Les marques en FORME OLYMPIQUE
Le sport business dépasse aujourd'hui très largement les aires de jeu. D'ici à 2015, le secteur devrait atteindre 145 milliards de dollars de revenus. Les Jeux olympiques de Londres vont contribuer à la bonne santé du secteur et ce, malgré la crise.
Je m'abonneSommaire du dossier
« Les Jeux olympiques sont la manifestation la plus importante au monde. C'est une grand-messe médiatique et sportive qui réunit des milliards de personnes à travers le monde. Sa rareté, la force symbolique de l'olympisme, l'universalité et la pression médiatique incomparable sont des atouts déterminants pour les marques. D'autant plus que les JO vont au-delà du sport: ils ont une portée politique, c'est un style de vie, l'incarnation de la paix entre les peuples », explique Virgile Caillet, directeur de KantarSport au sein de Kantar Media (voir interview, page 24) . Un constat que la marque Visa a bien assimilé. Pour cette 30e édition des Jeux olympiques, qui se dérouleront à Londres du 27 juillet au 12 août prochains, la marque se sert du tremplin de l'olympisme pour soutenir sa communication. Au programme, un spot publicitaire TV et web dans lequel apparaissent des célébrités du sport, comme l'épéiste Laura Flessel, le handballeur Nikola Karabatic et surtout le sprinter Usain Bolt. But de la manoeuvre: recourir aux services de l'homme le plus rapide du monde pour valoriser sa technologie Visa PayWave contactless, qui devrait permettre aux possesseurs de mobile Samsung de payer grâce à leur appareil. « Londres 2012 constitue une vitrine pour notre nouvelle technologie de paiement sans contact et par mobile, qui permettra aux titulaires de cartes de profiter d'une infrastructure de paiement fiable et rapide durant les Jeux. Des qualités parfaitement incarnées par Usain Bolt », note Mariano Dima, directeur en charge des solutions marketing et du produit de Visa Europe.
Au-delà de ce partenariat, Visa et Samsung ont un autre point commun: ils font partie des «tops partenaires» de l'épreuve. Autrement dit, des multinationales qui bénéficient de droits et avantages de marketing mondial au sein de leur catégorie de produits. Des droits qui leur donnent accès à tous les athlètes et qui leur permettent d'utiliser les célèbres anneaux des JO dans leur stratégie marketing à l'échelle internationale. Au total, 11 entreprises sont concernées. Parmi elles, certaines font figure d'habituées. C'est le cas de Visa, qui est partenaire depuis 1986. Mais aussi de McDonald's, qui communique largement autour des quatre restaurants qu'il compte. Mais d'autres profitent de l'événement pour sortir de l'ombre. Procter & Gamble fait partie de ceux-là. A travers une série de spots publicitaires signés «P&G, sponsor officiel des mamans», l'entreprise de Cincinnati inaugure ses premiers JO en mettant en scène Nikola Karabatic ainsi que celle qui lui a donné le jour. Car si le spécialiste des lessives et des couches-culottes s'adresse toujours son coeur de cible - les mères de famille -, il passe aussi à l'offensive pour se faire enfin connaître du grand public. « Les consommateurs ont besoin de transparence et veulent découvrir les entreprises derrière les marques », estime Loïc Tassel, président de P&G France.
A travers sa campagne P&G, sponsor officiel des mamans", le groupe inaugure ses premiers JO en mettant en scène Nicola Karabatic ainsi que celle qui lui a donné le jour.
Les marques misent tout sur le sponsoring
Reste qu'accroître sa visibilité auprès du grand public pendant les JO a un coût. Et pas des moindres. A travers ses accords avec les 11 «top sponsors», le Comité international olympique (CIO) a récolté près de 957 millions de dollars durant les années 2010-2012. A côté, via la signature d'une trentaine d'autres partenariats, le CIO a empoché environ 1,15 milliard de dollars. Des sommes astronomiques qui ne font pas reculer pour autant les sponsors. Exemple: à elle seule, la compagnie aérienne British Airways, qui s'est contentée de repeindre une dizaine d'Airbus pour l'occasion, a déboursé 48 millions d'euros dans son partenariat avec les JO 2012. Selon Dominique Turpin, président de l'école de commerce IMD à Lausanne, ville où siège le CIO, si les marques dépensent autant, « c'est parce que les JO touchent toute la planète et un public beaucoup plus large que la coupe du Monde de football » (l'événement s'apprête à toucher plus de 4,5 milliards de personnes dans plus de 200 pays). Soit un gain énorme en termes de visibilité qui fait de cet événement planétaire un passage quasi-obligé pour les grandes marques en quête de notoriété. De son côté, avec son modèle 100 % électrique Série 1 Active E, BMW dévoile pour l'occasion sa flotte de voitures écologiques. L'objectif: contrer l'idée reçue selon laquelle les véhicules de la marque allemande sont «énergivores» et montrer que sa stratégie s'articule autour de la mobilité durable: « Les Jeux olympiques sont l'occasion de mettre en avant les technologies qui nous permettent de proposer les véhicules à la fois les plus performants et les plus économes en termes d'émission de CO
Qu'il s'agisse de Visa, de BMW ou de British Airways, ces exemples montrent à quel point le marketing du sport va à contre-courant des autres secteurs en période de crise. Selon une étude menée par PwC, entre 2011 et 2015, le marché mondial du sport serait passé de 118,7 à 145,4 milliards de dollars de revenus, avec un pic de croissance en 2014. « Durant les années paires, marquées par les coupes du Monde de football et les Jeux olympiques, la croissance est plus importante que durant les années impaires, où elle peut stagner, voire régresser », constate Matthieu Aubusson, associé PwC. Et c'est le sponsoring qui tient le haut du pavé. Selon PwC, les revenus de ce secteur progresseront ainsi en moyenne de 5,3 % par an jusqu'à fin 2015.
Sept champions composent l'équipe de BMW Team Performance.
Virgile Caillet: « Les «produits premium» (Tour de France, Roland-Garros...) sont restés des valeurs refuges »
«Le sponsoring est essentiel pour les parques en période de crise »
Sponsoring. Si le marketing sportif n'a pas échappé à la crise, il n'en reste pas moins un secteur-clé pour rehausser l'image d'une marque. Explications avec Virgile Caillet, directeur de Kantar-Sports chez Kantar Media France.
Marketing Magazine: Nombreuses sont les marques d'envergure à avoir annoncé leur volonté de réduire leurs investissements de marketing sportif. Cela est-il annonciateur d'une crise du marketing sportif?
Virgile Caillet: Le sponsoring n'a pas échappé à la crise, c'est certain. Mais on peut noter de fortes distorsions entre les sports et entre les événements, entre les différents détenteurs de droits. Il est clair que les «produits premium» (le Tour de France, Roland-Garros...) sont restés des «valeurs refuges» et qu'ils ont moins souffert de la conjoncture. Mais cette crise économique mondiale doit être aussi considérée comme une opportunité. Elle offre aux acteurs du marché de l'économie du sport l'occasion de démontrer tout le dynamisme et l'innovation de ce secteur, en imaginant de nouveaux relais de croissance: le mécénat et la dimension sociétale du marketing sportif, l'innovation technologique et la déclinaison du sponsoring en région auprès des PME.
En période difficile, il est donc important de maintenir ou de renforcer le sponsoring?
Toutes nos études ont prouvé que le sponsoring était un excellent «amortisseur» pour l'image des marques en période de crise. En effet, lorsque leur image est écornée, les entreprises très actives sur le terrain du sponsoring bénéficient d'un coefficient de sympathie qu'elles ont amassé via la proximité créée grâce au sport et aux actions sociales.
Selon une étude Sporsora, 61 % des marques en France anticipent un maintien ou une hausse des budgets de sponsoring sportif. Le sponsoring serait-il la technique-phare du marketing sportif?
Il est difficile de détacher le sponsoring du marketing sportif. Ce dernier se construit pratiquement toujours autour de droits acquis auprès d'un sportif, d'un club, d'une fédération, d'un événement. La marque ne doit pas uniquement se concentrer sur sa visibilité mais aussi donner du sens à son action. Ainsi au-delà des droits acquis (label), la marque doit permettre de valoriser le sport concerné.
Le sport dans l'ère de l'entertainment
Outre le sponsoring, un autre phénomène dope le sport business: l'expérience. Autrement dit, la transmission d'une émotion aux spectateurs lors d'un événement. Afin de créer une ambiance excitante autour d'elles, les marques n'hésitent plus à monter de vrais shows au cours des manifestations sportives. Au point de faire entrer le sport dans une nouvelle ère, celle de l'entertainment. « L'heure n'est plus au marketing transactionnel. Les individus sont devenus exigeants et considèrent le spectacle sportif comme un concurrent de Disneyland », assure Michel Desbordes, professeur de marketing du sport à l'ISC-Paris.
Manuel Berquet (Coca-Cola): « Les 18-35 ans, qui sont notre cible prioritaire, consomment davantage de sport sur Internet et sur les réseaux sociaux. »
Un concept que Coca-Cola a bien intégré. Depuis avril dernier et jusqu'à fin août, la marque organise pour l'occasion une série d'actions autour d'une campagne alliant sport et musique. L'objectif: jouer sur l'émotion que procure la musique pour rassembler les jeunes autour de cette manifestation. « Depuis la moitié des années deux mille, le recrutement des jeunes, coeur de cible de CocaCola, s'est ralenti. Et les JO nous ont semblé être l'occasion idéale pour communiquer autour de la musique et du sport auprès des jeunes », explique Emmanuel Seugé, responsable monde de la division sports, entertainment et musique de The Coca-Cola Company. Le plus vieux sponsor de l'événement (présent depuis 1928) a ainsi recruté Mark Ronson, artiste britannique et producteur de stars du monde de la musique. Pour la marque, le DJ a créé un hymne musical (Anywhere in the World) interprété par la chanteuse Katy B. Une chanson sous forme de single, de sonnerie de téléphone portable et d'un spot publicitaire diffusé dans une centaine de pays et mettant en scène une prestation live des deux musiciens aux côtés d'athlètes internationaux. Mieux encore, la boisson officielle des Jeux a diffusé fin mars un documentaire qui retrace l'histoire de la création de cet hymne sur NRJ 12. Autant d'actions de communication qui montrent que Coca-Cola prend le marketing sportif au sérieux. « Il fait partie de l' ADN de la marque, justifie Manuel Berquet-Clignet, directeur marketing de CocaCola France. Nous consacrons aujourd'hui 60 % de notre budget au sport amateur, contre 5 % il y a dix ans, et cela va encore s'accentuer dans les prochaines années. » Surtout que la marque commence à investir sur un nouveau média, les réseaux sociaux. Via une application sur sa fan page Facebook, les jeunes peuvent remixer les «sons» constituant l'hymne ou encore gagner des séjours pour assister aux JO. « L'avènement des réseaux sociaux a logiquement fait évoluer notre approche du marketing sportif, avoue Manuel Berquet-Clignet. Les 18-35 ans, qui sont notre cible prioritaire, consomment plus de sport sur Internet et les réseaux sociaux. » Selon une étude Havas Sports & Entertainment, Internet rattrape son retard sur le petit écran en France (67 % de la consommation des médias, contre 76 % pour la télévision) . Plus important encore, 25 % de la consommation sur le Web se fait via les médias sociaux. Les raisons de l'émergence de ce canal? L'avènement du streaming légal sur Facebook et la possibilité de toucher un public jeune et souvent fan de sport. « Le sport est un événement live, pointe Matthieu Aubusson de PwC. Il demeure assez protégé de la déferlante numérique qui a déstabilisé l'industrie du disque ou du cinéma. Au contraire, les nouveaux usages numériques, comme les réseaux sociaux, renforcent les recettes de l'économie sportive. Ils accentuent les liens entre les différents acteurs, sponsors et consommateurs, créant une véritable chaîne de valeur. » Reste encore à bien maîtriser ce média. Encore inexpérimenté face à l'explosion des réseaux sociaux, le comité d'organisation des JO de Londres a décidé d'interdire aux athlètes et au public de tweeter pendant les événements sportifs afin de garantir l'exclusivité.