Les consommateurs, impliqués dans le marketing
Le client est roi ! C'est le principe de toute activité commerciale. Rien d'étonnant dès lors à ce que ce dernier soit impliqué dans la conception des offres ou dans la communication de la marque. Le marketing participatif s'impose comme un nouveau standard.
Dans son ouvrage "Marketing participatif" (publié chez Dunod), Ronan Divard, maître de conférence à l'IAE de Bretagne Occidentale, rappelle que " l'idée de coproduction [...], tout particulièrement en matière de services [...] implique nécessairement un certain degré de participation du consommateur ". Le spécialiste précise que " la valeur serait donc toujours cocréée par l'interaction entre les ressources de l'entreprise et les compétences du consommateur ". Mais si d'un point de vue conceptuel, la cocréation n'a rien de nouveau, les nouvelles technologies et la dimension communautaire du Web 2.0 ont fait du marketing participatif une tendance majeure, pour les marques, mais aussi pour les consommateurs. Selon une étude réalisée par Edelman 8095 en 2012, 40 % des membres de la génération Y demandent à participer à la création des produits et à la vie des marques. La cocréation occupe une place essentielle dans la stratégie d'innovation des entreprises.
Cocréer, mode d'emploi
Le concept de cocréation confère, bien sûr, une place centrale aux consommateurs. Collaborer avec ces derniers pour créer et faire vivre une marque est possible car les nouvelles technologies et la démocratisation des moyens d'expression numériques permettent aux marques de capter la parole du consommateur. Et de la fédérer autour d'elles. Pour autant, si les internautes sont friands de prendre une part active dans la vie des marques qu'ils affectionnent, ils ne sont pas tous capables de cocréer. Une étude publiée en 2012 par le fer de lance de la cocréation en France, eYeka, permet ainsi de comprendre les motivations du consommateur à s'investir dans ce processus. À noter, 69 % des participants aux concours relayés sur la plateforme eYeka, le font par simple plaisir et 72 % considèrent que cette expérience constitue un accomplissement personnel. Pour que la démarche permette non seulement de valoriser l'image de la marque, mais aussi de proposer des produits et des services en phase avec les consommateurs, il faut encore savoir vers qui s'orienter. En effet, si l'on s'en réfère à une autre étude sur le comportement des consommateurs publiée par Forrester Research à la fin de l'année 2012, 90 % restent des "spectateurs". Ils sont, de même source, seulement 1 % à se ranger dans la catégorie des "créatifs". C'est bien sûr parmi ces derniers que se recrutent les membres de la communauté de cocréation eYeka qui rassemble, par exemple, 200 000 consommateurs créatifs dans 94 pays. Cette seule plateforme revendiquerait, sur ces quatre dernières années, plus de 500 concours réalisés pour 300 marques différentes. Quant aux marques qui se lancent dans la démarche, elles cherchent des relais de créativité émanant directement de leur communauté de fans et au-delà, car les participants ne sont pas nécessairement des ambassadeurs de la marque.
Concevoir des offres en phase avec sa cible
La difficulté principale de la cocréation est de ne pas s'éloigner de sa cible. L'atelier SFR, qui passe pour une référence en la matière, revendique en 2013 près de 50 000 "béta-testeurs" sur environ 150 projets différents. L'opérateur de téléphonie cherche à impliquer les utilisateurs en amont du lancement d'offres et de technologies. Cette structure a vu le jour en mars 2008 dans le but de donner la parole aux utilisateurs, clients ou non de SFR, sur de nouveaux concepts de services et de produits. Depuis, le concept a fait des émules. La Poste, La Française des jeux ou encore Canal +, ont fait appel à la plateforme de béta-tests. Tous les secteurs sont concernés. Dans son rapport "Looking ahead : Driving co-creation in the auto industry", publié en juin 2013, PwC prévoit, pour les cinq prochaines années, une généralisation de la culture de cocréation, déjà en passe de devenir une méthode dominante de collaboration et de production d'idées au sein de l'industrie automobile. " Les méthodes de cocréation ont une portée qui va bien au-delà de la simple connaissance du client. Il s'agit véritablement d'un outil stratégique pour le marché ", y affirme Gérard Morin, associé PwC responsable du secteur automobile. Un virage important à négocier.
Interview de Marc Papanicola, fondateur d'Insight Quest
Quels sont les principaux bénéfices qu'une marque peut tirer de la cocréation ?
Donner la parole au consommateur est un levier essentiel en matière d'innovation. En s'appuyant sur des éléments conversationnels, vous partez de la source pour créer vos nouvelles offres. Il est également possible de faire évoluer votre catalogue en proposant au consommateur d'émettre des opinions, des idées, par le biais d'un simple formulaire. Mais la parole du consommateur n'est pas non plus sacrée. Le décryptage, l'analyse sont importants.
Existe-t-il des cibles à privilégier, des profils de consommateurs à mobiliser prioritairement ?
Il existe déjà des cibles plus faciles à toucher. Si vos clients ont entre 20 et 30 ans, ils sont déjà familiarisés avec les nouvelles technologies, n'hésitent pas à prendre la parole, et sont présents et actifs sur Internet en général, sur les réseaux sociaux en particulier. Il faut impliquer la cible de la marque en amont du projet, tout en ayant déjà défini une trame de travail précise. L'art de cette discipline réside dans l'opportunité de mettre à profit des optimisations que l'on ne cherchait pas vraiment...
Comment rendre efficace le marketing participatif ?
Pour commencer, le fait de se lancer sur le Web (et ce, quel que soit le mode de contact utilisé), implique une acceptation de la contradiction. Qu'il soit positif ou négatif, le dialogue doit être accepté. Il faut ensuite fixer les règles précises de la cocréation. Il s'agit d'un vrai projet, soumis à un cahier des charges, avec des objectifs et des outils de suivi. Engager le dialogue avec les consommateurs peut générer beaucoup de "bruit". La parole collectée doit ainsi être génératrice de valeur. Mais le risque d'être noyé sous un torrent d'idées est bien réel. Il ne faut pas se précipiter et évaluer les idées de manière pertinente, en vérifiant qu'elles correspondent à une réalité commerciale.
(Propos recueillis par Marie-Juliette Levin)
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