Nicolas Hennon, directeur général France, Kiabi : "Le commerce doit être plus juste, plus précis et plus collaboratif"
Nommé à la tête de Kiabi France, Nicolas Hennon revient sur ses ambitions pour l'enseigne de prêt-à-porter à petit prix, laquelle vient de systématiser l'e-réservation et le click & collect dans l'ensemble de ses magasins.
Je m'abonneQuelles est votre vision du commerce en France, vous qui venez de reprendre la DG France de Kiabi après avoir dirigé l'Italie ?
Avant de parler de commerce, j'ai envie de parler du client. Car le commerce n'est que la conséquence des attentes des clients. Et ces derniers sont en train d'évoluer et vont continuer à le faire avec l'arrivée des générations X, Y et même Z. Les comportements d'achat d'hier sont complètement différents de ceux d'aujourd'hui. Les nouveaux clients apportent de nouveaux paradigmes. Leur attente va désormais au-delà du prix. Parallèlement, nous sommes entrés en pénurie, depuis quelques années, et les ressources ne sont pas assez importantes par rapport au nombre d'habitants à l'échelle de la planète. Tout cela influe, bien sûr, sur les comportements sociétaux, et donc, aussi, sur les comportements d'achat . En tant qu'entreprise, notre but est d'inventer le commerce de demain en intégrant ces nouvelles attentes. Cela signifie que l'on doit avoir un commerce plus juste, plus précis et plus collaboratif. Davantage orienté vers l'usage que vers la possession tout en plaçant le prix comme un facteur de choix constant. Pour suivre ces évolutions, nous nous interrogeons, en parallèle, sur la manière de faire évoluer nos magasins ainsi que nos équipes.
Le facteur humain semble important, dans votre structure...
Oui, nous sommes très attachés à un management collaboratif, au sein de Kiabi. Et au coeur de notre stratégie, il y a, bien évidemment, les 8 200 collaborateurs du groupe. Depuis 2009, Kiabi expérimente un modèle d' organisation totalement précurseur. Très novateur sur le plan managérial, il vise à libérer les initiatives et les responsabilités de chacun. Ainsi, nous travaillons sur la manière de faire évoluer nos collaborateurs vers des "collabor'acteurs". Et nos consommateurs vers des " consom'acteurs ". In fine, cela revient à s'interroger sur la manière d'intégrer ces phénomènes de société. Les valeurs humaines portées par l'entreprise sont importantes. La puissance des phénomènes communautaires n'est plus à démontrer et les consommateurs sont, de nos jours, des acteurs de l'entreprise , de la phase amont, au cours de laquelle nous les écoutons pour construire les collections, à la phase aval, où nous les interrogeons sur leur "shopping experience"... Un autre élément réside dans le fait que les consommateurs attendent de nouveaux services. Derrière le fameux big data, il y a la connaissance du client et surtout son respect.
Concrètement, comment cela s'incarne-t-il dans votre stratégie ?
Il s'agit de savoir comment on intègre les technologies de demain pour apporter, dans l'expérience de vente du client, la bonne information, au bon moment et au bon endroit. L'important est, grâce à ces données, de faciliter la vie du consommateur sans le submerger d'offres et de promotions inutiles...
Quels sont vos principaux résultats ?
En 2014, l'enseigne a réalisé un chiffre d'affaires de 1,558 milliard d'euros au 31 décembre 2014. Nous avons ouvert 12 nouveaux magasins et enregistrons une croissance de 8,7 %. Notre site est leader des sites d'enseignes et magasins de mode, en France. Dans notre stratégie, l'un des principaux indicateurs que nous suivons est le panier annuel du client, en dehors des contingences de canaux. En 2014, 236 millions de pièces ont été livrées dans le monde par Kiabi, en distribution physique ou on line. Dans un environnement concurrentiel tendu et mouvant, Kiabi prend le contre-pied des autres marques de mode en affirmant haut et fort ses fondamentaux : un état d'esprit différent, résolument positif et bienveillant. Un virage marque vers la mode, des innovations, une montée en puissance de notre modèle cross-canal, des défis à la supply chain, déploiement international... Voici nos principaux challenges à venir.
Vous avez des projets importants, à l'international...
En effet, notre ambition, en 2015, est de renforcer notre présence à l'international avec des ouvertures programmées en Espagne, en Italie, et en Russie. Nous ambitionnons de passer le cap des 500 magasins dans le monde en 2015. L'enseigne en compte 454, aujourd'hui. Quand nous avons décidé, il y a deux ans, de nous développer à l'international , l'entreprise a dû se doter d'un back-office puissant. Nous avons investi plusieurs dizaines de millions d'euros en logistique, informatique, et ouvert un entrepôt en Russie. Le but étant de nous donner les moyens de nos ambitions tout en veillant à continuer à autofinancer nos développements. Parallèlement, nous nous structurons en interne et nous avons ouvert un site mondial - en plus des sites pays - lequel adresse 32 pays.
Quel est votre mode d'organisation ?
Notre réussite s'appuie , comme je l'ai dit, sur nos 8 200 collaborateurs totalement impliqués dans la stratégie de leur entreprise. Depuis 2009, la Great Place to Work Kiabi expérimente un modèle d'organisation totalement précurseur. Innovante sur le plan managérial, cette démarche prospective et partagée prend actuellement tout son sens avec notre mouvement de libération des initiatives et des responsabilités. Et quelle énergie, aujourd'hui , au sein de Kiabi ! Ce "rêve" collectif nous a conduits à passer d'un modèle axé sur le produit à un modèle centré sur les clients et les collaborateurs.
Au sein de l'enseigne Kiabi, le digital a toujours eu une place de choix. Le site marchand est leader dans l'univers de la mode. Quel est votre regard sur ce canal ?
Le digital est important, car il est imposé par le secteur. Les enjeux sont dictés par le client et le marché, et sont déterminants pour l'avenir de notre entreprise. Par ailleurs, au sein de Kiabi, nous avons toujours eu un fort intérêt pour la technologie. Même si Kiabi est une enseigne de mode à bas prix, nous sommes toujours dotés d'une technologie informatique dans les standards du moment. Nous avons également souvent été moteur dans le cross-canal et dans l'expérimentation en point de vente. Il y a le besoin, la passion pour le sujet du digital, et il y a aussi des équipes jeunes, chez Kiabi l'âge moyen est en dessous de 30 ans. C' est le mélange de ces trois facteurs qui fait que le digital est au coeur de notre stratégie. Un besoin client, un besoin collaborateur et une passion de l'entreprise .
Précisément, quels résultats enregistrez-vous sur l'e-commerce et le cross canal ?
Actuellement, le chiffre d'affaires de l'e-commerce représente, en France, 8 % du business. Il monte à 10 - 15 % en Espagne et en Italie. L'important , pour nous, est d'apporter la même qualité de service dans tout le processus d'achat du client quel que soit le canal. Plus le client est cross-canal et se digitalise, plus il a de valeur pour l'entreprise, car le cercle devient vertueux.
"Plus le client est cross-canal et se digitalise, plus il a de valeur pour l'entreprise, car le cercle devient vertueux"
Dans notre entreprise résolument cross-canal, la force de vente est intéressée à son chiffre d'affaires localement. C'est -à-dire à l'ensemble du CA web et magasin de sa zone de chalandise. Nous avons pu établir, chez Kiabi, qu'un client cross-canal dépense deux à trois fois plus qu'un client uniquement magasin ou web, ce qui démontre l'intérêt du cross-canal. Enfin, nous avons dernièrement déployé avec succès l'e réservation sur notre site marchand. Le click & collect est opérationnel dans tous les magasins. Nous testons aussi une expérimentation de borne à Faches-Thumesnil et Vélizy 2, laquelle offre différentes fonctionnalités. Cet outil d'aide à la vente nous satisfait en termes de résultat.
En 2014, vous avez ouvert le site e-commerce worldwide de l'enseigne aux côtés des sites pays. Pourquoi ?
La première réponse est que nous misons beaucoup sur l'international . Nous voulons partager notre vision, exprimée par notre slogan - "offrir au monde du bonheur à porter".
Mais cette conquête de l'international coûte cher, et nous ne pourrons pas déployer des magasins dans certains pays. À cela, diverses raisons.
Soit il n'y a pas de place, soit l'immobilier est trop cher... Via le site mondial, nous pourrons proposer notre offre localement. Ainsi, dans certains pays, l'offre web complétera l'offre magasin. In fine, plus nous serons attendus dans un pays où nous allons installer des magasins, plus il sera facile de trouver des emplacements avec les foncières localement. Le site Kiabishop.com est marchand dans l'ensemble des pays sauf en Amérique du Nord et couvre 32 pays.
Votre stratégie ambitieuse de présence dans les galeries commerciales va-t-elle s'intensifier ?
Aller à la conquête des "shopping malls" est une réponse à un besoin client. Nos clients nous y attendent en France. C'est donc un véritable enjeu, mais les foncières n'ouvrent pas facilement leurs portes, en France. Kiabi peut, cependant, être un acteur majeur dans les malls français comme il l'est déjà dans d'autres pays. Des projets d'ouverture sont en cours de négociation. À l'international , la structure immobilière des pays est à 80 % en shopping mall. En Espagne, Italie, ou Russie, il y a très peu de magasins alimentaires en périphérie des villes, ce qui reste une exception française. Nous avons augmenté la qualité de service, mis l'accent sur le digital, et poursuivi la baisse des prix de l'enseigne . Nous pensons donc, aujourd'hui , avoir réellement quelque chose de différent à apporter en shopping mall...
Le parcours de Nicolas Hennon :
- 1996. Il intègre Kiabi et occupe différents postes au sein de l'enseigne en exploitation et aux achats.
- 2001. Il part chez Vivarte, où il occupe pendant six ans différents postes, dont la direction des ventes Sud et l'animation d'un parc de 150 magasins (DR et équipe support).
- 2007. Retour chez Kiabi en tant que directeur opérationnel Nord, où il gère le management d'une BU de 80 magasins.