Etudes on line: la montée en puissance
Les études on line poursuivent leur progression inéluctable. Mode de collecte désormais incontournable, elles sont également en constante évolution sous l'impulsion des progrès technologiques et de la créativité des instituts d'études.
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L'industrie des études on line est en constante mutation et l'année 2009 en est une bonne illustration. Pour ses acteurs, internationalisation et concentration sont d'actualité. Coup de théâtre, en effet, à la fin du mois de juin: Toluna annonçait qu'elle rachetait à Microsoft, pour 30 millions d'euros, Greenfield Online ISS (l'activité études de marché sur Internet, propriétaire du panel Ciao)
Fusion aussi entre les activités d'access panel en ligne «6th Dimension» de TNS et celles de Lightspeed Research après le rachat de TNS par Kantar. Ainsi, le groupe britannique espère répondre aux attentes présentes et futures des clients en termes d'échantillon et de couverture pays. La nouvelle entité prendra le nom de Lightspeed Research, dont le Chief Operating Officer est Efrain Ribeiro (ex-Ipsos Interactive).
Frédéric-Charles Petit (Toluna): «L'acquisition de Greenfield Online ISS nous ouvre des perspectives de forte croissance dans les prochaines années.»
Un phénomène mondial
Le développement rapide du marché des études en ligne en Europe, notamment dans les cinq pays majeurs (Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne et Italie), ouvre bien des appétits. Spécialiste américain des panels B to B et «affluent people», e-Rewards vient ainsi d'ouvrir des bureaux à Paris, après ceux de Londres, où il est présent depuis trois ans. L'Allemagne viendra ensuite. L'offre d'e-Rewards en Europe portera sur des access panels «Consumer», «B to B», «Jeunes», «Santé» et «Affluent».
Renforcer la présence géographique des access panels on line, on l'a vu, est donc plus que jamais d'actualité tant la demande est forte. En 2009, SSI aura lancé un panel au Mexique, au Brésil, en Argentine, au Japon, en Corée du Sud, en Inde et au Russie et a ouvert des bureaux à Hong Kong, Singapour, Tokyo, Pékin, Sydney et Mexico. Research Now se développe en Asie, notamment en Chine, via une joint-venture avec une société locale depuis 2008 et ouvre un bureau en Espagne.
En même temps, les sous-panels et panels spécialisés fleurissent: parmi les plus récents, le panel Very Wealthy de l'Ifop, ou encore le panel de Médecins «Panel Med» et le panel de patients chez Directpanel. Pour sa part, GMI propose des panels «Informatique». Quant à Research Now, il vient de se lancer dans le B to B au travers d'un partenariat avec Reed Business. Un premier panel de décisionnaires informatiques, «Know It», est ainsi né. Panel On The Web vient de créer un panel luxe CSP+ de personnes consacrant des sommes importantes à l'achat de biens et services de luxe, y compris des produits de soin et cosmétiques. Et SSI est sur le point de lancer des panels jeunes «Chooz» en France, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Harris Interactive proposera, de son côté, d'ici à la fin 2009, «Use&Kids», un access panel monde des 10-15 ans.
Avec plus de 4 millions de panélistes, Toluna est le premier acteur indépendant sur le marché des panels en ligne.
Communautés et réseaux sociaux
«L'avenir des études Bto B est clairement dans les réseaux sociaux», lance Michel Pélegrin, directeur France de GMI, qui révèle d'ailleurs que son institut a des projets en ce sens. Inviter des membres de communautés et réseaux sociaux à répondre à des enquêtes permet en effet de renouveler ou de compléter les échantillons. Aux Etats-Unis, GMI a déjà lancé un réseau social de médecins. Même Facebook avait annoncé une application études à Davos, une initiative stoppée depuis.
En outre, une étude, menée en 2008 par SPSS avec Anderon Analytics pour le compte de Linkedln, montre que les réseaux sociaux en ligne, vastes et variés, représentent un nouvel outil à la fois efficace et rentable pour recueillir les opinions de décideurs-clés. Sur les membres de Linkedln qui ont participé à cette enquête, 86% ne faisaient partie d'aucun autre panel d'études en ligne tandis que 66% des participants étaient décisionnaires ou avaient une influence sur les décisions d'achat.
«Les réseaux sociaux constituent un bon vivier de recrutement pour trouver certaines cibles, mais ils nous aident surtout à monter des protocoles innovants d'études», explique Patrick Van Bloeme, directeur associé d'Harris Interactive. Dans ce dernier cas, il s'agit de plateformes mises à la disposition de consommateurs (soit à partir d'un fichier clients, soit à partir d'un access panel) qui viennent s'exprimer sur un sujet. Repères réalise depuis deux ans de nombreuses études de ce type. Et Synovate vient de racheter Vision Critical, une société canadienne spécialisée dans la gestion de panels en ligne, pour proposer, ensemble, des panels communautaires ainsi que des panels spécifiques pour répondre aux demandes particulières de clients. «Les demandes d'espaces conversationnels sont de plus en plus nombreuses, les clients savent ce que c'est et ce qu'ils veulent en obtenir», constate Philippe Le Magueresse, directeur des études marketing d'OpinionWay.
Si les panels propriétaires on line ne sont pas une nouveauté (les premiers à les avoir mis en place sont les médias), force est de constater que la demande des annonceurs est forte auprès des instituts d'études comme des data providers. La technologie existante facilite encore plus leur création et leur gestion: les cas de la plateforme d'enquêtes d'Areyounet.com, du Panelportal de Toluna ou encore de la Toluna Box, sont des solutions beaucoup plus simples et moins coûteuses que celles de Confirmit, leader mondial des logiciels en ligne. Il est vrai que le ticket d'entrée a fortement baissé. Research Now propose même un Ringfanced Panel, une alternative pour ceux qui souhaitent créer un panel dédié. Elle consiste à «taguer» l'access panel de Research Now aux couleurs d'une marque et à inviter des panélistes à faire partie d'une communauté à des fins d'études. «Les panels dédiés de clients sont un excellent moyen d'appréhender les comportements multicanal et complètent utilement les informations fournies par les bases de données», estime Martine Crocquet, fondatrice de CustomEyes, société d'études travaillant notamment dans la Distribution.
«Les access panels dédiés se multiplient», constate Aymeric de Boisheraud, directeur commercial et marketing d'Areyounet.com. Attention, toutefois, à bien définir ses besoins. «C'est le besoin d'études qui doit justifier l'outil et non l'inverse», précise Alexandre Sagakian, p-dg de Directpanel, qui conseille de disposer d'un volume d'études suffisant et du soutien de la direction générale, et d'éviter de surdimensionner le panel.
Patrick Van Bloeme (Harris Interactive):
«Les réseaux sociaux constituent un bon vivier de recrutement pour trouver certaines cibles, mais ils nous aident surtout à monter des protocoles innovants d'études.»
Identifier les influenceurs
«Les marchés sont des conversations», affirmaient, dès 1999, les auteurs du Cluetrain Manifesto. Depuis, il faut bien le reconnaître, la Toile bruisse de discours consommateurs. «Encore faut-il savoir les écouter, les organiser et les analyser», fait remarquer François Laurent, p-dg de Consumerlnsight. Parmi les outils du marché, AMI Opinion Tracker, développé par AMI Software, recueille et traite les opinions spontanément émises par les consommateurs sur le Web 2.0, utilisé, dans le cadre d'études marketing, par un réseau d'instituts d'études certifiés. Il s'est d'abord intéressé aux blogs. Depuis, un connecteur spécifique, Ail forums, a complété l'offre, en permettant d'adresser en une seule requête l'intégralité des forums, malgré les difficultés inhérentes à ce type de source, notamment en matière de datage. Pour AMI Opinion Tracker, le futur réside dans l'accès à des sources de type 2.0, comme les avis laissés par les consommateurs sur des sites marchands. Il entrera ainsi dans un nouveau domaine, celui des «métriques», puisque ce type de propos intègre diverses métadonnées chiffrées. Selon la Fevad et Médiamétrie//NetRatings, 62% des internautes lisent d'ailleurs les avis d'autres internautes sur les sites marchands avant un achat.
Côté instituts, Directpanel a lancé, en octobre 2009, «Buzz opinion», outil de veille des propos des consommateurs sur Internet, en partenariat avec Synthesio. Harris Interactive propose Buzz Veille, outil de collecte exhaustif qui permet de faire ressortir ce qui s'est dit le plus récemment, et Tropes, un outil de traitement. Quant à l'outil de veille d'OpinionWay, il est baptisé Weetrack Preuve de l'attrait pour ce type de solutions, l'offre Womtrack d'Oto Research est désormais l'une des plus demandées par ses clients. Gfk vient, par ailleurs, d'adapter son outil de buzz mining «Ceres» à l'environnement Twitter. «Nous allons d'ailleurs développer une plateforme d'échanges sur Twitter», précise Eugène Perret, directeur du département on line chez GfK.
«Un meilleur suivi du buzz marketing est [aussi] stratégique pour Ipsos. Avec notre outil Ipsos Web Sensing, nous allons pouvoir intégrer dans notre conseil la mesure des différents médias alternatifs», souligne Thomas Tougard, directeur général d'Ipsos Marketing. De plus, grâce à ces systèmes de scoring, il est possible d'identifier les influenceurs par domaines et les ambassadeurs d'une marque. «Nous accompagnons les marques dans l'activation de ces cibles spécifiques, en les impliquant dans des processus de cocréation et de participation», explique Guillaume Weill, directeur général de Crmmetrix. Human to Human prend le parti d'identifier les lieux de discussion des internautes et cartographie le Web pour repérer les sujets qui émergent concernant une entreprise ou une marque. «Il est essentiel de collecter Vinformation de façon rigoureuse, d'avoir la capacité de la mettre en perspective et surtout de prendre du recul pour lui donner du sens», considère Christophe Jourdain, directeur du développement de l'Ifop. Devant ce nouveau champ d'investigation, un petit groupe de professionnels des études marketing et opinion s'est réuni en un collectif, baptisé Cristal-Research, autour de la qualitativiste Françoise Frisch. Ce collectif a lancé «Le Plan Narval», une nouvelle approche de l'opinion telle qu'elle s'exprime en ligne. Cette dernière s'appuie sur Alceste, un programme d'analyse textuelle dont les points-clés sont la structuration de la saisie des données, l'articulation étroite entre ces méthodes quantitatives et celles de l'analyse de contenu, une double rigueur quantitative et qualitative pour limiter au maximum les évaluations subjectives.
@ Marc Bertrand
Aujourd'hui, le Web est bien devenu un mode de collecte incontournable de l'information, mais son utilisation dans les études est aussi en pleine évolution. Et déjà de nouveaux protocoles sont en développement: les études on line sur mobile et le recours aux interviews on line avec webcam. Le chantier est en cours notamment chez Ipsos et OpinionWay qui travaillent aussi sur du Cawi conversationnel.
La quête de la qualité
Parce que les taux de réponse des panélistes commencent à chuter, que les besoins grandissants en études imposent le recours simultané à plusieurs access panels, la question de la qualité se pose de plus en plus. «20 % des panélistes réalisent 8o% des interviews», fait remarquer Alexandre Sagakian, p-dg de Directpanel. «On note chez les clients une exigence accrue sur la qualité et la fiabilité des sources interrogées», ajoute Anne-France Allali, directeur général d'Oto Research, l'institut d'études du groupe FullSIX. Pour GMI, le lancement d'une nouvelle version GMIX devrait permettre de garantir une meilleure qualité du panel et l'exactitude des données fournies par les panélistes grâce à la technologie du Watermark.
Philippe Jourdan, associé de Panel On The Web, a mené une étude «longitudinale» [qui a lieu sur la durée, NDLR] des leviers de réponse aux études en ligne via un access panel. Il milite en faveur d'un délaide réponse raisonnable accordé à tous les panélistes et d'un usage systématique d'au moins une relance à mi-collecte. «Arrêtons de penser que le panéliste est un «produit de grande consommation». Il n'y a pas de qualité possible sans respect du panéliste», réclame Sébastien Croizard, directeur commercial de Research Now France. Un constat plaidant en faveur de la mise en place d'une «Respondant Préservation Initiative», une initiative pour mieux préserver cette richesse qu'est le panéliste, à laquelle participe SSI avec une dizaine de partenaires instituts d'études, annonceurs et data providers. «L'industrie des études repose sur le bon vouloir des personnes interrogées. Il ne faut pas en abuser», indique Michel Guidi, Managing Director Europe de SSI. «Le respect et la valorisation de l'individu participant est la clé de voûte des études de marché de demain», sou ligne Laurent Florès, directeur général de Crmmetrix. Améliorer le profilage est une réponse, mais pas la seule. Soigner les questionnaires sur le fond et la forme devient aussi une nécessité pour renforcer la motivation des panélistes. Daniel Bô, p-dg de Ouali Quanti, recommande que le «questionnaire devienne, pour le panéliste, une expérience culturelle enrichissante», A noter, les logiciels de type Flash ont permis d'améliorer grandement l'ergonomie et l'interactivité.
Comment se porte le marché des études en ligne?
Selon l'enquête«Confirmit Annual Market Research Software Survey» réalisée par Meaning, 94% des sociétés d'études interrogées dans le monde utilisaient Internet comme mode de collecte en 2008. Les études on line représentaient déjà 48% des études en volume aux Etats-Unis, 45% en Europe et 55% en Asie. La majorité des répondants estimaient qu'ils utiliseraient encore plus le Web dans les trois années à venir. Il suffit de regarder les investissements en technologie et en expertise des sociétés d'études dans ce domaine pour s'en convaincre.
Comment se comportera le marché des études en ligne en 2009 alors que le monde, en particulier les grands marchés acheteurs d'études, est affecté par une crise économique sans précédent? «En tentant de se projeter sur l'année complète, nous pensons réaliste de tabler sur une année «fat» ou en légère croissance aux Etats-Unis. Après un début d'année un peu compliqué pour les études on line, on peut espérer une petite embellie pour le second semestre», explique Renaud Farrugia, directeur général de SSI France. En Grande-Bretagne, L'année 2009 devrait être en légère croissance pour les études internet, de même qu'en Allemagne. La France, qui semble mieux résister que d'autres pays à un environnement dégradé, devrait enregistrer une croissance du marché des études en ligne. «2009 aura constitué une année de changement accéléré vers le on line et nous sommes convaincus que le ralentissement économique aura des effets positifs pour les études internet en 2010 et dans les années qui suivront», fait remarquer Renaud Farrugia.
PMU: des études sur le média et avec le média
«Notre activité de VAD - soit près de 740 MEuros, dont 540 MEuros sur le Net - monte en puissance. Nous devons donc nous assurer que notre site répond aux besoins des visiteurs et des parieurs», explique Stéphane Auffray, responsable des études et de la veille concurrentielle au PMU. Plusieurs études ont donc été mises en place, dont un baromètre de satisfaction des parieurs PMU on line réalisé par Directpanel (trimestriel depuis 2007 et qui deviendra semestriel dès l'an prochain) et des études de type Web Eval avec TNS Sofres. «Nous avons repensé l'ergonomie de notre site en 2008 à la suite de la dernière étude Web Eval qui nous a permis de nous rendre compte de points de blocage, notamment dans la navigation.
L'étude a été tellement riche qu'elle n'a pas nécessité ensuite une vague quanti.»
Stéphane Auffray réfléchit également à la mise en place d'un panel propriétaire qui permettrait d'interroger l'ensemble du spectre des utilisateurs et d'avoir recours à des enquêtes de type bulletin board. «Depuis 2008, nous faisons de plus en plus d'études en ligne, car l'activité Internet est devenue stratégique pour nous et le sera encore plus demain. Même si nous ne pouvons pas basculer toutes nos activités sur le Web, car nous nous couperions alors d'une grande partie de nos parieurs, nous nous préparons à l'ouverture à la concurrence des paris sur le Net. Nous professionnalisons aussi notre approche de la veille on line en faisant appel à des spécialistes. Eventuellement, dans un second temps, nous nous lancerons dans des politiques d'approche des communautés qui nous intéressent».