DossierLuxe : calme et volupté ? Pas si sûr...
5 - Vers une disparition du luxe ?
Le meilleur des deux mondes ? Offrir un service premium à un prix low cost.
Sans repartir totalement de zéro, la montée en gamme d'une marque peut prendre vie à travers une filiale, totalement indépendante. Pour cela, "il faut comprendre la catégorie à explorer et analyser la mémoire collective de ce marché. Activer l'histoire de la marque sur une autre catégorie", conseille Christophe Padère. Telle a été la stratégie de Citroën au lancement de la gamme DS. Une série qui aujourd'hui vit aux côtés de Citroën sans y faire référence. C'est une marque à part dans le groupe et qui bénéficie, pour autant, de tout le savoir-faire technologique du constructeur.
Le luxe est-il accessible à toutes les marques ?
"Il est logique de créer une franchise luxe à l'intérieur d'une marque. C'est surtout valable en cosmétique mais des marques comme Laguiole ou la Maison du Chocolat se sont inspirés de cette logique, avec succès", témoigne Michel Campan. Par ailleurs, créer une marque ombrelle permet de se différencier sur son marché. "Le chocolat Lindt a réussi à se premiumiser en bousculant le marché, puisque de nombreuses marques lui ont emboîté le pas. Mais il ne suffit pas de rhabiller le produit grâce à un packaging innovant, il convient d'offrir une performance émotionnelle et gustative", explique Brice Auckenthaler (Tilt Ideas). Autre exemple, Air France. Face à la montée du low cost, la compagnie a choisi de créer une nouvelle offre, située entre la classe "affaires" et la classe "économique". Elle propose ainsi une montée en gamme aux clients en capitalisant sur l'image de marque d'Air France. Le meilleur des deux mondes : offrir un service premium à un prix low cost.
L'EXPERT: Eric Briones, planneur stratégique spécialisé dans le secteur du luxe
Selon Eric Briones et Gregory Casper, qui viennent de cosigner un livre sur La génération Y et le luxe, les 18-35 ans font du premium un art de vivre et de consommer. Et finalement, les frontières entre luxe et premium s'effacent. Ils consomment du Gucci, du Chanel de manière totalement décomplexée. D'ailleurs, 80,8% des répondants au questionnaire (étude quantitative réalisée avec les auteurs) ont déclaré qu'acheter en temps de crise un produit de luxe n'était pas choquant. Selon Eric Briones, la génération Y a une vision atomisée du luxe. Celui-ci devient quotidien et tout est premiumisé. En revanche, les jeunes consommateurs exigent des marques qu'elles apportent des preuves de leur valeur ajoutée. Ils veulent comprendre ce qui fait le plus du produit.
"Comment on premiumise, non pas avec la culture premium du passé mais avec la culture actuelle du futur ? Comment à la fois premiumiser et "genYfier" les marques ? Parce que les consommateurs dominants, ce sont eux", s'interroge Eric Briones dans son ouvrage. Ainsi, les jeunes ne s'interdisent rien quand ils pensent au luxe. Le luxe Y est à la fois matériel et immatériel, technologique et artisanal, local et global. Exit, la fonction statutaire et le luxe ostentatoire. Place au luxe pour soi ! Pour autant, les jeunes ne tournent pas le dos à une consommation réfléchie et responsable. "La relation avec ces marques est plus compliquée. Pour cette génération Y élevée au low cost, le prix est une faille. Mais les moyens digitaux leur permettent de prendre le pouvoir. Et surtout, acheter un produit haut de gamme et de qualité c'est lutter contre le gâchis. "Won't buy stupid !" est leur devise", conclut Eric Briones.