où l'on est légitime pour ne pas brouiller l'image envoyée. Mais la crise a montré l'intérêt de communiquer simplement lorsqu'il s'agit d'expliquer la raison d'une rupture de stock, ou ce qui pousse une entreprise à produire du gel ou des masques. Aussi, en mettant en avant leurs employés, en libérant la parole en interne et en agissant pour réduire les craintes évoquées précédemment, les entreprises ont une formidable occasion de faire de leurs employés des ambassadeurs."
Et pour emmener la base, quoi de mieux que de voir la direction s'engager ? En effet, 75 % des sondés estiment que les leaders économiques ont une responsabilité envers le grand public, 67 % attendent des dirigeants d'entreprises qu'ils s'impliquent publiquement dans la gestion des problèmes de société lorsque le gouvernement ne les résout pas et 66 % souhaitent que les dirigeants, et particulièrement les CEO, deviennent leaders du changement. Reste ensuite à convaincre les actionnaires... L'actualité autour de l'éviction d'Emmanuel Faber de la direction générale de Danone nous le rappelle cruellement.
Comment renouer avec la confiance ?
Enfin, le Trust Barometer 2021 nous livre quelques clés pour renouer avec la confiance, dont pourraient s'inspirer les entreprises :
Fournir de l'information de qualité permet ainsi d'augmenter la confiance de 5,8%. Mettre en place des pratiques durables au sein de l'entreprise améliore la confiance de 5,7%. La réponse apportée à la pandémie, et les actions mises en place pour assurer la sécurité de tous impactent positivement de 4,8% la confiance. Enfin, les actions d'oeuvrer pour la prospérité économique et privilégier une vision de long terme à une recherche de profits à court terme améliorent respectivement la confiance de 4,7 et 4,6%.
Pour sortir de l'infodémie, les patrons doivent s'engager et sortir de leur rôle purement économique pour s'emparer des questions environnementales et sociétales. Avec toujours une préférence pour l'action concrète plutôt que de beaux discours. Des actions qui devront être documentées par des preuves, et qui nécessitent une plus grande collaboration entre des acteurs comme les entreprises, mais aussi les gouvernements, les ONG et les simples citoyens.