L'e-mail géolocalisé : entre l'ISA, la radio et les gratuits
Canal destiné à la communication locale, pratiqué aussi bien par des grandes surfaces que par des boutiques, l'e-mail géolocalisé est souvent perçu comme une sorte d'ISA sur Internet. Avec la rapidité de réaction d'une radio périphérique et les coûts faibles des journaux gratuits. Et si ce média cachait un potentiel d'efficacité inattendu ?
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Quelle est la place de la communication par e-mail dans le marketing direct
? Apparue avec le commerce électronique, elle devait guider le prospect vers le
site de e-commerce. Et pourquoi ne le ferait-elle pas ailleurs ? Voilà qui est
tentant. L'e-mailing est un vecteur de communication puissant et peu onéreux.
Les bases d'adresses deviennent de plus en plus étoffées. Législation
européenne aidant, elles migrent vers le permission marketing obligatoire, et
l'assurance de toucher en priorité les internautes qui acceptent de recevoir
des communications publicitaires. On trouve déjà sur le marché des bases
d'adresses e-mails géocodées avec permission marketing. Certes, ces bases ne
sont pas très riches en informations qualifiantes. Sensibilisé par des
campagnes sur l'insécurité informatique, le piratage, les virus, etc.,
l'internaute est hostile à l'idée de fournir des renseignements personnels.
Mais il y a des informations qu'il ne peut pas cacher éternellement : l'adresse
de livraison quand il achète sur un site de e-commerce, l'adresse postale et
l'âge quand il tente sa chance sur des sites de loteries gratuites. L'adresse
postale, couplée avec des coûts de création et de diffusion extrêmement
faibles, a donné naissance à un nouveau concept de marketing direct sur
Internet. On l'appelle "l'e-mailing géolocalisé", ou encore "l'e-chalandising".
Son principe : utiliser l'association des deux adresses, électronique et
postale, pour envoyer une communication aux internautes qui habitent dans un
rayon donné autour du ou des points de vente. Autrement dit, le concept de
"l'imprimé sans adresse" ou ISA revisité avec les moyens d'Internet. «
L'e-mailing géolocalisé doit répondre aux attentes des magasins qui utilisent
le concept de zone de chalandise. Son champ d'application est de remplacer la
distribution locale des imprimés sans adresse, parfois en complément d'une
campagne nationale », explique Martin Bustarret, responsable de Géomail chez
Médiapost.
Créateur de trafic
Problématique typique
pour l'e-mailing géolocalisé : créer du trafic dans les points de vente à
l'occasion d'un événement, par exemple une foire aux vins, ou le lancement d'un
nouveau modèle chez un concessionnaire automobile. Il peut être accompagné
d'une offre de réduction ou plus souvent d'une promesse de cadeau, avec un bon
à imprimer et à présenter au magasin. « Ce concept est assez proche de l'ISA,
sauf que l'e-mail est personnalisé sur le fichier », confirme Eve Lamacq,
directrice marketing de Directinet.
L'e-mailing
géolocalisé peut aussi parler d'une opération de déstockage, d'un événement
saisonnier, etc. « L'e-mailing permet de réaliser la stratégie "click et
magasin", une combinaison de communication sur Internet et sur le terrain.
L'objectif étant d'utiliser le mail pour faire revenir les consommateurs dans
les points de vente », précise Stéphane Dietrich, directeur général de Neolane,
éditeur de logiciels marketing et gestion de campagne. Il vient d'intégrer dans
sa suite logicielle le moteur d'encodage géographique de Maporama. Celui-ci
permet de prendre en compte les coordonnées géographiques, longitude et la
latitude de chaque adresse, et de positionner les adresses sur une carte. Ce
qui permet de répondre à une demande de proximité. Par exemple, lorsque Kookaï
ouvre un nouveau magasin en province et souhaite communiquer auprès des
internautes habitant dans un rayon de 25 kilomètres. Des chaînes de magasins,
des franchises, des magasins isolés, des concessionnaires, des salles de
spectacle... comptent parmi les premiers clients de l'e-mailing localisé.
Directinet a mené plusieurs des opérations de ce type. Par exemple, pour le
lancement d'un magasin PC City à Villebon dans l'Essonne, avec 7 000 envois et
une promesse de gadget contre le mail imprimé ; lors d'une opération pour le
compte de Kart'In, une piste de karting à Thiais (Val de Marne), avec la
promesse d'une session d'entraînement offerte pour une achetée. L'e-mail
comportait aussi un plan d'accès et les horaires d'ouverture. Dans les grandes
enseignes de distribution, l'utilisation de l'e-mailing en guise d'ISA est
facilitée par la structure des budgets communication. La majorité des budgets
de marketing direct sont traités en local. « Quand le magasin Carrefour de
Perpignan souhaite communiquer auprès des internautes sur sa zone de
chalandise, qui compte environ 100 000 foyers, il peut espérer trouver entre 5
000 et 15 000 adresses e-mails, ce qui paraît assez suffisant pour mener
campagne », affirme Martin Bustarret. Selon lui, si on devait transposer cet
exemple à l'échelle nationale, cela signifierait que, pour couvrir une
population de 25 millions de foyers, il faudrait disposer d'une base d'au
minimum 3,5 millions d'adresses réparties sur le territoire national. «
D'ailleurs, il est impossible d'avoir trois millions d'adresses chez un seul
prestataire », confirme Martin Bustarret. Les adresses de Géomail proviennent
des bases de 19 partenaires, dont un tiers des sites de commerce électronique,
un tiers des sites de jeux et de loteries en ligne, et un tiers des sites de
contenu éditorial, par exemple de la presse financière. Si la qualité des
adresses des sites de loteries et de commerce électronique est généralement
bonne, leurs renseignements sur les habitudes de consommations relèvent du pur
déclaratif. Et, sur les sites de contenu éditorial, le nombre d'informations
réputées fiables est infiniment bas. Et pour cause, les lettres d'info et
autres magazines des marques sur Internet n'ont pas la légitimité de la
collecte d'adresses postales, pas plus que les autres sites de contenu
d'ailleurs. « Que sait-on de l'internaute ? On connaît son adresse postale et
sa date de naissance, car il faut être majeur pour participer aux jeux »,
répond Eve Lamacq. La base de Directinet est composée de 900 000 adresses
postales dont 450 000 associées avec des adresses e-mails en permission
marketing. Près d'un quart des e-mails correspondent à des adresses postales en
région parisienne. Une répartition assez typique pour les BDD d'adresses
électroniques. On estime que, pour des opérations en région parisienne, il doit
être possible de trouver 50 000 adresses e-mails sur 200 000 ou 300 000 foyers
; une densité supérieure à la moyenne nationale. Or, pour généraliser
l'e-mailing localisé à l'usage des enseignes nationales de grande distribution,
il faut disposer d'une densité répartie, pour faire du mailing multilocal. Car,
si les opérations sont souvent locales, une marque peut aussi décider de
communiquer de cette manière en accord avec ses magasins. « Notre objectif est
d'offrir des adresses e-mails géolocalisées pour répondre à la problématique
des zones de chalandise », précise Pierre Le Manh, directeur général de
Consodata. A son avis, « il n'y a ici aucune différence entre la communication
on line et off line ! On sélectionne la cible suivant sa localisation
géographique et on essaye d'affiner, par exemple, avec le type d'habitat
lorsque cela se justifie ».
Vers le "bus e-mailing" géolocalisé ?
La force de l'e-mail réside dans son instantanéité, sa capacité
de personnalisation à 100 % et son interactivité, par exemple avec un plan
d'accès au magasin. Mais cette capacité de diriger l'internaute vers le magasin
le plus proche présente aussi un danger. « Attention à ne pas attirer les
consommateurs sur un seul point de vente !, prévient Stéphane Dietrich. Il faut
leur donner le choix entre plusieurs magasins, surtout lorsque le maillage est
très dense. C'est le cas pour certains réseaux de garagistes ou la distance
entre les points de vente est inférieure à un kilomètre. » Pour procéder à des
segmentations aussi pointues, il ne suffit pas de connaître le code postal. Par
exemple, pour le lancement d'une agence bancaire dans le centre ville, il est
important d'avoir à sa disposition l'adresse entière pour prospecter rue par
rue, quartier par quartier. La localisation urbaine a d'ailleurs permis
l'apparition du "bus e-mailing géolocalisé" en Italie. Conçu à l'image d'un bus
mailing sur papier, il réunit plusieurs restaurants et boutiques du
centre-ville, à destination de quelques milliers d'internautes de proximité.
Facturé aux annonceurs à 0,03 euro par e-mail, hors coûts de création, minimes
dans ce contexte, il est commercialisé par le service des Pages Jaunes
italiennes. Des tarifs qui apparaissent comme attractifs même à côté de ceux
des adresses mails personnalisées et localisées, entre 0,24 et 0,32 euro
l'adresse selon les critères de sélection. Reste à savoir si le "bus e-mailing
localisé" bénéficie d'un bon accueil auprès des internautes. Autre avantage
d'utiliser simultanément les adresses postales et électroniques :
l'identification unique de l'internaute. Les habitués du Web disposent souvent
de plusieurs adresses électroniques qu'ils utilisent au gré de leurs humeurs...
Elément unique, l'adresse postale, justement, permet de réaliser des
déduplications. Un moyen d'éviter de prospecter ses propres clients pour tous
les circuits de vente pratiquant une politique de prospection agressive, des
clubs de livres, clubs de vins mais aussi opérateurs de télévision par câble,
etc. Les opérations de déstockage en fin de saison pourraient aussi se prêter à
la communication par mail localisé, entre autres. « Aucun média n'est aussi
réactif que l'e-mailing, car les délais de fabrication sont plus élevés. Or,
une campagne d'e-mails peut être faite et diffusée en trois jours et sans coûts
d'impression », remarque Martin Bustarret. Les coûts bas permettent de
l'utiliser pour des opérations à marge réduite, sur des fins de série etc. A
noter deux exceptions à cette règle de réactivité, la radio et la PQR, mais
avec des coûts de diffusion supérieurs à l'e-mail. Cette rapidité peut aussi
faire la faiblesse de l'e-mailing. Une erreur à ne pas faire : lancer une
opération avec des dates trop éloignées. Contrairement au papier, l'e-mail ne
se garde pas, il est destiné à une "consommation" rapide. Et l'e-mail localisé
peut jouer le rôle d'ISA universel afin de toucher une cible d'internautes pour
le compte des annonceurs ne disposant pas d'un site web. Enfin, il faut noter
que les points de vente ne sont pas les seuls consommateurs de cette technique
de communication. Le voyagiste Travelprice fait appel aux outils de Neolane
pour accompagner le lancement des offres au départ des aéroports de province,
avec une communication auprès des internautes dans les régions proches de
ceux-ci. Dans cet exemple, le géomarketing fait loi et chaque message est
personnalisé à 100 %. Un exemple qui n'a pas encore fait la règle.
Comment intégrer l'e-mail dans une campagne ?
Mais qui
prouve que les concepts sont loin d'être figés. Les spécialistes réfléchissent
d'ailleurs à la bonne place d'un e-mailing localisé ou d'un e-mail tout court,
dans les campagnes de communication. L'objectif affiché est de créer la
surpression publicitaire. Combiner l'e-mail avec une campagne papier simultanée
permet de réaliser une relance pas trop chère. Selon Stéphane Dietrich,
l'e-mailing localisé devrait être intégré dans l'ensemble pour permettre
l'articulation d'une opération de lancement autour d'une offre particulière : «
Venir en magasin parce qu'il faut toucher le produit, recevoir un mailing sur
papier parce que le consommateur aime bien garder des traces d'une offre
particulière, enfin être contacté par e-mail parce qu'il nous faut pouvoir le
relancer au meilleur coût. » Et dans quel ordre procéder ? Envoyer un mailing
classique suivi d'un rappel en ligne, ou bien vice versa ? Il n'y a pas encore
de recettes arrêtées, ou pas pour l'instant. Pourtant, l'assemblage des deux
canaux distincts ne semble pas gâcher l'efficacité ni de l'un ni de l'autre.
Mais il n'y a encore aucune étude scientifique sur le sujet. L'efficacité de
l'ensemble pourrait-elle être multipliée et non additionnée ? Peut-on espérer
un résultat supérieur au facteur deux ? Dans l'immédiat, rien ne permet de
l'affirmer. Cela n'empêche pas les opérateurs d'e-mailing de faire des
promesses alléchantes dans ce sens : efficacité multipliée par trois, par
quatre ! Promesse réaliste ou intox ? Vu le coût faible qui rend ces opérations
accessibles au plus grand nombre, on devrait avoir la réponse assez vite.