[Tribune] Les macro-influenceurs sur le grill

Pour comprendre la situation, il est nécessaire de faire un saut dans le passé, plus précisément dans les années 2010, période où les premiers influenceurs émergent. Ce sont, pour la plupart, des adolescents ou jeunes adultes qui créent du contenu par passion et qui ne vivent pas de cette activité.

Caméra éteinte, ils sont de simples étudiants ou actifs auxquels leurs communautés peuvent facilement s'identifier : même vie, même problèmes et mêmes envies. Puis, viennent les premières collaborations rémunérées, qui installent petit à petit ce nouveau métier de créateur de contenus. Les influenceurs gagnent en popularité, sont reconnus dans la rue et adorés par leur communauté. Bref, de véritables stars des réseaux.

L'arrivée de TikTok comme point de bascule

Puis, arrive l'apogée de Tiktok. Le réseau propose de nouveaux codes de création, très différents de META, et surtout, un nouvel algorithme qui offre la possibilité à tout le monde de "percer". De nouveaux créateurs, qui proposent des contenus plus authentiques, basés sur l'autodérision émergent face à un public en quête d'authenticité et de fraîcheur.

Parallèlement les gros influenceurs tardent à se lancer sur ce nouveau réseau : il faut dire qu'il faut presque repartir de zéro, se raconter et créer différemment. Comprendre un nouvel algorithme et retrouver sa communauté. Le contraste entre les contenus "mise en scène d'une vie parfaite" et les contenus authentiques est de plus en plus difficile à supporter pour une partie des utilisateurs.

Lassés, ils se détournent des macro-influenceurs au profit de petits créateurs plus simples et proches de leur réalité quotidienne. Ce détachement révèle plusieurs points.

Premièrement, la difficulté d'identification. En effet, ces influenceurs mènent un train de vie qui ne correspond plus à leur public. Ce fossé crée un sentiment de déconnexion totale avec leur public.

Deuxièmement, le décalage des priorités et des valeurs. Nous avons pu le voir avec le Met Gala qui a été comparé aux Hungers Games pour illustrer la société d'opulence d'un côté et de la pauvreté de l'autre. Il faut également avoir conscience que les audiences vieillissent naturellement et deviennent plus exigeantes et moins influençables avec le temps.

Troisièmement, la difficulté à faire rimer proximité et popularité. À mesure que le business des influenceurs grandit, le temps vient à manquer pour entretenir le lien avec la communauté. Ainsi, cette proximité s'étiole, pouvant alors laisser le sentiment de faire partie d'une audience sans toutefois être reconnu.

Quatrièmement l'émergence de nouveaux profils de créateurs de contenu. Ils représentent ce qu'étaient les grands influenceurs à leurs débuts : frais et spontanés. Face à la concurrence, il faut savoir créer la différence pour émerger et les créateurs de contenu Tiktok l'ont parfaitement compris. Leur stratégie ? Se faire connaître en séduisant une communauté de niche, et casser les codes d'Instagram qui deviennent lassants en imposant leur style.

Que retenir de tout ça quand on est une marque ?

Ne vous fiez pas à la popularité d'un créateur (autrement dit, à ses followers) pour choisir un partenariat, mais prêtez plutôt attention à la qualité de ses interactions avec sa communauté. N'ayez pas peur de montrer votre marque avec authenticité, décalage, réalité (on ne le dira jamais assez). Et respectez la ligne éditoriale du créateur de contenu.

Enfin, la micro-influence offre une superbe opportunité d'aller parler à des communautés, parfois de niche, très engagées avec des coûts maîtrisés ! Finalement, l'influence est un éternel recommencement : les profils d'influenceurs stars sont tôt ou tard balayés par une nouvelle génération de créateurs qui se démarquera par sa fraîcheur, son approche nouvelle d'un sujet, et surtout son accessibilité.

Alors, n'ayez pas peur des micro-influenceurs et des émergents... ils sont l'avenir !

L'auteur : Lionel Damm, président de l'agence OP1C et vice-président de la délégation Customer marketing de l'AACC.