Instituts : crise et mercato
Le marché français des études est en panne. Certains instituts souffrent particulièrement : départs chez TNS Sofres, LH2 en redressement judiciaire, pertes chez CSA...
Je m'abonneLe marché français des études, n°4 mondial derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, ne va pas très bien. Le Syntec Etudes Marketing & Opinion a publié son rapport de l'année 2012 : 2 milliards d'euros, c'est le chiffre d'affaires cumulé des instituts d'études. Un chiffre qui marque un recul de 1,3% par rapport à 2011. La chute est plus forte selon les chiffres publiés par Esomar : 2,568 milliards d'euros de CA en 2012 soit -2.5%. A noter : devant l'arrivée de nombreux nouveaux intervenants sur le marché des études, Esomar inclut dorénavant le CA études des sociétés de conseil telles Forester, Gartner, Mintel IDC et Euromonitor.
Et l'année 2013 n'est pas partie pour être meilleure. En avril dernier déjà, le baromètre Market Research News/Callson, présenté au Printemps des Etudes annonçait que 52% des acheteurs d'études avaient décidé de stabiliser leurs dépenses d'études pour 2013.
Mais au delà des chiffres, c'est l'actualité qui dénote une crise réelle des instituts d'études. CSA a commencé à faire parler de lui dès le début de l'année : départs, échec de la fusion avec LH2 (aujourd'hui en redressement judiciaire), rumeurs sur le chiffre de 2 millions de pertes... Pourtant, son patron Bernard Sananès semble avoir toujours la confiance de Vincent Bolloré. Crise aussi pour TNS Sofres qui fête ses 50 ans. Le CEO Europe du Sud, France et Bénélux, Denis Delmas a été évincé par le groupe WPP à la fin de l'été. La raison vraisemblable : la filiale française a perdu sa première place d'institut sur le marché français au profit d'Ipsos France, dirigée par Donimique Lévy-Saragossi (une ex-TNS Sofres). Autres départs en cascade chez TNS Sofres depuis le début de l'été : Muriel Humberjean (DGA), Babette Leforestier (planning stratégique, fondatrice du Marketing Book) qui a ouvert le blog Chroniques d'une marketeuse repentie, Anne Courtois (directrice de la communication), Frédéric Chassagne (planning stratégique).... Denis Delmas a été remplacé par Sébastien Janini (jusqu'ici managing director key client engagement & strategy chez TNS Asie-Pacifique)
Une compétition de plus en plus vive
Les instituts doivent faire face à une double concurrence interne (entre les gros internationaux, les moyens et les plus petits) et surtout externe (access panélistes, agences digitales, cabinets de consulting, sociétés de veille digitale...). Leurs rapports avec les directeurs d'études chez l'annonceur change : on leur demande d'être non seulement en amont mais de plus aussi en aval, de ne plus être que des fournisseurs de chiffres, et sans obligatoirement passer au conseil (ce qu'a fait CSA), d'apporter de la valeur ajoutée.
Toujours selon le baromètre Market Research News/Callson, les instituts spécialistes seraient plus en forme que les généralistes. En tout cas, certains vont bien, profitant de leur positionnement innovation (comme BVA ou encore Repères, Stratégir...), de spécialistes (le on line pour Harris Interactive et Opinion Way), le quali pour Sorgem... La croissance externe est aussi importante : BVA a racheté deux sociétés spécialistes en enquêtes mystère (la relation client est un secteur des études en croissance) : Masters Consultats et DMS. Et la croissance permet aussi de recruter des pointures du marché : Jean-François Levionnois (ex patron de LH2) a rejoint BVA comme directeur général adjoint du groupe. Quant à Ipsos France, l'institut a "débauché" Hélène Delpont (ex directrice générale d'Omnicom Media) comme directrice d'Ipsos ASI France et Philippe Cabin Saint-Marcel, ex directeur général de la filiale française d'IRI, comme directeur général d'Ipsos Marketing...
Lire aussi : [Études] De l'art de rapprocher les datas issues de l'écoute à celles de comportements avérés
Certains instituts doivent redéfinir leurs modèles. Globalement, au-delà du Why, c'est le What & How que les annonceurs leur demandent de plus en plus. Quelques opinions d'annonceurs récoltées lors d'une des deux conférences des Trophées Syntec :
Alain Klapisz (directeur strategy et insight de Danone Produits Frais). "L'enjeu du travail avec le réseau des instituts partenaires est la création de valeur. Leur qualité dépend de la façon dont nous, annonceurs, nous impliquons les instituts (clarté, souplesse...)".
Pascale Zobec (responsables des études à la Française des Jeux) : " Les instituts ne sont pas assez valorisés en interne. Ils sont attaqués notamment par les consultants ".
Anne Panis Lelong (responsable des études d'image et de la veille à la SNCF) : " Les grands instituts sont souvent dans une logique industrielle de rationalisation. Ils doivent arriver à dégager un temps de réflexion. Nous assistons à une bipolarisation entre les gros et les plus petits instituts".